10 - Complices

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La semaine suivante est la pire de toute ma vie professionnelle.

Lundi, Thaïs et moi devons nous réorganiser pour prendre les patients suivis par Quentin qui est parti la semaine en formation. Pour y arriver, pas d'autre choix que de renoncer à mes entrainements sportifs et finir à vingt heures...

Mardi, je fais une mini-intoxication alimentaire après avoir mangé un kebab dans je ne sais plus quelle rue en allant voir je ne sais plus quel patient (donc dans l'idée, pour éviter de refaire la même erreur, je vais bannir les kebabs de mon alimentation pour au moins trois ans ; de toute manière Roméo m'aurait renié s'il l'avait su).

Mercredi, alors que je suis encore un peu faible et barbouillée, j'ai un problème avec mon téléphone et j'arrive avec trente minutes de retard chez le patient de Quentin. Le vieux monsieur est tellement vexé qu'il refuse de m'ouvrir et me glisse juste sous la porte une feuille de papier avec des mots incendiaires. En repartant, j'ai trébuché et en me rattrapant au portail, je me suis ouvert le pouce de la main gauche. Impossible de masser, j'ai dû m'adapter pour la fin de la journée et privilégier les exercices en autonomie.

Jeudi, j'accueille un nouveau patient, la cinquantaine, qui se plaint pendant toute la séance de massage, en prétextant que mes mains ont des croutes, des cales, et craquent à chaque mouvement avec un bruit désagréable pour ses sensibles oreilles et que mes ongles trop longs lui raclent le dos. Il a refusé de payer et dit qu'il ne reviendrait pas. Je n'ai pas su répondre sur le moment, car Thaïs était occupée et n'a su me conseiller qu'après coup.

Le vendredi soir, alors que je reste jusqu'à vingt heures et que c'est moi qui ferme le cabinet, c'est le clou du spectacle.

Ma voiture de démarre pas.

- Merde.

Je remets le contact. Rien. J'ouvre le capot, mais je ne sais pas ce que je fais ou ce que je dois regarder.

Je m'affale devant mon volant. Je regarde sur mon téléphone le prochain bus, mais TBM m'annonce des grèves, des interruptions et des retards ; les couleurs sur leur site Internet me donnent le tournis.

En dernier recours, j'appelle Roméo.

- J'ai besoin d'un super-héros, lui dis-je dès qu'il décroche.

- J'ai obtenu un grade sans le savoir ? La semaine dernière j'étais simplement un héros.

Le genou de Roméo s'est parfaitement rétabli avec le repos.

- Gripoil est trop fatigué pour me ramener.

- Tu veux que je vienne te chercher ?

- Je veux bien, à moins que tu ne sois trop occupé à sauver d'autres vies. Après tout, il ne s'agit que d'un problème de voiture.

- J'arrive plus vite que la vitesse de la lumière !

Il raccroche.

Malheureusement, la lumière tarde à arriver, et mes yeux papillonnent.

Un bruit contre la vitre me fait ouvrir les yeux en grand et je sursaute dans un cri. J'appuie sur le klaxon et mon coude heurte la manette des essuie-glaces.

J'ouvre la portière.

- Tu as demandé un chevalier en armure ?

Roméo est à califourchon sur sa moto et il relève sa visière, un sourire dans les yeux.

C'est la goutte d'eau.

Je fonds en larmes.

En une seconde, Roméo est descendu de sa moto, a enlevé son casque et me prend dans ses bras.

Le syndrome RoméoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant