Un piteux début d'aventure

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À quelques kilomètres, dans une auberge de la ville universitaire de Bragant, Irena achevait sa troisième chope d'hydromel. Malgré un état d'alcoolisme avancé, l'ancienne étudiante conservait sa beauté, par ailleurs atypique pour la région : de longs cheveux blonds encadraient des yeux couleurs noisette, alors que les habitants ici arboraient souvent une pilosité sombre. Son physique grand et mince, à la limite de la maigreur, contrasté avec les femmes de tailles plus modestes et plus robustes qui vivaient dans ces contrées.

Ce soir donc, Irena tentait encore une fois de trouver un sens à sa vie au fond de son verre. Et pour cause : ses études en cette nouvelle science qui se nommait "psychologie" n'avaient pas très bien tournée, en partie dû aux nombreux plaisirs qu'offrait la grande ville. Pour sa part, elle se dédouanait de son échec et se disait que de toute façon, le monde n'était pas près à autant d'empathie envers son prochain. Ainsi, elle se retrouva à jouer aux dés avec divers compagnons de beuveries, la plupart sans grand talent autre qu'une résistance quasi surnaturelle au surplus d'éthanol. Du haut de ses vingt quatre ans, elle n'avait rien à leur envier sur ce terrain là : ses années d'expérience en la matière parlaient pour elle. Ce fut alors qu'elle vit le tavernier placarder une affichette pleine de peinture brillante et de créatures étranges dotés d'ailettes. S'y reprenant à plusieurs fois pour comprendre de quoi il en retournait, Irena réussit à comprendre qu'il s'agissait d'un job, ayant lieu dans une bourgade nommée le Val.

Ce fut son dernier souvenir de la soirée. Elle se réveilla alors dans une chambre d'auberge inconnue, elle qui connaissait pourtant toutes celles de Bragant. Irena nota avec soulagement qu'elle avait encore l'ensemble de ses vêtements sur le dos, bien que nauséabonds, ce qui était une réussite : certaines de ses nuits les plus épiques avaient des conclusions moins prudes. Encore mieux, il lui restait quelques cristaux dans sa besace, alors qu'elle avait eu pour plan de les dépenser jusqu'au dernier au bar la veille.

Au delà du fait que je suis dans un endroit inconnu, et que je sens très mauvais, je m'en tire plutôt bien pour le moment !

Ne sachant que faire, elle descendit dans la salle commune, pleine à craquer. Le tapage des nombreux clients et la chaleur étouffante de la pièce n'améliorait ni son humeur, ni son mal de crâne. Des nains faisaient un concours de bière, alors qu'il n'était pas encore midi, tandis que des elfes se disputaient pour savoir lequel d'entre eux arborait les cheveux les plus brillants. Elle mit un temps à remarquer ce qui pourtant sautait aux yeux : l'hétérogénéité de la clientèle - pirates, chasseurs de primes, guerriers et autres mages - ne pouvait être dû au hasard. Ce fut alors qu'elle se souvint : elle avait eu la lumineuse idée de répondre à l'appel du Val, et avait loué une carriole jusqu'ici. Elle avait dormi, et vomi, parfois les deux en même temps, jusqu'à ce que le conducteur la dépose prestement dans la première auberge venue de la ville.

Encore quelque peu nauséeuse, elle commanda un simple thé à un tenancier heureux de crouler sous les cristaux tout neufs, et trouva un coin de table où s'asseoir.

« Tu viens pour l'annonce toi aussi, lui demanda son compagnon de table.

- Bien sûr, comme tout le monde ici non ? répondit-elle d'une voix rauque.

- Tout à fait, mais pardonne mon audace, tu n'as pas vraiment la tête de l'emploi.. constata son interlocuteur d'un air peiné.

- Tu veux dire maintenant, ou en général ? Il y a une sacré différence, crois moi. »

L'homme la scruta de la tête au pied. Visiblement, au grand dam d'Irena, il ne semblait pas impressionné par ce qu'il voyait. Cela la toucha dans son orgueil, plus qu'elle ne voulait l'admettre. Son physique n'était pas celui d'une déesse mais tout de même, elle avait eu quelques réussites.

"Je n'ai pas de conseil de mode à recevoir de la part de quelqu'un à qui il manque la moitié des dents" rétorqua-t-elle froidement.

En effet, son interlocuteur possédait plusieurs dents de bronze pour remplacer celles qui étaient parties vers un monde meilleur. Sa tenue prouvait un goût pour les couleurs par ailleurs plutôt discutable.

« Ah ! Si je réalise des quêtes pour les plus fortunés, c'est aussi pour me payer des soins dentaires ».

Il continua sa litanie, Irena n'en écoutant que partiellement la teneur. Des expressions comme « couverture santé » et « stabilité de l'emploi» ne lui disaient de toute façon rien. Sirotant son thé à la menthe, la jeune femme scruta les aventuriers présents. Dans l'ensemble, la plupart avaient l'air de simples vagabonds, mais quelques uns avaient l'air d'aplomb. Elle s'excusa auprès de son interlocuteur, en train de critiquer la « hausse des plans sociaux », pour aller quérir des compagnons.

En réalité, la plupart des clients de l'auberge n'avait pas l'air de vouloir partir de si tôt. La quête semblait même un prétexte pour faire la fête et rencontrer du monde, probablement pour briser la litanie de la route. Irena sortit de l'établissement, le soleil d'une journée belle et fraiche l'éblouit. Depuis l'auberge, du Nain Roux selon la pancarte, on pouvait apprécier une vue plongeante sur le Val, bourgade moyenne entourée de collines boisées. Au sommet de l'une d'elle, se dressait un château à l'aspect lugubre. 

Quelques aventuriers se trouvaient dehors avec elle.

Montons une équipe !

Fantasy humoristique - La quête des Héros du ValWhere stories live. Discover now