Echanges

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Elle la conduisit dans le jardin où une balancelle leur tendait les bras. Sitôt installée, Alex sentit les mouvements de l'appareil l'engourdir.

D'abord, elle se sentit flottée, légère. Puis, les ombres entrèrent dans ses songes, en envahir l'espace. Son sommeil se fit agité.

Vanessa avait mis ses écouteurs et laissait le soleil dorer sa peau, profitant du calme de ce coin de campagne, loin des avertisseurs et des bruits de la circulation.

Quand Alessandra commença à marmonner, Vanessa baissa le volume de sa musique et elle l'entendit s'énerver. « Arrêtes! Pose-ça !...Non...Stop ! Arrêtes ! Ne fais pas ça ! ».

Elle retira ses écouteurs et se rapprocha de la jeune femme.

« Arrêtes ! ».

Elle se figea. Voyant qu'Alex était toujours plongé dans le sommeil, elle lui toucha légèrement l'épaule droite pour la réveiller. 

Elle sentit qu'Alessandra baissait sa tête du côté opposé, puis, sans comprendre comment, elle fut saisi à la ceinture et Alex la tira vers elle. 

Surprise, elle vit soudain la paume de la main de la jeune femme s'approcher de son menton. Violemment repoussée en arrière alors qu'Alex se relevait, elle se trouva déséquilibrée et commença à chuter. 

Par réflexe, Vanessa attrapa le coude de sa partenaire. De la main droite, Alex recouvra et maintint cette main sur son bras, tout en la lui retournant le pouce vers le haut ; puis, son bras gauche amorça un arc de cercle par l'extérieur. Alors qu'elle se penchait légèrement en avançant d'un pas et en tournant le buste vers la droite, Alex imprima une torsion du poignet à son adversaire l'obligeant à mettre un genou à terre. 

Soudain, elle tira une arme d'un holster à sa cheville, et la braqua sur Vanessa qui écarquilla les yeux et poussa un petit cri surprise par la rapidité et la fluidité des mouvements de la jeune femme. 

Alex sembla soudain prendre conscience du lieu où elle se trouvait. Elle rengaina son arme après avoir remis le cran de sureté et vérifier qu'il n'y avait pas de balle chargée dans la chambre.

-Je croyais que les agents de sécurité n'étaient pas armés?!

-Je ne suis pas vraiment un agent de sécurité.

-Alors, qui êtes-vous ?

-Je crois que c'est une des premières choses que vous auriez du demander quand nous nous sommes rencontrées. Mais, vous ne l'avez pas fait...

-Je vous le demande aujourd'hui, insista Vanessa.

-Aujourd'hui, il est trop tard pour s'inquiéter de qui je suis. Vous devriez plutôt réfléchir à ce que je serais capable de faire s'il m'en prenait l'envie, avoua Alessandra en la fixant dans les yeux.

-Vous n'oseriez pas...tout leur révéler.

-Sur ce point, vous avez raison. Je tiens toujours mes promesses et je vous ai promis de ne rien dire, alors je ne dirai rien. 

-Je n'ai donc pas à m'inquiéter.

-Vous devriez pourtant, souffla Alex en s'éloignant.  


Vanessa la perdit de vue durant quelques minutes. 

Elle commençait à se demander où la jolie brune avait filé quand elle entendit des rires dans la cuisine. 

Alors qu'elle poussait la porte, elle découvrit Alessandra juchée sur un des tabourets de l'îlot central face à sa mère. Elles ne l'entendirent pas approcher. Elles étaient en pleine discussion, Maggie lui racontait comment, lors de son sixième anniversaire, alors qu'elle jouait à cache-cache, elle était resté enfermée quatre heures dans un placard car elle n'avait pas voulu dévoiler sa cachette et préférait gagner la partie par abandon des autres joueurs.

C'est Alex qui l'aperçut en premier. Avec un clin d'oeil, elle lui lança :

-Alors, comme ça, tu n'aimes pas perdre, tu es prête à tout pour gagner. C'est drôle ! Moi, je gagnes toujours...quelque soit le jeu.

