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Je voulais apprendre à tenir un pinceau, il m'apprit à peindre la vie.

- Dis-moi, Kiel.

- Hum..

- Notre histoire, aura-t-elle une fin ?

Couchés l'un à côté de l'autre, il tourna son visage vers moi. Son bras m'entourait, passait par-dessus ma tête, et, au bout, sa main appliquait de légères caresses sur ma peau.

- Oui, notre histoire aura une fin.

Je me redressai aussitôt, vexée par son propos, mais il continua.

- Avant ça, je te ferai découvrir des tas de choses, et notre relation vivra aussi longtemps que je t'aimerai, et que tu m'aimeras.

- Mais tu promets de ne plus jamais m'abandonner ?

- Je te le promets. Seulement, je partirais dès que tu n'auras plus besoin de moi.

- Ne dis pas de bêtises. J'aurais toujours besoin de toi. Parce que je t'aime... Et que sans toi, je ne suis rien.

- Tu fais erreur. Tu es courageuse, et sans moi, tu t'en sortirais très bien.

- Parce que ces derniers mois, tu pensais que je m'en sortais bien ?

Il se redressa à son tour et, doucement, posa ses lèvres sur mon visage contrarié.

- Il te faut juste un peu de temps avant de pouvoir te passer de moi. Un jour, tu comprendras.

- Je comprendrai quoi ?

Il m'embrassa à nouveau, puis déposa des mots doux dans le creux de mon oreille.

- Ne soit plus fermée aux autres, et ne laisse plus la solitude prendre le dessus sur toi.

Et me laissant dans une grinçante incompréhension, il partit jouer du piano.

La mélodie m'apaisa, me faisant fermer les yeux. Mon corps s'alourdit, mon esprit s'évada le temps d'un instant.

À mon réveil, la musique s'était arrêtée.

Et Kiel n'était plus là.

Assis devant la petite table près de la grande fenêtre, un étudiant aux cheveux bruns se concentrait sur des cahiers éparpillés. Je n'avais pas l'impression de le connaitre, ni de l'avoir déjà vu.

Me voyant réveillée, il s'arrêta aussitôt.

- Excuse-moi, je me suis permis d'entrer... Je peux partir si ça te dérange.

Les dernières pensées de Kiel me revinrent alors en mémoire.

- Non. Cette... Cette pièce ne m'appartient pas, tu peux rester.

- Je te remercie !

Et son sourire sincère déborda sur une adorable fossette, provoquant des dizaines de fourmillement dans les veines de mon corps.

Je continuai :

- Il y avait Kiel quand tu es entré ?

- Qui est Kiel ? Il n'y avait personne.

L'incompréhension qui planait dans mon esprit tout à l'heure revint brutalement, et c'est à ce moment-là précisément que je compris enfin le sens de tout cela.

Kiel n'existait pas.

Il n'avait jamais existé.

Il n'était pas inscrit dans cet établissement et n'était jamais allé à l'hôpital.

Il ne m'avait peut-être même jamais aimé.

- Mais, continua le jeune homme, la mélodie de piano était vraiment merveilleuse, comme si les notes volaient...

- La mélodie-

Ma phrase resta en suspens.

Car ça, je le savais.

J'écrivais, et lui, il jouait du piano.

Et personne d'autre n'était entré dans cette petite pièce.

Kiel, m'expliqueras-tu un jour le secret de ton existence ?

Il faisait voler les notesWhere stories live. Discover now