Jour 2

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Mot du jour : Costume

Défis du jour : insérer les mots "Abracadabra" et "donuts"

Je pousse la porte du bureau au moment où la musique arrivait au premier refrain. Ne saluant personne comme à mon habitude, je me dirige vers la salle de repos. D'abord le café, les gens passent en second. Peut-être. Ce n'est qu'une fois que la caféine fait frétiller mes papilles que je retire mes écouteurs, attaquée sans somation par le brouhaha ambiant du premier étage du commissariat. J'esquisse un sourire en direction de ce collègue dont, j'ai l'impression, la mission première ici est de m'inviter à manger avec lui. Il est lourd, mais mignon, alors je suppose que je peux laisser couler.

J'attrape un donut avant de me diriger vers mon bureau, au centre de l'open space. Le soupire que je laisse échapper me surprend. Trop de dossiers.

Mon téléphone pro se met à hurler dans la pièce, faisant sursauter les collègues, témoins et prévenus en train d'être entendus. Merde, je n'ai pas enlevé la sonnerie. Je décroche.

-- On a les résultats du laboratoire, vous voulez que je monte vous les apporter ?

-- Vous êtes dans votre bureau ?

-- Yes.

-- J'arrive.

Je descends les escaliers quatre à quatre jusqu'au sous-sol vers le service de la scientifique. J'y arrive le souffle court, mais ne prend pas le temps de ralentir mon rythme, je ne peux pas de toutes les manières, les résultats sont trop importants. Je suis étonnée de voir que le commissaire est aussi dans la pièce, et qu'il arbore un regard dur et fermé. Je déglutis discrètement, ce n'est pas bon pour moi.

-- Monsieur, je le salue.

-- Officier, répond-il sèchement.

Je tente un sourire auquel il ne répond pas. Louis, l'officier responsable de la liaison entre le service des scellés et les différents laboratoires adjoints à la police grimace imperceptiblement. Je vais définitivement me faire remonter les bretelles.

-- Allez-y, reprend mon supérieur en direction de mon ami et collègue.

-- On a reçu les résultats du coup, et, je suis désolé Rachel, mais les profils ne matchent pas. Ce n'est pas le bon.

-- Merde, je marmonne, oubliant en une demi-seconde la présence de la personne responsable de ma carrière. T'es sûr ?

-- Certain. J'ai fait refaire les tests tr... deux fois, se reprend-il, conscient que le budget pour cette enquête dépassait déjà largement les estimations annuelles du service.

-- Ce n'est pas possible... je souffle.

-- Officier Forbache. Suivez-moi. Dans mon bureau.

Louis mime un « bon courage » silencieux qui ne me pourvoit pas une once de courage, ayant malgré tout le mérite de me faire sourire. Je suis mon chef au travers des étages, me faisant la remarque qu'il ne montre pas le moindre signe de fatigue en arrivant au quatrième étage.

-- Vous savez ce que je vais vous dire.

-- Je ne laisserai pas tomber Commissaire, je réplique.

-- Vous n'allez pas avoir le choix. Toutes les pistes que vous avancez se révèlent être fausses. Je ne remets pas en cause vos compétences d'enquête. Simplement, il faut parfois prendre du recul.

-- Je...

-- Je vous retire l'enquête de toutes les manières, m'interrompt-il.

Je retiens l'explosion de colère qui menaçait de sortir depuis quelques secondes, me contentant de tomber assise derrière le bureau. Très adolescente rebelle ça, je souris intérieurement.

-- Je vais la confier à Husher.

-- Très bien.

Il étrécit ses yeux, méfiant. Ce n'est pas mon genre de me laisser faire, sauf que j'en ai assez de me battre seule pour aider un mec en costume dont on ne sait rien. Je tente de me calmer, relativisant, me sachant meilleure que Bryan Husher, OPJ depuis pourtant 7 ans de plus que moi. Si je n'ai rien trouvé, il sera bloqué de la même manière. J'aurai l'occasion de m'énerver ce midi, quand le petit officier qui veut tant m'inviter à manger me demandera des nouvelles de ma journée.

Le Commissaire me remontrance, comme prévu, me reprochant chaque petit défaut de l'enquête et de la procédure, sans que j'écoute un traitre mot. Cela fait de toutes les manières 2 mois qu'il n'y a pas eu de nouvel enlèvement, pas d'enlèvement, pas de nouvelle preuve, pas de preuve, l'enquête piétine.

La source « anonyme » qui nous envoie régulièrement des indices ne nous aide pas. Nous n'avons aucune idée de son lien concret avec l'auteur des enlèvements, ni de la manière dont il s'y prend pour recueillir toutes ces informations, seulement qu'il appelle toujours de la même cabine téléphonique et poste toujours son enveloppe au même bureau de poste, qu'il est habillé d'un trois-pièces affreux et qu'il a été impossible de l'arrêter alors même que deux équipes de gardiens de la paix zonaient la Poste et que le commissariat a reçu une lettre dans cet intervalle. Définitivement, Bryan ne trouvera rien de plus que moi.

Je prends congé lorsque mon supérieur me le demande, ne prononçant pas davantage de mot. Je m'assois à mon bureau sous le regard amusé de mon très cher collègue à qui l'affaire la plus brûlante depuis des mois vient d'être confiée. Je ne lui fais pas grâce d'un regard, restant concentrée sur l'écran de veille de mon ordinateur. Il faut que j'écrive le dernier rapport concernant les résultats ADN avant de rendre le dossier à Bryan. Un café d'abord. Je retourne dans la salle de repos, où je retrouve Louis en train de grignoter devant le journal du matin.

-- Alors ? me fait-il, la bouche pleine.

-- Husher, je l'informe sans m'étendre.

-- Et toi ?

-- Peanuts, comme attendu. Ça me pendait au nez tu me diras.

-- Certes, ça ne rend pas l'histoire moins douloureuse.

Je hausse les épaules en appuyant sur le bouton de la machine à café dont le bruit couvre celui de l'imprimante.

-- Tu n'as vraiment aucune autre piste ? s'étonne mon ami.

-- Une piste sur quoi ? On a des filles qui se volatilisent et un Kingsman qui lâche des infos sorties de son chapeau. Tu veux une piste sur quoi, vraiment ?

-- Demande à ton Kingsman et son chapeau ? S'il te donne des infos, pourquoi tu ne pourrais pas lui en passer aussi ? Peut-être qu'il va agiter son parapluie magique et, abracadabra, résoudre ton enquête ?

Je m'assois en face de lui et fais la moue.

-- Je m'en fous, de toutes les manières, ce n'est plus mon enquête, je termine.

Il me dévisage, inquiet et surpris.

Oui moi aussi je ne comprends pas la disparition de ma colère. Mais je me connais, elle va bien finir par revenir.



Ecrit et publié le 02/10/2021

Pentober 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant