Chapitre 2 : Rêves ou tourments

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En rentrant chez elle, Pierrine ne put s'empêcher de se ressasser la scène en pensant qu'elle aurait dû réagir d'une autre façon, qu'elle n'aurait pas dû se laisser faire de la sorte et agir un peu plus amplement. Tout autant qu'elle repensait à cela, elle imaginait encore ce garçon mystérieux, qui s'était d'abord joué d'elle pour s'excuser platement, à la limite du ridicule. Avait-il intérieurement fixé un seuil de gravité des actes de son frère au-delà desquels la réponse qu'il leur donnait variait ? Tout cela laissait Pierrine dubitative. Elle défit ses courses et les rangea dans ses placards. Pâtes, riz, cosmétiques, fruits et légumes et autres biens fongibles et consomptibles furent rangés à la hâte et dans le désordre le plus complet. Les fruits et légumes dans la salle de bain, les cosmétiques dans les tiroirs de sa cuisine. Pierrine n'y était pas, son esprit était trop occupé à autre chose. Cette rencontre la choquait encore et l'occupait toute entière. Exténuée, elle mangea rapidement et se mit en pyjama. La nuit qui suivit fut rude, si elle s'était lassée et fatiguée à ressasser toute la scène dans son esprit, ce dernier le gardait encore en mémoire et le lui faisait payer dans ses rêves. Elle se réveilla vers 4 heures du matin, 2 heures après avoir finalement réussi à s'endormir, et entreprit, d'abord dans son esprit, puis en alliant le geste à la réflexion, une marche libératrice vers les toilettes.

Aussi se leva-t-elle, les cheveux ébouriffés, peinant pour se déplacer dans l'obscurité, comme elle peinait en cherchant un nouveau sens à sa vie. Tandis qu'elle luttait pour se tenir debout, elle se remémorait la « scène du caddie », comme elle aimait à l'appeler et la rencontre tout à fait fortuite mais néanmoins agréable qui s'en était suivie. Elle ne pouvait s'empêcher de sortir de son esprit le jeune homme qui s'appelait Thomas, tantôt courtois, tantôt discourtois, mais toujours incroyablement séduisant. Il l'avait fait tourner comme un vieux manège, comme si elle n'était plus qu'un cheval de bois, l'affrontant d'abord, pour se jeter à ses pieds ensuite. Et, le mystère qui entourait sa vie nourrissait encore plus de curiosité chez elle. Que venait-il faire ici ? Pourquoi faisait-il ses courses avec son petit-frère ? Qui sont ses parents ? Pourquoi, comment, par quel miracle est-il si beau ? Plus il était mystérieux, et plus elle voulait en apprendre sur lui, mais elle savait déjà que plus elle s'intéresserait à lui, plus il deviendrait encore plus mystérieux. Aussi se demandait-elle pourquoi, si créateur il y avait, avait-il pris la peine, non négligeable, d'inventer les cercles vertueux, tournant le plus souvent au vinaigre du vicieux, et plus largement, tout ce qu'il y avait de cyclique dans sa vie.

Et alors qu'elle se questionnait sans relâche et que son attention avait quitté sa marche, elle heurta violemment le coin inférieur droit de la porte de sa chambre avec son orteil. Pris d'une vive douleur, elle abandonna l'abandon à ses songes et son esprit ne se focalisait désormais plus que sur sa peine.

Quelle douleur était la plus forte ? La frustration de ne jamais plus voir le héros onirique qui la hantait encore, ou la souffrance de son minuscule doigt de pieds, qui à côté de cela, et à mesure du temps, semblait de plus en plus agréable.

Après avoir terminé sa quête des toilettes et son introspection nocturnes, elle regagna son lit. Elle eut du mal à s'endormir et s'éteindre, mais, dans son dernier souffle d'éveil et de conscience, elle se fit une promesse ambitieuse :

- Thomas, je te retrouverai.

Pierrine et le CaddieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant