Prologue

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Les lumières des lampadaires s'éteignirent d'un seul coup, plongeant aussitôt la rue dans un noir total, ou presque.

Au loin, un chat miaula longuement avant de déguerpir avec précipitation, faisant tomber dans sa précipitation une poubelle dont le choc avec le sol retentit longtemps dans ce silence de plomb. La nuit était tombée depuis de nombreuses heures désormais et la lune, en partie dissimulée par de gros nuages, ne parvenait que faiblement à éclairer les environs. Rien ne bougeait dans cette rue, plongée dans une nuit étonnamment glaciale de fin août. Depuis longtemps déjà, les derniers habitants du quartier avaient rejoint leur domicile, laissant ainsi la rue aux animaux nocturnes.

Un peu plus loin, un bel oiseau au plumage noir comme l'ébène s'ébroua avant de refermer partiellement les yeux, perché sur la branche d'un arbre suffisamment en hauteur pour voir un quelconque prédateur venir de loin et pour observer les alentours tel une commère avide des derniers ragots. L'oiseau cligna des yeux, regarda à droite, puis à gauche, observant son entourage avec somnolence, peut inquiet de ce qui pourrait se passer. Depuis un certain temps déjà il avait élu domicile dans cet arbre, ne laissant aucun autre individu s'en approcher de trop près. C'était son arbre, et il comptait bien le garder jusqu'à ce qu'il soit temps pour lui de partir à la recherche d'un habitat plus sûr et plus chaud pour lutter contre le rude hiver qui s'annonçait cette année-là.

L'oiseau bailla puis se tint de nouveau immobile, les yeux mis clos, prêt à se rendormir immédiatement. Repu par sa petite séance de chasse de fin de journée, bien au chaud grâce à son plumage assez conséquent, l'oiseau n'aspirait ce soir-là qu'à passer une bonne nuit pour repartir en quête de nourriture dès le lendemain. Pourtant, ce n'était pas le bon soir pour vouloir se reposer. Dans la maison en face de lui, une lumière s'alluma. Des éclats de voix commencèrent à se faire entendre, fort, sec, et violent, l'empêchant de se rendormir. Comme ci il avait été indigné, l'oiseau se redressa légèrement sur ses pattes puis soupira, fixant ses deux grands yeux noirs sur cette fenêtre allumée qui éclairait le dehors aussi sûrement qu'un spot éclaire une piste de danse.

Ce n'était pas la première fois qu'il était témoin de cela, lui qui avait pris place sur cette branche depuis plusieurs mois déjà pour y passer tout l'été. Il se passait des choses étranges dans cette maison que l'oiseau ne comprenait pas. Après tout, il n'était rien de plus qu'un spectateur invisible d'une pièce dont il n'avait aucun contrôle.

Des cris furent poussés.

D'un adulte qui semblait furieux.

Quelque chose, en verre de toute évidence, se brisa sur le sol.

Un enfant se mit à pleurer en parlant de façon totalement indistincte.

Un enfant qui, visiblement cherchait à se défendre, ou au moins à s'expliquer. Des mots parvinrent aux oreilles de l'oiseau qui, bien entendu, ne lui évoquait rien du tout. Ce n'était pour lui que des sons, du bruit gênant qui l'empêchait de dormir comme chaque nuit. Car oui, cela recommençait chaque nuit ou presque.

Après quelques minutes, les voix finirent par se taire, la lumière par s'éteindre. Et l'oiseau fixa la fenêtre du rez-de-chaussée avec insistance, s'attendant presque à voir la scène se jouer une deuxième fois, chose qui était déjà arrivée dans cette maison. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait sous le toit de ce domicile, mais l'oiseau était assez intelligent pour comprendre que l'enfant n'était pas voulu, pas aimé, et il ne savait pas pourquoi non plus, cette pensée lui faisait de la peine.

Un autre bâillement le coupa dans sa réflexion, lui rappelant que son désir premier était de dormir. L'oiseau étira ses deux ailes, se redressant de toute sa hauteur pour bailler de nouveau, le bec grand ouvert, puis vint glisser sa tête sous la couche de plume duveteuse de son aile droite pour la garder bien au chaud. Ébouriffant son plumage, il parut subitement faire le double de son volume habituel, puis s'affaissa sur ses pattes, les recouvrant de ses plumes chaudes et douces. Là. C'était parfait pour une bonne nuit de sommeil. L'oiseau se sentit de nouveau partir dans ses songes peuplés de sa nourriture favorite, de soleil lui réchauffant le dos et de longues heures de vol au-dessus des prairies. Ses yeux étaient fermement clos, sa respiration devint régulière petit à petit, même les battements de son cœur ralentirent de façon perceptible. L'oiseau tombait dans le monde du sommeil et des rêves.

Un crack sonore le fit sursauter, s'ébrouer, se retourna dans tous les sens, paniqué, les yeux de nouveau grands ouverts, la poitrine montante et descendante à la vitesse de sa respiration qui était devenu bien trop rapide. L'oiseau finit par se calmer après de longues secondes de panique et fixa ses grands yeux sur les responsables de son réveil brusque. Il les fixa avec indignations et colère pendant plusieurs secondes. Les ombres qui l'avaient surpris durant son sommeil, parlaient entre elles dans un murmure qui cachait difficilement leur appréhension, mais qui semblait être un cri pour l'oiseau à l'ouïe plus développée.

L'oiseau attendit encore de longues minutes interminables, espérant que ses nouveaux "voisins" finiraient enfin par se taire, ou mieux, partir pour le laisser reprendre sa nuit. Après tout, il avait une journée chargée le lendemain et il voulait être en assez bonne forme pour pouvoir de nouveau frimer devant les autres chasseurs qui ne parvenaient pas à atteindre leur cible. Mais de toute évidence, les ombres ne comptaient ni se taire, ni partir, ruinant de façon définitive son sommeil. Cette branche ne semblait plus aussi bien qu'avant. Furieux de devoir trouver un autre abri à une telle heure de la nuit, l'oiseau déploya ses ailes et prit son envol, s'éloignant rapidement de son ancien domicile de ses quatre derniers mois, laissant par la même occasion, et avec grand plaisir, ces silhouettes.

Quatre sombres silhouettes se tenaient désormais devant le péroné du 4 Privet Drive.


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Guilt and SalvationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant