Chapitre 21

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-Je t'en prie Jana, à toi l'honneur.
Esther me tend la boîte d'allumettes. Sans aucun état d'âme, j'en sors une allumette, la frotte contre le papier de verre et jette un coup d'oeil au groupe de gens agglutiné derrière moi. Pour préparer le feu de Blumenfeld sans cramer la forêt entière, il nous avait fallu des gens pour installer tout un dispositif, et des gens qui avaient survécu à leur mutation.
-Vous êtes prêts à courir ? ai-je demandé.
Les fumées risquaient d'être toxiques. Nous étions en plein air donc elles se dissiperaient rapidement, mais nous préférions quand même nous éloigner au cas où.
Tout le monde hoche la tête.
-OK, super, ai-je fait. À trois...trois !
-Connasse ! s'exclame Esther alors que je lance l'allumette.
Le groupe ne moufte pas et se barre dès que la première flamme apparaît, Esther et moi avec. On court à petites foulées jusqu'à une distance de sécurité qu'on avait déterminée au préalable, éloignée d'à peu près deux cent cinquante mètres du feu.
-On est des putains de pyromanes, lance Andy, un type de chez Graham.
N'étant que trois mutantes déclarées au village du lac, Esther, Gracie et moi, on avait eu besoin d'en déboucher, et Dieu merci, les gens avaient accepté plutôt gentiment. Ils se calmaient probablement quand la vie d'autres était mise en jeu, je présume.
-Je sais, ai-je répondu. C'est assez cool, d'ailleurs.
Il m'a jeté un regard faussement paniqué, et on a ri de concert.
Deux bonnes heures plus tard, le feu s'est éteint de lui-même. Aucun des arbres alentour n'avait pris feu grâce aux précautions que nous avions prises (en fait, on avait juste arrosé les alentours pour que le feu aie du mal à prendre et qu'on aie le temps de l'éteindre avant que ça dégénère. On n'était pas des Canadairs). Il fallait repasser, arroser et ensabler la zone pour s'assurer que le feu ne reprendrait pas après notre départ.
Tout avait cramé. J'avais un certaine appréhension, je sais pas, que les fleurs et le sol en-dessous soient ensorcelés ou quelque chose du style et que rien ne brûle, mais tout était réduit en cendres. Ca faisait un problème de moins. Les relations avec Graham s'étaient apaisées, et nous savions pourquoi nous étions là.
La suite ? Se barrer.
Pas d'école et du jus d'orange à volonté, tout ça, c'était amusant deux jours. Je voulais revoir ma famille, mes amis et mes films préférés. Et j'en avais assez d'avoir l'impression d'être la directrice du centre de vacances en collaboration avec le gars mi-dépressif mi-mon petit peut-être pas ami et l'intello hautaine. J'étais peut-être énervante aussi, mais pas selon mon point de vue.
L'arrosage et l'ensablement nous ont pris deux heures et demie ; nous étions douze et la surface à couvrir était très grande. Lorsqu'on a terminé, alors que la nuit n'allait pas tarder à tomber, chacun est rentré chez soi. Plusieurs personnes nous ont cependant proposé de passer chez eux dans la soirée si on voulait. Esther était d'accord, Gracie était léthargique mais d'accord, et après la journée que j'ai eue, j'étais crevée. Esther et Gracie y sont allés, je suis rentrée.
Ethan m'attendait à la maison.
-Vous avez tout fait cramer ? A-t-il demandé quand il m'a vue arriver.
-Tout. Toute l'île entière. Avec tout le monde dessus, ai-je dit.
-Même quand t'es fatiguée, t'es en forme.
-Je sais, c'est un de mes super-pouvoirs. T'as déjà bouffé ? Parce que j'ai aussi un estomac sans fond.
-Non, je vous attendais.
Il m'a demandé où étaient passés Esther et Gracie, je lui ai dit qu'elles étaient parties se saoûler, et on a enchaîné sur un sujet complètement différent devant un plat de chips (pour éviter la mort de quelqu'un d'autre).
-Mon Dieu, j'ai tellement hâte de me barrer d'ici, ai-je remarqué.
Ethan a pris une expression vexée. J'ai essayé de me rattrapper.
-De revoir ma famille, si tu préfères, me suis-je corrigée.
-Tu habites où ? M'a-t-il demandé.
-Pour l'instant, sur cette île.
J'ai pris une poignée énorme de chips et me suis lancée le challenge de les manger toutes d'un coup sans m'étouffer, ce qui pouvait tout aussi bien être physiquement impossible. L'autre chose physiquement impossible pour moi, c'était d'être sérieuse pendant ce genre de conversations sérieuses.
-Non, sérieusement, tu habites où ? A redemandé Ethan.
-Dans le Maine, ai-je répondu après avoir réussi mon challenge. Cahill. C'est pas connu. Et toi ?
-Nouvelle-Orléans.
-Ca fait loin, ai-je remarqué.
Il a hoché la tête, les yeux perdus dans le vague. J'ai frappé la table du plat de la main dans un nuage de poussière de chips.
-Hey, je te préviens, tu vas pas déprimer pour ça ! Me suis-je indignée. Pour l'instant, on est même pas sortis d'ici, et quand on le sera, on aura de nouveaux accès à des choses magiques comme le téléphone ou Internet. On trouvera un moyen, et si on en trouve pas un, c'est qu'au fond on s'en fiche, donc ne déprime pas pour ça.
-Bon, au moins on sait qui est l'optimiste dans le couple, a dit Ethan après un court silence.
J'ai ri et fait le tour de la table pour l'embrasser pour la première fois depuis l'autre nuit, ou peut-être bien pour la première fois tout court. Les sensations restaient, de façon surprenante, encore les mêmes.

Je me suis levée à sept heures le lendemain, avec le soleil. N'ayant pas directement faim, j'ai décidé d'aller chercher mes vêtements au village du bord de mer, et peut-être de prendre mon petit-déjeuner là-bas, en prenant le risque de retomber dans l'eau.
J'ai marché largement plus vite que la première fois que j'ai fait le trajet aller et n'ai mis qu'une demie-heure à le rejoindre ; le soleil se levait lorsque je suis arrivée. Preston n'était pas dehors, et je trouvais ça trop indiscret d'aller frapper à sa porte uniquement pour lui dire bonjour. Je me suis servie un bol de céréales sans lait et me suis assise sur le ponton comme hier. Le lever de soleil était assez magnifique, mais prenait du temps, alors j'ai commencer à chercher des formes dans les nuages comme quand j'étais gosse.
Il y en avait un qui ressemblait à une Tortue Ninja. Bien sûr, le nuage en question n'était qu'une masse de gaz agglutinés dans laquelle le cerveau humain trouvait le besoin avide d'y voir des formes, mais c'était plutôt divertissant.
Puis mon regard est tombé sur un point noir de l'horizon. J'ai d'abord pris le temps de plisser les yeux et d'observer ce que c'était. Je voulais tellement en être sûre que j'ai dû me lever et m'y reprendre à deux fois pour vérifier.
Non seulement "ça" était un bateau, mais le flanc du bateau était estampillé "VWR Entreprises".
Une vague de soulagement m'a envahie, puis j'ai eu la trouille.
-Merde, ai-je fait. Ces connards sont au courant.
Ils savaient d'une façon ou d'une autre qu'on venait de réduire en cendres leur moyen d'expérience, et ils n'étaient probablement pas contents.

N/A : Bisoux magiques. C'est tout. Je n'ai rien de spécial à dire.
Ah si en fait ; nous attendons un joueur sur le RPG où je suis inscrite pour commencer le jeu. J'ai développé le contexte avec mon pote et écrit la plupart des bios des prédéfinis. Pour plus d'infos, checkez war-orphans.skyrock.com.

Échoués (FR)Where stories live. Discover now