II.3 - Sa voix I

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Villa Apolline, Sabaudia

19 h 10

Elle était dix-neuf heures dix quand ils perçurent les murs de la fameuse demeure. L'endroit où se déroulerait la réception mondaine. Les immenses portails en fer étaient écartés. Pourtant et au vu de la file des véhicules alignées en attendant d'être autorisées à accéder au domaine, ils n'avaient pas d'autres choix, que de patienter.

Nadia, qui avait embarqué à bord de l'Alfa Romero de François, était fascinée par le décor forestier naturel qui entourait leur destination. Plus que tout, elle fut intéressée par la gigantesque enseigne trônant en haut des portails et écrite sur deux lignes, une première en alphabets grecs et la deuxième en latin :

— Villa Apollina ! Lut-elle. C'est joli !

Croyant que sa compagne parlait de la splendeur du lieu, François la regarda en expliquant :

— c'est la deuxième année où le P.D.G. propose son chez lui pour la soirée gala. Nos camarades, venus ici l'année dernière, disent que la villa est tellement immense et jolie de l'intérieur.

N'ayant pas envisagé la chose de cet angle-là, Nadia essaya malgré tout de faire preuve d'intéressement :

—j'imagine ! Et je trouve qu'ouvrir sa maison au personnel de l'entreprise est extrêmement gentil.

— oui, affirma François.

— mais c'est particulièrement le nom : Apolline, qui me plait énormément, s'exprima la jeune femme avec entrain.

Le regard brun de l'homme rétrécit en la fixant intensément. Nadia, qui ne parvint pas à déchiffrer la cause de ce changement, se sentit subitement embarrassée et dévia instinctivement ses yeux vers le rétroviseur. Elle avait besoin de s'assurer que la voiture de Sarah et Mark était toujours à portée de vue.

— nous ne risquons pas de les égarer, remarqua François en dardant sur elle ses yeux marron, dans lesquels se mélangeaient amusement et narquoiserie.

— je sais ! Répondit la jeune femme, en souriant avec assurance.

Par son sourire, elle désirait particulièrement dissimuler son malaise. Tandis qu'au fond d'elle, elle se demandait si François avait capté ses autres œillades fugitives dont elle avait gratifié le rétroviseur tout au long du trajet. Elle s'en voulait d'avoir laissé cet homme percevoir ses angoisses. Puis, quand elle voulut affronter son regard pour vérifier le bien-fondé de ses soupçons, François était déjà occupé à présenter son invitation au garde. Après quoi, il reprit la conduite vers l'intérieur du domaine.

À l'instant où la voiture franchit l'entrée pour s'engager dans une allée somptueuse, digne d'un château impérial, Nadia oublia sa dernière inquiétude pour se saisir de la beauté des lieux et du moment. Les terres de la demeure semblaient si vastes, et s'étendaient à des hectares. L'avancement au ralenti de la voiture, accorda à Nadia l'occasion d'apprécier l'allée interminable bordée de citronniers majestueux, dont émanaient une senteur agréable qui accentuait la sensation de fraîcheur et enivrait les sens. En outre, la teinte dorée du ciel à ce moment crépusculaire répandait une ambiance magique qui en s'accouplant avec les lumières multi-couleurs projetées par les hauts lampadaires à triples boules qui longeaient tout au long de leur passage, octroyaient à cette traversée un côté inédit et romantique.

Deux voituriers s'empressaient vers chaque véhicule qui se stoppait en bas des larges marches du perron. L'un s'occupait d'ouvrir la portière du côté passager et l'autre de celle du conducteur puis du stationnement de la voiture.

En évacuant leur véhicule, et après une brève hésitation, Nadia s'accrocha au bras offert de François ; et les deux attendirent que leurs amis se soient joints à eux pour gravir ensemble les marches menant à l'entrée de l'imposante demeure.

Au vestibule, deux employées étaient sur place. Elles avaient pour mission de récupérer les affaires dont les invités ne désiraient pas s'encombrer durant la soirée. Nadia ne put refuser de confier son étole noire, qu'elle avait empruntée à Sarah pour couvrir, provisoirement, la nudité de ses décolletés.

En dépit de sa gêne, elle ne rata pas le regard pesant et aguicheur de François. Un regard qui l'effaroucha surtout quand il glissa sur la naissance de ses seins. Heureusement que sa salvatrice d'amie, choisit ce moment pour s'immiscer entre elle et son compagnon en enlaçant et en murmurant à François :

— puis-je te piquer ma copine pour un moment ? Mais rassure-toi, je te la rends une fois dedans !

Ce dernier compréhensif, sourit aux deux femmes en fixant Nadia :

— à tout de suite, Nadia !

Puis il recula en se joignant à son ami Mark. À ce dernier, il confia :

— elle est canon !

— qui ?

— Nadia ! Puisque la tienne est prise, répliqua malicieusement François.

Mark sourit à la remarque, pertinente de son ami, puis l'avertit :

— et elle est différente !

— elles sont toutes différentes mon ami, répliqua François.

— je suis sérieux ! Insista durement, le fiancé de Sarah.

Ce dernier appréciait bien son ami, cependant, il lui connaissait ce côté flirteur et s'était senti dans le devoir de l'avertir pour éviter toute situation conflictuelle. Les deux hommes furent abordés par des collèges et en s'arrêtant pour les saluer, Mark effleura légèrement le dos de sa fiancée, l'informant ainsi de leur arrêt.

Les deux femmes entrelacées, s'estompèrent en regardant autour d'elles. En remarquant que les hommes étaient occupés, Nadia chuchota à son amie :

— tu m'as sauvé !

— de quoi ?

— plutôt de qui !

— arrête ! Tu ne parles pas de François !

— si ! Je ne sais pas pourquoi je ne le sens pas.

— n'exagère pas ma chérie, c'est juste ton appréhension qui t'embrouille. François est très sympa.

Bien qu'elle ne fût pas convaincue, mais la brune ne pouvait, non plus, arguer son jugement précipité. D'ailleurs, elle regretta illico la sévérité de son préjugé et admit :

— possible.

— détends-toi ! Et observe le défilé de ce soir ! Figure-toi que certaines femmes ne portent pas de dessous. Ça te dit de jouer aux devinettes...

Anticipant la proposition mal-appropriée de sa copine, Nadia la tança du regard en la grondant :

— ça va la tête ma chérie ?!

Cependant en captant le regard espiègle de son amie, Nadia comprit que celle-ci ne faisait que rigoler en poussant un peu le bouchon.

— allons-y ! Leur susurra Mark en se dirigeant vers la fameuse salle de réception.

Encore une fois, Sarah inclina la tête vers son amie en lui glissant une dernière remarque salace et cette fois-ci les deux femmes partirent dans un rire joyeux et complice, ne se doutant aucunement que ce rire atterrirait dans les oreilles du maitre des lieux.

***

Une oasis à Rome (Réécrite)Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu