II

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*J*

Mes yeux se perdent sur ces particules de peau. Celles de son corps. Allongé près de moi. Il est dans un profond sommeil que j'envie. Quand je regarde son air apaisé, j'y trouve quelque chose. Une satisfaction humaine. Le repos qu'on réclame sans cesse. À évacuer nos énergies, en les comblant. Juste être inconscient. Oublier qui on est le temps d'un voyage. Qu'on s'en souvienne ou qu'on l'oublie. Je n'ai plus jamais connu ça... Plus depuis l'hôtel. J'aimerais tant lui demander de l'aide, des conseils. Qu'il sache me rassurer au-delà des « ça ira, mon amour ».

La déception me gagne. Je n'ai même pas besoin de regarder l'heure. J'espérais...

J'espérais sincèrement que son amour. Sa présence m'aiderait à rejoindre ce monde. Et j'ai eu tords, à nouveau.

Sans hésitation, je me lève. Sans surveiller l'heure, on réalise que c'est notre routine. Quelque chose m'empêche d'avancer. Parce que je ne le trouve jamais en dormant. Et pourtant j'ai toujours su où la trouver en restant éveillé. Mon quotidien, c'est cette escapade. Toutes les nuits.

Je m'habille discrètement. Un jean et un tee-shirt me suffirait. L'ennui c'est qu'on apprend vite. Jordan n'accepterait jamais que je me rende à l'hôtel habillé en civil. Alors je fais des efforts, comme toujours. Même un pantalon en satin large me semble inconfortable. Juste pour rester assise pendant des heures. Mais je dois le faire. Une chemise blanche. Quelques bijoux. Là, je réponds aux « critères » qu'il m'a fixé. Il veut me protéger, et pourtant... je me sens surmenée avec ces règles. Je passe devant lui en sortant de la chambre. Juste le temps d'une caresse sur son visage endormi. Je pars. Ma mallette. Les clés de voiture.

À l'instant où je suis dehors, je ne pense même plus à Jordan.

**

Généralement, le trajet en voiture me fait du bien. Je me permets de faire un tour complet de la ville avant de rejoindre l'hôtel. J'y vois la nuit, et sa discrétion. Tous ses plus grands secrets. Ses lumières et ses arts. Les quelques civils aussi insomniaques que moi... ou juste, fêtards. Je les envie quand je les regarde rire entre amis. Même se disputer entre couple. Parce qu'ils ont ce loisir de faire ce qui les chante. Ils n'ont pas ce que j'ai. D'ailleurs qu'ai-je donc, en dehors de mon mariage ? Ma vie est faite de déception, mais la seule chose dont je suis la plus heureuse c'est l'amour de Jordan. Juste, cette vie qu'il m'a donné, m'étouffe. De plus en plus...

L'air frais m'offre une bouffée d'oxygène. D'ailleurs, elle élimine cette angoisse. Celle de ne pas respecter les règles et d'être surprise. Jordan sait très bien ce que je fais de mes nuits. Il sait même ce que j'aurais aimé qu'il me dise.

Je stoppe ma voiture devant l'entrée. Laissant le moteur en marche, je descends. Le voiturier prend mes clés. Puis je me précipite vers l'entrée. Me retournant une autre fois pour voir cette douce mer endormie. Quand je l'observe, c'est comme une envie de m'y enfuir à la nage qui me prend.

- Bonsoir Madame.

Que des « bonsoirs », de la part des employés. Que je réponds d'un sourire. Je ne compte pas être déconnecté. Pas comme mon mari. Ces personnes font du bon travail pour nous. Ils méritent ma reconnaissance. Comme d'habitude, je rejoins la salle de restauration. Comme d'habitude, je m'installe sur les sièges et sofa qui centre celle-ci. C'est l'endroit idéal pour prendre un apéritif. Ou pour se détendre après une journée à la plage. C'est aussi un endroit fait pour moi.

Quand j'ai besoin d'extérioriser, seule. Avec ce qui m'aide à tenir. À lutter. Sans laisser gagner l'insomnie. Trouver quelque chose pour faire de ces heures perdues, quelque chose de productif.

Lacrimosa H.S (mâture)Where stories live. Discover now