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Les jours sans Coline ont été compliqués pour Selim. Et ceci pour plusieurs raisons : cette relation est, tout d'abord, une sorte d'échappatoire, un « Et si ? » permanent qui lui laisse le temps et l'espace pour ne pas s'engouffrer dans ses autres peurs. Ensuite, il y a le fait que le temps s'est ralenti depuis que Coline est partie à Bordeaux : le temps de la famille, où tous attendent la dernière opération du père, le temps des amis où la bande de gars est partie en roadtrip sans lui et le temps du travail où Selim se lasse du manque de clients. Le temps de l'amour lui, Selim ne trouve pas de quoi le définir. Il sait juste que cela l'anime plus que tout autre chose dans sa vie.

— Hey ! lance Selim en voyant Coline s'avancer vers lui dans la gare.

La blonde tient fermement sa valise rouge et paraît bronzée. Elle n'est partie que 14 jours, et la voilà, radieuse. Selim, d'habitude blasé, ne peut s'empêcher de sourire.

— Oh tiens tes fossettes m'avaient manqué.

Coline le surprend en le prenant dans ses bras. L'étreinte lui retourne le cœur : le contact est chaud et vivifiant. Tout étonne Selim, dans les micro-gestes de la blonde, son enthousiasme, la couleur de ses yeux, la brillance de ses cheveux mi-longs. Tout lui rappelle pourquoi le temps file dès qu'il est avec Coline.

Ils se sont quittés dans la tristesse de l'annonce de la maladie. Ils se retrouvent aujourd'hui dans la joie, parce qu'il y a un plaisir à couper la distance, à se retrouver.

— T'as déjeuner ? demande Selim en l'aidant avec sa valise.

— Non, mais je meurs de faim ! Mais j'ai plus un sou avec Angèle on a trop dépensé à Arcachon...

Ah oui... Arcachon... Au début, Selim lui en a voulu. Elle devait partir que quatre jours pour Bordeaux. Mais la famille d'Angèle, ayant une maison au Cap Ferret, avait insisté pour qu'elle passe quelques jours là-bas. Deux jours après, il apprend par message que Coline veut rester à Arcachon une semaine en plus, pour pouvoir aller à Bordeaux chercher ses clefs et récupérer l'appartement le 6 août. Bien sûr, il est conscient que la blonde veut juste profiter de ses vacances, qu'elle ne lui doit rien, qu'ils ne sont pas du tout ensemble... mais le manque nourrit des attentes : À chaque fois qu'une visite à l'hôpital ne se passait pas bien, Selim s'accrochait à l'espoir d'aller bien en voyant Co'. Il est conscient que c'est mauvais, mais il ne peut s'empêcher de s'approvisionner de mille et un espoirs.

— On dépose ta valise, on fait quelques courses et je te cuisine le meilleur repas de la Terre ?

— Parce que tu sais cuisiner ?

— Je me débrouille, lâche modestement le brun.

Selim cuisine bien, il le sait : sa mère le lui répète tout le temps. Ça a commencé en CP, quand il ne comprenait pas pourquoi sa mère avait toutes les tâches ménagères à faire à la maison. Son père traînait devant la télé, bière et clope au bec. Ses grands frères jouaient à la console dans leur chambre. En rentrant des cours, Selim faisait l'effort de voir si sa mère avait besoin d'aide en cuisine, c'était plus fort que lui : il ne comprenait pas comment tout le monde pouvait rester aussi passif chez soi, alors que sa mère était la seule à s'activer pour faire fonctionner la maison.

— Surprends-moi alors !

Le trajet en taxi jusqu'à chez Coline, rapide et sans bouchon, rend Selim nerveux. Et si elle trouvait ses plats mauvais ? Et si... ? Selim se remet à se questionner à l'infini.

— Ça va toi, en ce moment ? le coupe-t-elle dans ses interrogations.

— Hm... rien de nouveau. Tout comme ce que je t'ai déjà raconté par message, avoue-t-il.

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant