Chapitre 4 : Monsieur Stan, tristesse et allégresse

5 0 0
                                    

Au sortir de cet examen, Pierrine n'était pas dans son assiette, persuadée d'avoir échoué à cerner avec exactitude les termes de son sujet, cherchant en vain dans son esprit quelques explications tirées de ses cours, et manquant de se servir de l'écho qu'elles avaient pu avoir dans sa vie.

Elle prit le chemin du retour, il faisait déjà nuit, l'agitation qui plus tôt l'avait perturbé avait disparu. Elle arriva à 18 heures au restaurant de M. Stan. C'était une vieille bâtisse, trop souvent rénovée, la peinture qui s'écaillait laissait transparaitre la peinture d'une précédente remise à neuf, et qui elle-même s'écaillait. L'intérieur était orange, les tables marrons et vides, le sol couinait sous les pas, fait en une sorte de plastique reluisant, blanc à l'origine, sali par le temps. Au lieu de s'asseoir, elle passa derrière le comptoir et noua un tablier blanc autour de sa taille. Attrapant une caisse qui revenait de la plonge, chargeant ses mains d'assiettes et de couverts, elle mit la table pour une trentaine de clients.

Un homme d'une cinquantaine d'années, les cheveux gris, plutôt rachitique, sorti de la cuisine et salua Pierrine d'un signe de tête tout en affichant un magnifique sourire, comme il en avait l'habitude. Il ne parlait pas, tout juste marmonnait-il à voix basse de temps à autre, ce qui avait permis à Pierrine de savoir qu'il n'était pas muet. Taciturne, mais plein d'allégresse, M. Stan était un étrange personnage, plutôt doué en cuisine, qui tenait un restaurant de spécialités asiatiques qui n'ouvrait que le soir. Il ne servait jamais plus de 30 couverts et se refusait à accueillir un client de plus, quitte à séparer des groupes d'amis venus se repaître, ou à perdre des bénéfices dans sa recette quand il était impossible de les délier.

Il se tourna vers la jeune fille, lui tendant une barquette remplie d'oignons après l'avoir brièvement dévisagé, et elle sut ce qu'elle avait à faire. Elle se dirigea vers la cuisine, à sa place de commise/serveuse, se saisit d'une planche à découper et d'un grand couteau de cuisine. Elle commença à éplucher les oignons et à les découper avec vigueur. Et alors qu'elle s'exécutait dans le calme, que le restaurant était lui-même plongé dans le calme, d'épaisses larmes coulèrent sur ses joues, rompant sa quiétude, et tombant sur sa planche à découper dans un clapotis bruyant, mimant un robinet tenant éveillé en fuyant. Elle essuya ses yeux gonflés du revers de la main, tout en continuant sa besogne, et ne put s'empêcher d'associer ses pleurs à sa tristesse, pleurant encore d'avantage comme on pleure la perte d'un être aimé. Mais elle n'eut pas de peine à surmonter timidement ses émotions, sans autre bruit que ses reniflements, tandis qu'elle continuait de débiter les oignons et que le débit de ses sanglots s'amenuisait.

Plus tard, alors qu'elle terminait de s'en remettre, les premiers clients firent leur entrée, après avoir patienté dehors, et dehors le temps ne se contenait plus, dès lors, la pluie tombait comme les larmes de Pierrine avaient coulé. Et le vent soufflait, dans ses airs saisonniers, précipitant ses zéphyr, par chacun des soupiraux, et précipitant les derniers clients à l'intérieur. À mesure et à proportion que le temps passait, que les clients mangeaient et que Pierrine les servaient, la nuit tombait d'autant plus, finissant par recouvrir l'horizon, entre-déchirée par le bref éclairage de quelques vieux lampadaires.

Après son service, la jeune-femme se hâta de rentrer chez elle, ses émotions avec elles, marchant dans la pénombre, ses muscles, tout en action, tremblaient pour le froid, et ses yeux, brillaient en reflétant l'écran de son smartphone et en allant chercher au fond de son regard la moindre humidité qui restait. Elle finit par arriver, et eut la sensation étrange d'avoir été suivie, mais elle se rassura avec sa raison et s'enferma dans son appartement. Sa journée avait été longue, Pierrine n'avait d'autre besoin immédiat que de repos, dormir, jusqu'à ce qu'une autre journée commence. 

A SUIVRE...

Pierrine et le CaddieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant