2. Un Agent en Tenue Collante

Chapitre 19 : Les Funérailles d'un Fantasque

Il y avait bien une chose à laquelle je n'avais pas voulu penser : l'enterrement de Darius. Pourtant, j'aurai peut être dû. Car évidemment, un milliardaire excentrique de sa trempe ne pouvait pas avoir des funérailles comme tout le monde, dans le crématorium de la ville.

Non.

Lui, c'était sur Terre. Dans son Versailles.

Atterrée, je fixais les décorations fabuleuses, les plafonds, les lustres de cristaux, les tentures de velours, le bois marqueté... Tout était à couper le souffle. Enfin, en temps normal. Car je me trouvais tout de même à l'enterrement de l'homme que j'aimais. Aussi contemplais-je le tout avec une indifférence triste.

-Il a l'intention de bluffer tout le monde jusqu'au bout, pas vrai ? Murmurai-je à l'intention de Cadwall.

Le mécanicien hocha la tête.

-Oui. Il en a toujours été ainsi. Darius était un homme complexe, Alix.

-Je sais... Je le sais, Aaron.

Une boule dans la gorge, j'observai la foule autour de moi. Des acteurs, des réalisateurs, des politiques, des journalistes, des hommes d'affaires, bref, tout le gratin de ce monde se trouvait dans les couloirs de cette reproduction de Versailles, afin d'honorer la mémoire de Constance Trivari, fantasque devant l'éternel.

Honorer... Ou tout simplement faire acte de présence. C'était presque un événement mondain, où tous se devaient d’être, sous peine d’être pointé du doigts. Des interviews étaient faites en direct, pour permettre aux personnes d'exprimer leur profond attachement au mort, leurs relations si privilégiées... Je vis plusieurs femmes se prétendre être la dernière petite amie en date.

Et moi, sous le couvert de ma capuche noire, j'étais condamnée à rester dans l'ombre de la cérémonie. Condamnée à être la meurtrière aux yeux de tous, celle qui avait ôté la vie de l'homme le plus important de mon existence.

Nous remontâmes le couloir des glaces, où le silence s'installait, pesant. Des méchas se trouvaient de partout, tels des serviteurs de l'époque du Roi Soleil. Des collation étaient distribuées, comme s'il s'agissait de l'une des fêtes de Trivari et non pas de ses funérailles.

Les poings serrés, je continuais mon avancée. Cadwall était tout aussi silencieux. Nous étions peut être les seuls à être réellement affectés, dans cette foule. Les deux seuls à l'avoir connu pour ce qu'il était vraiment. Un casse-pied vantard, manipulateur, menteur et protecteur. Un homme d'une douceur incroyable, sérieux, intelligent. Complexe, comme le disait si bien Aaron.

En entrant dans l'immense salle de bal, aux rideaux noirs, je vis le cercueil. Il trônait au fond de la pièce. Dans la lumière claire des lustres, tout cela fut trop réelle. Une photo de lui était diffusée sur le mur, par un hologramme. Souriant, assit sur sur le rebord d'un balcon, les cheveux au vent, naturel.

En reconnaissait l'image, je dus m'agripper au bras de Cadwall. J'avais prit cette photo, sept ans auparavant. C'était trois mois après notre rencontre, dans l'une de ses demeures de Nice. Les souvenirs s'abattirent sur moi, ravivant ma peine. Contempler le cercueil n'arrangea rien.

Mais par bonheur, il était fermé. Personne ne verrait son visage défiguré, son crâne explosé par le tir. Car même à notre époque, rien ni personne ne pouvait suffisamment farder un mort pour dissimuler de telles plaies. La vision du meurtre me revint. Je la repoussai fermement. Ce n'était pas le moment. Pas ici. Pas maintenant.

Les lumières s'éteignirent. Soudain dans le noir, je me figeai, les yeux écarquillés. Que ce passait-il ? Une attaque ? Une...

Non. La photographie de Darius n'était plus là. Pourtant, lui était toujours présent. Dans une vidéo holographique, projetée au dessus du cercueil. Il était souriant, quoique les traits tirés. En entendant sa voix, j'oubliais la foule autour de moi.