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            Enfin.

La nuit était déjà bien avancée lorsque les respirations dans la chambre ralentirent, jusqu'à ne plus former que deux souffles profonds et réguliers qui s'entremêlaient à chaque abaissement du diaphragme.

J'avais bien cru qu'ils ne s'endormiraient jamais.

Avec moult prudence, je m'exfiltrai hors de ma couche et m'esquivai sur la pointe des pieds.

De piétiner, je me mis à marcher, trottiner, galoper. Je courais aussi vite que mes jambes pouvaient me porter.

Comme je passai à proximité de la grotte où sommeillait Fafnir, je ralentis brièvement. Que se passerait-il s'il se réveillait ? Essayerait-il de m'arrêter ? Il y arriverait probablement. Ceci dit, il n'était pas mon frère d'écailles sans raison : lui plus que tout autre, il comprendrait mon besoin de liberté, il me suivrait dans cette escapade nocturne ! Comme il l'avait fait pour toutes les autres...

Et si vous vous faites prendre ?

Je ne donnais pas chère de ma peau, encore moins de la sienne. Le risque en valait-il le coup ? Fafnir me répondrait certainement par l'affirmative.

Oui, mais... pour son profit, ou pour le tien ?

Il serait bien capable de se prêter au jeu uniquement pour pouvoir mieux me surveiller. Me protéger.

Je portais l'oreille, suivis le fil du Lien jusqu'à lui.

Il dort...

Il dormait, oui. Et je n'osai pas le réveiller. Je lui offrais le luxe d'un peu de tranquillité, tandis que je m'offrais celui d'un peu de liberté : tout le monde y gagnait, non ? Que ce soit par altruisme ou par égoïsme... ce soir, je lui retirais son rôle d'ange gardien.


*


Je m'arrêtai, cœur battant et respiration haletante.

Autour de moi, le silence était roi. Mes inspirations tremblotantes lui faisaient office de valetaille tandis que le seigneur se complaisait auprès de la pénombre sa reine, qui traînait derrière elle sa suite de macles au miroitement vacillant.


J'étais seul.


Et au moment même où cette pensée me traversait, une pointe de ferraille s'enfonça entre mes deux omoplates, s'arrêtant un dixième de pouce avant de faire couler le sang.

— Un seul'geste et c'te lance t'transperce d'part et d'autre.

Je me glaçai sur place.

Krâl.

Il avait fallu que quelqu'un passe par ici ! Je savais que j'aurais dû me montrer plus prudent, plus silencieux. Et maintenant, maintenant... ! Le Parloir. Non, pas le Parloir. Pas pour un truc aussi bête !

... Bien-sûr que si, pour un truc aussi bête ! Certains y étaient allés pour moins que ça, ce ne serait pas la première fois !

Re-krâl.

Une perle de sueur dévala de mes tempes au creux de mon cou.

— Écoutez, je...

— Ferme-la. R'tourne-toi lentement vers moi, et tente pas d't'esquiver, ou c'te lance...

— ... me transperce de part et d'autre, d'accord, j'ai compris, complétai-je. Pas de mouvements brusques, pas de mouvements brusques.

Frères d'écaillesWhere stories live. Discover now