ʟᴀ ʟᴜɴᴇ sᴇᴜʟᴇ ᴘᴏᴜʀ ᴛᴇ́ᴍᴏɪɴ

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[997 mots]

   — Aram... Je crois qu'il vaudrait mieux que tu ne viennes plus me voir à partir de ce soir.

   — Pourquoi dis-tu ça ?

   Devant la tête basse et mutique de la jeune femme, le sillon entre ses sourcils se creusa un peu plus. Il venait de comprendre.

   — C'est à cause de ton clan, n'est-ce pas ?

   Elle acquiesça tristement, les bras croisés sous sa poitrine.

   — Tu ne dois pas t'en faire pour moi, Erin. Je suis un traqueur, j'ai reçu une excellente éducation militaire. Je saurais me défendre s'ils m'attrapent.

   — Non, s'il te plaît-

   — Cesse donc de te tracasser ! Je me fiche éperdument des risques que je peux encourir ! Je-veux-te-voir et ça, rien ni personne ne pourra m'en empêcher.

   — Aram... souffla-t-elle avec peine.

   — Allons, suis-moi, lui dit-il d'une voix douce tout en se saisissant de ses deux mains.

   — Où ça ?

   — Si tu arrives à me suivre, tu verras bien, fit Aram avec un clin d'œil taquin.

   — Dois-je te rappeler que tu t'adresses à une elfe-noire ‽ ironisa Erin. Je suis bien plus rapide qu'un elfe, alors que dire pour un être humain ?

   — Ah ouais... ? Ben c'est c'qu'on va voir ! lança le jeune homme sur un ton de défi en se mettant aussitôt à courir.

   Surprise autant qu'amusée par son attitude enfantine, elle marqua un temps d'arrêt et rit doucement avant de s'élancer derrière lui. Étonnamment, il parvint à la semer tel qu'elle le perdit rapidement de vue dans les sentiers rocheux.

   — Aram... ? héla-t-elle, légèrement inquiète.

   Mais devant l'unique réponse du silence, elle réitéra ses appels tout en escaladant agilement de hautes roches. Une fois qu'elle fut arrivée au sommet, la lune se leva, illuminant la crête des montagnes au loin, et argentant la surface de l'eau en contrebas. Avec un certain soulagement, elle aperçut une silhouette se découper sur le disque lunaire.

   Il était là, debout au bord du vide, parfaitement immobile, les orteils en surplomb des rochers. Rien ne bougeait hormis sa chemise de lin, dont le tissu se tendait et se relâchait au rythme de sa respiration haletante.

   Après quelques secondes, Aram se tourna vers elle, lui offrant un sourire chaleureux et sincère. Les joues légèrement empourprées, Erin s'approcha de lui pour attraper délicatement la main qu'il lui tendait. Elle était chaude et incroyablement douce, – en dépit des heures d'entraînements qu'elle essuyait chaque jour. De son autre main, le jeune homme lui saisit la taille et vint doucement l'attirer contre lui. Erin le laissa faire, docile et vint poser sa main libre sur son épaule robuste. Ils entamèrent alors quelques pas de danse timides sous la bienveillance de l'œil lunaire, en rythme avec la symphonie des bruits nocturnes. Leurs tournoiements appelèrent bientôt une fine brise, chargée des effluves et des senteurs de la sylve environnante, qui s'amusa un moment à jouer dans leurs sombres chevelures avant de les laisser en intimité.

   Après une énième valse, ils s'arrêtèrent enfin à quelques mètres du rebord de la falaise. Doucement, Aram se pencha en avant et susurra à l'oreille pointue d'Erin :

   — Prête ?

   Ses yeux en amande, bleu émaillé de vert, la fixèrent si intensément qu'elle en perdit ses mots. La bouche légèrement entrouverte, sa seule réponse ne fut qu'un petit hochement de tête, mais suffit à soutirer au jeune homme un tendre sourire.

   — À trois, murmura-t-il, avant de lancer le décompte sur la même verve. Un... Deux... Trois !

   Ils s'élancèrent à toute allure, mains jointes, jusqu'à ce que le sol se dérobe sous leurs pieds. Durant les quelques secondes de leur vertigineuse descente, ils eurent la sensation grisante de voler. Enivrés par la vitesse, ils se laissèrent aller au plaisir du vent qui s'engouffrait dans leurs vêtements et dans leurs cheveux, les empêchant presque de respirer alors qu'ils hurlaient leur joie. Le sifflement de l'air fut bientôt couvert par le rugissement de l'eau pénétrant dans leurs oreilles.

   Les pieds d'Erin furent les derniers à toucher le fond et elle mit un moment avant de remonter à la surface. Lorsqu'elle sortit enfin la tête de l'onde, faisant voler des milliers de perles d'eau glacées, elle aspira de profondes goulées d'air nocturne. Tout en cherchant Aram du regard, elle écarta de ses mains les quelques mèches mouillées collées sur son front et ses tempes. La lueur de la lune miroitait sur les parois de calcite humides. Sentant soudain quelque chose tapoter son épaule, elle se retourna vivement et vit un Aram tout grimaçant. Tous deux pouffèrent avant d'éclater en un rire complice et libérateur. Une fois calmés, elle lui jeta un coup d'œil, semblant attendre une réponse à une question muette.

   — Je t'aime, Erin.

   À ces mots, elle ouvrit de grands yeux surpris. Il semblait aussi bien lire dans ses pensées qu'elle dans les siennes. Erin sourit et lui répondit en murmurant :

   — Moi aussi... Moi aussi, je t'aime, Aram.

   Alors, lentement, afin de ne rien perdre de ce magique instant, ils comblèrent la distance qui les séparait. Bientôt, leurs lèvres s'effleurèrent et leurs souffles s'entremêlèrent. Leurs bouches se rencontrèrent finalement dans un tendre baiser enflammé de passion.

   Lorsque enfin ils se détachèrent l'un de l'autre, essoufflés, mais heureux, Aram vint doucement saisir la tête d'Erin entre ses mains pour coller son front au sien. Il pouvait sentir son haleine, douce et suave, caresser ses narines au rythme cadencé de sa respiration. Et puis, d'une voix très basse, comme s'il avait voulu lui confier un secret, il demanda :

   — Erin... Accepterais-tu de passer le restant de ma vie à mes côtés ?

   Elle seule savait ce que cela impliquerait. Mais peu lui en importait. Si l'union de son cœur à celui d'Aram devait la priver de ce privilège qu'était l'immortalité, elle ne reculerait pas ! Car, après tout, l'éternité sans amour n'en valait pas la peine... Alors, elle prononça ces quelques mots avec toute la véhémence de son âme :

   — Oui, je le veux !

   Et la lune seule put témoigner de la passion éternelle qui les lia tous deux cette nuit-là.

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Petit OS rédigé suite à l'activité  « sortir de sa zone de confort » lancée sur le groupe Discord La Confrérie Littéraire. Il fallait rédiger un texte de 1000 mots maximum dans un genre littéraire inhabituel pour nous. Comme vous l'aurez compris, dans mon cas, c'est la romance, haha ! 😆
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, c'est si rare pour moi d'écrire dans un tel registre ! 😄

𝐃𝐄 𝐋'𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄 𝐂𝐎𝐓𝐄 𝐃𝐄 𝐋'𝐈𝐌𝐀𝐆𝐄 「 ⁿᵒᵘᵛᵉˡˡᵉˢ 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant