Chapitre 36

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La joie qui m'envahit est de courte durée. J'ai réussi l'épreuve de Melanthe, j'ai nourri la graine. Mais lorsque de longues tiges blanches s'enroulent autour de mon poignet et qu'elle se loge dans le creux de ma paume en s'enfouissant dans ma chair, je le regrette aussitôt. La douleur n'est pas très importante, des picotements désagréables tout au plus. Je me relève d'un bond et tente d'arracher la plante par la force, mais rien n'y fait, à chaque seconde, elle se plante plus profondément dans ma peau à tel point que je peux voir ses racines luminescentes au travers de mon épiderme.

Un hoquet de dégoût manque de me faire vomir, mais mon ventre est toujours vide et je m'efforce de garder mon calme. Melanthe est toujours liée à moi par sa promesse de sang, elle ne peut pas utiliser cette chose pour me tuer. J'inspire, chasse la panique de mon esprit et relève les yeux vers Ash qui est étrangement resté figé sur place. Il me dévisage toujours, mais cette fois, son front est plissé par l'incompréhension et je suis prête à parier que ça n'a rien à voir avec la plante démoniaque qui se niche dans ma main.

— Qu'est-ce que tu viens de faire au juste ? lâche-t-il finalement.

J'arrête mes gesticulations, prise d'une soudaine panique. Qu'est-ce que je viens de faire ? J'ai fait un test et je ne sais pas encore si le résultat est positif ou non. Je suis amoureuse d'un type pourvu de crocs, immortel, probablement un peu dingue et allergique à l'idée d'aimer qui que ce soit. Chose que je comprends parfaitement. Les humains vivent d'amour, ils aiment, se lassent et recommencent jusqu'à leur dernier souffle. Les immortels tels que Ash vivent dans un monde plus dangereux, plus sombre et infiniment plus cruel. Tout y est plus intense, plus définitif et jamais quelqu'un comme lui n'admettra aimer qui que ce soit avant d'être certain que c'est à cette femme qu'il confiera son âme. Je ne suis pas cette femme, et je ne suis même pas sûre que ça me déçoive. Je n'ai pas les épaules pour ça et tout ce que ça implique.

Pourtant en cet instant, je sais que je l'aime suffisamment pour le suivre n'importe où. Je suis même prête à me jeter dans les griffes d'Antonia s'il c'est la seule chose à faire pour l'aider. Sans parler de l'attraction stupéfiante que son corps, sa bouche et ses caresses ont sur moi.

Mais je le connais, je sais qu'il n'admettra jamais qu'il ait pu ressentir quoi que ce soit pour moi sans l'action de ce lien. Notre dernière conversation à ce propos avait bien failli me coûter la vie et s'il ne reste aujourd'hui plus aucun hématome autour de mon cou pour le prouver, c'est uniquement parce que son sang les a guéris en même temps que mon bras.

— J'ai fait ce que la sorcière a demandé, nous n'avons plus qu'à attendre Declan et espérer que cette foutue plante cesse de grandir.

Heureusement pour moi, elle semble s'être décidée à stopper sa croissance aux alentours de mon coude. Elle n'entrave pas mes articulations et hormis une sensation de gêne étrange, elle ne me fait pas mal. J'imagine que si elle avait entrepris de me dévorer de la l'intérieur, je le ressentirais rapidement.

— Je ne parle pas de ça, siffle-t-il. Ne fais plus jamais ça, tu sais parfaitement qu'il ne faut pas encourager le lien dans ce sens.

J'ouvre la bouche, la vérité sur le bout de la langue. Puis la referme sèchement. Il n'est pas prêt et je n'ai aucune envie d'aller sur ce terrain là avec lui pour le moment. Nous devons quitter cette ville. Ensuite, je lui révélerai la vérité et il sera libre de partir, délivré d'entraves qui n'ont jamais existé.

— C'est noté. Pas la peine de t'énerver, ce n'était qu'un baiser de rien du tout.

Piètre mensonge.

Aucun de nous deux n'y croit un instant. Pourtant il hoche la tête en grommelant quelque chose que je n'entends pas et se lève pour mettre de la distance entre nous comme s'il craignait que je lui saute à nouveau dessus. L'idée est tentante, ne serait-ce que pour le provoquer, mais ce jeu là est dangereux pour moi. Si mon corps ne peut pas mourir, il peut souffrir et mon cœur n'est pas prêt à se faire piétiner par l'arrogance d'un vampire qui se ment à lui-même.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant