Leonidas ne sentait plus que le sang ; écœurant, impitoyable.Zélie était allongée sur le sol, encerclée d'une flaque, d'une mare, d'un lac de liquide pourpre et visqueux.
Leonidas se précipita. Il retourna sa sœur sur le dos, tentant d'ignorer le fait que sa peau était glacée.
Ce fut comme si des milliers d'aiguilles chauffées à blanc se plantaient dans son cœur. Il eut d'abord très froid ; un froid glacial, intense, qui transperçait sa chair. Puis la chaleur arriva, brûlante, il avait l'impression de se consumer tout entier.
Zélie ne respirait plus. Elle était simplement allongée là, couverte de sang, un couteau de cuisine dans le cœur. Elle était morte. Désespérément et cruellement morte. Inerte. Sans vie. Tel un simple objet, froid et sans âme.
Et le pire était le fait qu'elle ait choisi ce terrible sort.
— Elle avait une chance, gémit Leonidas. Elle pouvait survivre.
— Toutes mes condoléances, monsieur, dit le Dr. Wilson, qui visiblement ne savait pas où se mettre.
Leonidas se retourna d'un coup, le visage déformé par la rage.
— Vos condoléances ? Je n'en a rien à faire de vos condoléances ! Ma sœur est morte ! Elle est morte, vous comprenez ?!
— Eh bien... ce sont des choses qui arrivent, balbutia le docteur.
L'ancien ouvrier se leva d'un bond. Son corps entier tremblait d'une colère noire, irascible, invincible. Il prit la table en bois sur laquelle il mangeait depuis des années et la fracassa sur le sol. Les assiettes et les verres qui étaient continuellement posés sur la table par faute d'endroit où les ranger explosèrent sur le sol. Il hurlait — des insultes, peut-être, il n'en avait que faire.
Il avait juste besoin de purger sa peine.
Le médecin poussa un petit cri pathétique, puis s'efforça de calmer Leonidas, à force de gesticulations.
Le jeune homme l'ignorait royalement, hurlant et cassant tout ce qui se trouvait à sa portée. Il savait qu'il le regretterait, plus tard. Mais à ce moment-là, plus rien ne semblait avoir de sens.
Zélie, sa sœur, sa confidente, son amie, sa compagne de galère était morte. Morte. Morte. Morte. Morte. Morte. Morte.
Juste morte.
Leonidas s'arrêta d'un coup. Il se dirigea à grands pas vers la porte, bousculant le docteur au passage.
Il descendit dans la rue, marcha, s'efforçant de penser à autre chose, à ne pas accepter la terrible vérité.
— Bon anniversaire, ma chérie ! dit Mr. Spence.
— Déjà dix ans, tu t'en rends compte ! s'exclama Mrs. Spence.
Zélie leva la tête, les yeux pétillants, un large sourire éclairant son visage rond de petite fille.
— On t'a fait un gâteau ! s'écria Leonidas.
Mr. Spence sortit de derrière son dos un petit gâteau rond couvert de glaçage. Zélie éclata de rire et croqua dedans. Elle ferma les yeux afin de déguster ce délicieux goût sucré, si rare pour ses pupilles gustatives. Il était délicieux.
— C'est moi qui l'ai fait ! cria son frère, grimpant sur les genoux de leur père.
— Bravo, Leo ! C'est la meilleure chose que j'aie jamais gouté.
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De sang et de charbon
Historical FictionLondres, 1843 Tandis que la pluie s'abattait sans relâche sur la capitale et que la lune tentait tant bien que mal de percer les nuages de sa pâle lumière, une âme pauvre et solitaire courait dans les rues de Londres. Leonidas Spence volait des b...