-Alors il ne faudrait pas que vous jouiez ensemble, cela pourrait mal finir, rétorqua Maggie. En attendant, que diriez-vous d'une petite gâterie ? Des cookies, ça vous convient ?

Vanessa acquiesça par gourmandise, non sans entendre le murmure d'Alessandra « en attendant mieux... ».

Maggie sortit les ingrédients et proposa à Alex de lui faire partager sa recette. Des cookies moelleux à souhait, fondants. 

Un plaisir pour les papilles, avoua cette dernière quand elle croqua dans la pâte encore chaude.


Alex prenait un malin plaisir à s'éclipser. Disparaître discrètement était un des atouts de son métier, et elle en usait régulièrement pour souffler un peu, déambuler dans la place. Cela rendait le jeu aussi beaucoup plus amusant, puisque alors Vanessa s'interrogeait sur ses disparitions. Où était-elle allée ? Qu'avait-elle fait ? A qui avait-elle parlé ?


Sa fuite l'avait conduite dans le jardin. 

Elle entendit un drôle de bruit venant d'une sorte de grand cabanon et découvrit le père de Vanessa en train de tailler ce qui ressemblait à un pied de chaise. Quand il se rendit compte de sa présence, il posa son ciseau, arrêta le tour, et retira ses gants et lunettes de protection. L'odeur de bois flottait dans l'air. 

Alex effleura de ses doigts l'objet: cela avait la douceur d'une peau de femme.

-Belle pièce, constata Alex devant la finesse du travail.

-Oui, disons que cela fait un moment que je m'exerce, répondit Robert.

-Vous êtes menuisier ?

-Non, je suis à la retraite.

-Ahh...

Il y eu un long silence. Puis, Robert repris la conversation :

- Et vous, vous faites quoi quand vous ne travaillez pas ?

- A part sortir avec votre fille, vous voulez dire ? répondit Alessandra avec un sourire. Et bien souvent, je caresse, je taquines, je fais vibrer les cor...des de ma guitare.

Le père de Vanessa éclata de rire. Un rire chaud et communicatif. Il avait apprécié son humour décalé.

- Vous pincez juste votre instrument, ou vous poussez aussi la chansonnette ?!

- Cela m'arrive d'accompagner de ma voix quelques accords effectivement, mais uniquement quand je suis en bonne compagnie.

- J'espère qu'un jour, nous aurons la possibilité de vous entendre, vous et votre guitare.

- Ce sera avec plaisir.

Il y eut un nouveau moment de silence. 

Robert nettoya ses outils et les rangea dans leurs emplacements. Ensuite, il proposa à la jeune femme de lui montrer ses productions. Il y en avait des petites, comme des pièces d'échecs, mais aussi de grandes tel ce cheval à bascule sur lequel il travaillait depuis quelques jours. Il lui parla de sa passion pour le bois, de son ancien métier aussi.

Alors qu'ils s'étaient assis dans un coin de son atelier avec une bière qu'il avait été cherché dans un petit frigo dissimulé dans son atelier, il recentra la conversation sur sa fille et la jeune femme.

-Cela fait longtemps que vous êtes...ensemble ? demanda finalement le père de Vanessa après avoir tourné un moment autour de la question qui le tracassait.

-Non pas vraiment, avoua Alex.

-Comment vous êtes-vous connues ? Vous n'évoluez pas tout à fait dans les mêmes sphères.

-Oui, ce n'est rien de le dire. En fait, c'est la musique qui nous a rapprochées. Répondit-elle après une seconde d'hésitation.

- Ahh, vous vous êtes rencontrées lors d'un concert...

- Euh...oui, c'est ça.

Comme Alex ne connaissait pas vraiment les goûts musicaux de Vanessa, elle répondit succinctement. 

Ils finirent leurs boissons, et Robert déposa les bouteilles dans un bac avant qu'Alessandra l'informe qu'elle allait rejoindre Vanessa. 

Robert opina de la tête et la regarda s'éloigner vers la maison.

MascaradeWhere stories live. Discover now