Chapitre 22

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Les symboles se succèdent les uns aux autres, et à chaque fois que je passe sur l'un d'entre eux, le volume sonore de la pièce semble diminuer, avaler par le rugissement de mon cœur qui cogne contre mes tempes. Lorsque je m'arrête devant la petite porte métallique, je prends une grande bouffée d'air pour tenter de mettre de l'ordre dans ma tête. J'ai beau savoir que quelque chose ne tourne pas rond, je suis parfaitement incapable de trouver quoi. Quelque chose me pousse à ouvrir cette porte, et ce quelque chose étouffe tout le reste. Le monde est soudainement devenu silencieux et vide, à croire que la salle de bal a totalement disparu, emportant avec elle Ash et tous les convives. Il n'y a plus que moi, cette porte et l'un de ces curieux symboles. Plusieurs triangles sont imbriqués les uns dans les autres, et à leur sommet se trouve une sorte d'œil dont les cils rouge et poisseux dégoulinent sur le reste du dessin, effaçant sur leurs passages les traits pour ne former qu'une masse indistincte. J'y pose ma main, ignorant la nausée que provoque le contact du liquide tiède et gluant. Ce n'est qu'une illusion... Rien de tout ça n'est réel.

La seule chose qui reste nette est ma certitude que rien de bon ne m'attend derrière cette porte. Déjà, parce que suivre des symboles ensanglantés n'est définitivement pas la chose la plus rassurante qui soit, mais également parce qu'à mesure que j'avançais, mon corps s'était mis à trembler. J'ouvre pourtant cette porte, au grand regret de chacun de mes muscles qui se contractent aussitôt, rendant chaque mouvement plus raide que le précédent. J'avance lentement, jusqu'à entendre la porte claquer dans mon dos. Le couloir est étroit et donne presque immédiatement sur un escalier en bois qui semble mener au cœur même du théâtre. La seule lumière que je distingue vient d'en bas et est à peine suffisante pour éclairer convenablement les marches. Je devrais faire demi-tour, je le sais, d'autant plus lorsque j'entends plusieurs bruits sourds et le râle d'un homme à quelques mètres seulement de moi. 

Pourtant mon regard reste fixement accroché aux symboles sanguinolent qui recouvrent les murs autour de moi et le quelque chose qui me pousse à les suivre continue son œuvre. Ash va me tuer si quelqu'un ne s'en charge pas avant, c'est certain. Mon épaule frôle un des murs et je sursaute au contact du liquide visqueux contre ma peau. L'hallucination prend de plus en plus d'ampleur, ce n'est plus uniquement visuel, ma main est encore couverte de sang, sans compter ma robe et mon nez parviens même à sentir l'odeur écœurante de toute cette hémoglobine. Non, c'est la mort que je sens, celle-là même qui hante mes nuits et qui chaque jour m'est de plus en plus familière.

Le râle reprend lorsque j'atteins enfin le bas des escaliers, mais aucun monstre ne se cache là, ce n'est qu'un autre couloir, légèrement plus large et éclairé par de longs néons jaune et poussiéreux. De chaque côté, des portes numérotées se succèdent les unes aux autres, certaines ont même une plaque dorée gravée d'un nom. Il s'agit donc des loges des artistes et à en juger par la quantité impressionnante de poussière qui règne ici, l'endroit aurait dû être désert. Les symboles se font de plus en plus nombreux, alternant entre les murs au papier peint jauni et les dalles brunes qui recouvrent le sol. Ils sont si proches qu'il est difficile d'y reconnaître quoi que ce soit. Un bruit mouillé suivi de la chute de quelque chose de lourd me hérisse le poil, et je me fige, bien consciente que c'est le moment de faire demi-tour.

Oui, là, je dois l'admettre, mon vampire me manque beaucoup. Pourtant, il n'y a rien à faire, mon corps continue d'avancer, symboles après symboles jusqu'à la porte du fond. C'est la seule du couloir à être ouverte, et probablement la seule que je n'ai aucune envie d'ouvrir. Ma main ensanglantée se pose sur la poignée et je pousse doucement, les nerfs à fleurs de peau. Ce qui se dégage de cet endroit me rend malade, je suis à deux doigts de rendre ce que j'ai dans l'estomac alors même que je n'ai rien vu du tout. L'atmosphère se suffit à elle-même, elle dégage quelque chose de mauvais, quelque chose de pire qu'un loup ou qu'un vampire.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant