Chapitre 3 : Alden

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Aujourd'hui est le grand jour. Le jour décisif pendant lequel je vais enfin, après précisément trois ans, sept mois et douze jours d'attente, LE rencontrer. Je frémis à cette idée. Grâce à cette entrevue, je vais pouvoir réaliser le plan.

Le plan. Rien qu'entendre ces mots me fait frissonner. De quoi ? Mystère. Peut-être de joie, bien que ce sentiment ne fasse pas partie de mon quotidien. Il s'agit certainement de satisfaction, le sentiment qui s'apparente le plus à la joie d'après moi.

Je suis coupé dans mes pensées par un "bip" long et sonore. Je me lève d'un coup. L'alarme branchée à la caméra de surveillance qui donne sur l'entrée continue de sonner. Une lumière clignote en bas de l'écran. Je l'allume et soupire de soulagement en voyant un livreur marcher vers la porte. Mais un doute me saisit soudain. Comment un simple livreur a-t-il réussi à entrer ?

J'enfile un long manteau noir et un chapeau de la même couleur puis je prends le talkie-walkie attaché à ma ceinture et le règle sur la ligne douze, celle qui me sert à communiquer avec Félix Bardeau, le commandant de ma petite armée de dix gardes surentrainés.

« Félix, vous me recevez ?

- Cinq sur cinq, monsieur.

- Il y a un problème. Une personne a réussi à pénétrer dans la cour de devant. Il porte un colis et est habillé en livreur, mais comment a-t-il réussi à franchir tous les systèmes d'alarme, les obstacles et les pièges sans avoir aucune séquelle ?

- Comment dois-je l'accueillir, monsieur ?

- Vous arrivez normalement. Si le "livreur" court, vous le rattrapez et vous lui tenez les mains dans le dos. Dans ce cas, il devrait montrer plus de résistance. Controlez-le comme vous pouvez et, si vous n'y arrivez plus, appelez un autre garde. Empêchez qu'on l'entende. Vous le conduirez alors dans le salon de réception et je viendrai le voir.

- Très bien, monsieur. Dois-je y aller tout de suite ?

- Oui. Allez-y, Félix.

-  Dois-je éteindre le talkie-walkie ?

- Jamais ! Vous ne devez jamais l'éteindre ! Nous devons garder le contact, au cas où il y aurait un problème. 

- Très bien, monsieur. J'y vais. »

Je réfléchis. Ai-je bien fait d'envoyer Félix attraper l'homme habillé en livreur ? Peut-être aurais-je mieux fait d'y aller moi-même... Mais bon, Félix combat, je l'avoue, un petit peu mieux que moi et il est légèrement plus musclé. Il faut dire qu'il a été élevé par le nouveau champion du monde de lutte.

Je relève la tête et regarde les caméras. Félix tient les mains de l'homme derrière son dos. Il le mène brutalement vers l'entrée, je l'appelle pour lui demander d'être plus doux avec cet homme qui n'a rien fait de mal pour l'instant. Il m'obéit et desserre sa prise. Ils entrent alors dans le hall et je sens que c'est le moment pour aller dans le salon de réception, qui est à l'autre bout de la maison.

Cinq minutes plus tard, je suis assis sur un fauteuil en face du soi-disant livreur et à côté de Félix, qui est chargé de me protéger si l'homme se révolte. Pour l'instant, je ne cours aucun danger. Enfin c'est ce que pense Félix et je le crois dans la mesure où le seul danger est que l'homme essaie de me frapper et qu'il est en ce moment ligoté à une chaise. Profitant du fait que Félix ne l'ait pas bailloné, je l'interroge :

« Bonjour monsieur. Il me semble que vous avez pénetré dans l'enceinte de ma demeure qui est pourtant une propriété privée.

- Je... mais... c'est... c'est mon métier monsieur.

- C'est votre métier ? crié-je. Votre métier est vraiment de pénétrer dans les propriétés privées ?

