Chapitre XVIII

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Le lendemain, James passa le plus clair de son temps à mettre son plan sur pieds. Il réfléchit minutieusement à tous les détails. Il voulait que tout se déroule à la perfection, aucun droit à l'erreur. 

Le lundi, son réveil sonna à la même heure. Il se traîna jusqu'à la salle de bain où il ne prit pas de douche, il se brossa simplement les dents et coiffa ses cheveux en y passant les mains. Il s'habilla en prenant volontairement un petit côté débraillé, habillé à la hâte, sans aucun effort. Quand sa mère et sa sœur le virent arriver dans la cuisine, elles tombèrent des nues. James déjeuna rapidement, sans fournir d'explications. 

Avant de sortir de la voiture de sa mère, une petite demi-heure plus tard, James se tourna et se pencha vers l'arrière pour s'adresser à sa sœur.

- Claque-moi les joues, lui demanda-t-il.

- Hein ?

La petite brune était perplexe. Depuis la vieille déjà, c'était comme si quelqu'un d'autre avait pris possession du corps de son frère.

- Claque-moi les joues, répéta-t-il, un peu plus empressé.

- Mais non ! Pourquoi tu voudrais que je fasse un truc pareil ?

- Abby, s'il te plait, rends-moi ce petit service.

La mère et la fille s'échangèrent un nouveau regard. Aucune ne comprenait son attitude et elles étaient toute aussi perdues l'une que l'autre.

- J'en ai besoin, expliqua James. Alors sois gentille et fais-le. Je ne te demande pas de me gifler, juste de claquer suffisamment fort pour qu'elles soient rouges.

- Pourquoi tu ne le fais pas toi-même alors ?

- Parce que je ne le ferais pas assez fort.

Fronçant les sourcils, Abby décida qu'il valait sans doute mieux obéir. Elle ne comprenait pas vraiment mais, après tout, c'était lui qui demandait. Elle posa son téléphone sur la banquette et claqua les joues de son frère, y laissant deux belles traces rouge vif.

- Merci ! T'es géniale ! Je t'aime !

Il se détacha à la hâte, claqua un bisou sur la joue de sa sœur en se tortillant comme il pouvait, et sorti presque en courant de la voiture.

- Est-ce qu'il va bien ? Souffla la mère, une fois seule avec sa fille.

- Je préfère pas savoir, répondit l'adolescente en hissant sur son sac sur son épaule avant de sortir aussi. Bisous !

James avait remonté l'allée de son lycée d'une traite mais, devant l'entrée, il s'arrêta et prit le temps de respirer. Il allait entrer en scène. Respirant et se calmant doucement, il prit le visage qu'il voulait que les gens voient. Bon, il ne gagnerait certainement pas l'oscar du meilleur acteur de l'année, mais sa performance était assez convaincante pour bluffer une bande d'adolescents un peu bêtes. Comme il l'avait prévu, il avait à peine mis le pied au lycée que Félicia déboula de nulle part.

Surtout, ne pas sourire, pensa-t-il. Et ne pas rire aussi.

Il la vit s'approcher dangereusement de lui mais, au moment où elle allait franchir les derniers centimètres qui les séparaient, James fit un pas en arrière, main tendue devant lui. Forçant son esprit à lui montrer des images qui tiraient sur sa corde sensible, ses yeux se remplir bien vite de larmes. Félicia resta figée devant le regard abattu de son petit-ami. Elle aurait voulu s'approcher, mais il l'en empêchait toujours.

- Bébé, qu'est-ce qui se passe ? Tu m'inquiètes !

- Comment est-ce que tu as pu me faire ça... ?

James faisait de son mieux pour que sa voix tremble et rajouter de la crédibilité à son jeu.

- De quoi est-ce que tu parles ?

De sa main libre, il prit son téléphone, fouilla dans sa galerie et exposa la photo. Dès qu'elle posa le regard dessus, le sol sembla se dérober sous les pieds de Félicia. On la voyait, sur un lit avec un garçon qui n'était clairement pas James, dans une situation plus qu'équivoque.

- James, je vais t'expliquer, tenta-t-elle, bafouillant sous le regard accusateur du châtain.

- M'expliquer quoi ? Comment tu peux justifier ça ? Je n'étais pas prêt à franchir ce cap, alors toi, au lieu d'attendre, tu as préféré t'envoyer en l'air avec le premier venu ?