- Non... non monsieur... je... je suis livreur... alors je... je dois déposer les colis devant la porte... des personnes qui... qui ont commandé...

- Assez ! C'en est trop ! Cessez de me mentir ! Je déteste ça !

- Monsieur... intervient doucement Félix.

- Oui ? dis-je un peu brutalement.

- Ne vous emportez pas. On n'a pour l'instant aucune preuve qu'il ment.

- Mais réflechissez donc un peu, Félix  ! C'est pourtant évident ! Il feint la peur pour qu'on croit qu'il est un simple livreur, mais c'est en fait un espion engagé par je ne sais quelle société secrète qui cherche à nous nuire par tous les moyens possibles, dont envoyer un espion professionnel déguisé en livreur chez moi pour récolter des informations sur nous, et plus particulièrement sur moi.

- Monsieur, calmez vous ! Premièrement : il nous entend ; deuxièmement : comment pouvez-vous en être sûr ; troisièmement : Pourquoi quelqu'un chercherait-il à nous nuire ?

- Mais comme vous avez l'esprit lent ! Il cherche à connaître les codes et à avoir le plan pour pouvoir entrer, évidemment !

- Et quel interêt aurait-il à entrer dans cette grande demeure qui est la vôtre ?

- Je me demande, Félix, combien mon intelligence est supérieure à la vôtre. Ce serait une étude assez intéressante qui apporterait peut-être beaucoup à la science... Mais bon, je vois que vous attendez que je vous dise ce qu'il y a de si particulier dans cette maison. Et bien, je ne vous le dirai pas ! Sachez tout d'abord que votre poste demande des compétences sportives, certes, mais pas seulement. Il me semble vous avoir demandé, pendant l'examen d'entrée, si vous saviez vous montrer discret, attentif aux détails et surtout assez intelligent pour ne pas dévoiler des secrets de la plus grande importance devant des espions qui servent nos ennemis ! Et vous avez répondu « Oui monsieur, je sais faire tout ce que vous venez de dire. » ! 

- Oui monsieur j'ai dit ça, je m'en souviens et j'admets maintenant que j'avais tort. Mais quel rapport avec lui ? » Dit-il en montrant le soi-disant livreur qui nous regarde avec stupeur. 

N'en pouvant plus, je m'emporte soudain :

« Félix ! Vous êtes donc complètement idiot ? C'est pourtant purement et simplement évident ! Un enfant de trois ans comprendrait ! 

- Pardon monsieur. Mon père, je l'avoue, ne m'a appris que la lutte. Il passait ses journées à s'entraîner ou à m'entraîner et ne m'a envoyé ni à l'école ni dans d'autres établissements où j'aurais appris à être un petit peu intelligent, en plus d'être très fort dans tout ce qui concerne la lutte.

- Oui, bien sûr...  Bon, il faut qu'on voit  si cet homme est vraiment un livreur. 

- Et comment ferons-nous ?

- Nous pouvons lui demander ce qu'il a dû apprendre pour devenir livreur.

-  Bonne idée !  Je vais chercher mon ordinateur pour regarder ce qu'il faut savoir pour être livreur.

- Bien. »

Je suis confiant. Félix va interroger l'espion et va l'enfermer, puis le tour sera joué. C'est tellement facile ! J'appelle Félix et lui demande s'il peut se charger seul de l'interrogatoire. Il accepte. Je peux donc retourner tranquillement dans mon bureau pour réfléchir à ce que je vais LUI dire. 

Assis devant mon ordinateur éteint, je fronce les sourcils. Faut-il mieux paraître obéissant et docile ou bien effrayant et très intelligent ? Il faut peut-être faire ressortir mon intelligence, être tout de même obéissant et lui montrer... 

« Monsieur, vous m'entendez ? 

- Comment ? Ha, Félix, c'est vous.

- Oui, c'est, moi. J'ai fait passer l'interrogatoire à notre homme.

- Quels sont les résultats ?

- Monsieur.

- Oui ?

- Cet homme est vraiment un livreur.

- Ha.

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