Les élèves présents dans le couloir s'étaient rassemblés. S'entassant comme un vrai troupeau. Tous étaient pendus aux lèvres des deux adolescents et s'extasiaient déjà d'avoir été aux premières loges d'une telle rumeur ! Ils entendaient la tristesse et la colère dans la voix du châtain, de quoi les rendre encore plus curieux. 

Dans le tas, de petits murmures commencèrent à circuler. La rumeur était lancée : la plus jolie fille du lycée avait été surprise par son petit-ami alors qu'elle était au lit avec quelqu'un d'autre. D'ici une heure, tout le monde serait au courant et si tout se déroulait comme prévu, le plan de James serait un véritable succès. Il allait pouvoir se débarrasser de Félicia et tenir les autres filles à distance en même temps.

- Bébé tu dois me croire ! Ce n'est pas du tout ce que ça a l'air d'être...

- Tu penses vraiment que je suis aussi bête ? Tu n'en as jamais rien eu à faire de moi... Tu me trompes sans la moindre hésitation, parce que je ne peux pas te donner ce que tu veux, et tu as encore le culot de me dire que je dois te croire ? Avoir confiance en toi ? C'est fini... Je ne pensais pas que tu étais ce genre de fille... Dire que je t'aimais...

Le châtain versa quelques larmes, qu'il s'empressa d'essuyer, en guise de dernier acte et parti en bousculant la foule. Certaines personnes essayèrent de le retenir pour le consoler, en vain. Il se réfugia dans les toilettes, comme l'aurais fait n'importe quelle personne dévaster par le chagrin et qui essaierait de se cacher. 

Il s'enferma dans une cabine et attendit qu'il n'y ait plus aucun garçon pour laisser échapper son rire. Il l'avait tellement retenu qu'il avait bien cru qu'il finirait par se trahir. Ça avait été absolument parfait. Maintenant, il pouvait passer à la phase deux. D'ici là, il allait devoir jouer à l'ex petit-ami en pleine peine de cœur. 

C'est avec une bonne vingtaine de minutes de retard, et les yeux rougis par ses larmes - de rire -, qu'il pénétra dans sa salle de classe. Le professeur l'excusa, vu son état, et James partit rejoindre ses amis sur la dernière rangée. Comme prévu, ils le harcelèrent de questions auxquelles il n'avait presque pas répondu, prétendant que c'était encore trop douloureux pour lui. 

La journée passa à une vitesse incroyablement lente, mais James fut heureux de voir que son plan marchait. Ses amis avaient abandonné l'idée d'obtenir des explications et les filles se tenaient à distance, pour ne pas trop presser ce « pauvre James », comme elles l'appelaient. Il ne se trouvait pas trop mal dans le rôle de l'adolescent au cœur brisé finalement. 

Lorsqu'il rentra chez lui, en fin d'après-midi, avec cette même expression sur le visage, Abby se jura de lui tirer les vers du nez. Il s'était à peine débarrassé de ses chaussures qu'elle empoigna sa manche et le tira jusqu'à sa chambre. Une fois à l'intérieur, elle le poussa sur le lit et resta face à lui, bras croisés sur sa poitrine.

- Alors là, tu me dois des explications !

À voir son expression si sérieuse, James ne put retenir son fou rire. Il se laissa tomber en arrière, ses bras tenant son ventre.

- Tu devrais voir ta tête ! S'exclama-t-il.

- James ! Répliqua Abby en haussant le ton.

Le châtain n'en rit que plus fort, pendant de longues minutes. Quand il se calma enfin, il se redressa en position assise, essuya les larmes qu'il avait aux coins des yeux, et répondit aux questions de sa sœur. Il lui expliqua tout dans les moindres détails. 

Abby resta scotchée face au plan de son frère. Elle ne le connaissait pas aussi machiavélique, même si le terme ne se prêtait pas vraiment à la situation, mais elle était heureuse qu'il se soit enfin débarrassé d'elle. Plus de mensonges. Ou presque. 

Leur mère les appela rapidement pour le dîner et ils avortèrent la conversation. Il n'y avait, de toute façon, plus grand-chose d'intéressant à dire. 

Simplement moi-même. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant