Chapitre 3 : Fuis-moi, je te suis ...

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𝌀 Elle


     Plusieurs semaines se sont passées depuis l'incident de la cantine, et je commence à croire que je me trompe sur le compte de cet idiot – sur ce coup, j'avoue avoir explosé mon cota d'originalité pour ce surnom ! Mais on ne peut être qu'un idiot pour persister à vouloir poursuivre une personne qui donne tout ce qu'elle a pour vous éviter, non ? –. Peut-être qu'il n'est finalement pas aussi "cliché" que je ne me l'imagine. Peut-être que derrière ces biceps saillants et ce minois à faire monter la vapeur dans les joues des plus insensibles d'entre nous, se cache ce garçon rieur et sans prétention que j'ai aperçu durant ces douces soirées estivales. J'ignore pourquoi je me suis imaginé qu'il pouvait être différent loin de cette plage paradisiaque ? La peur d'être une nouvelle fois déçue, sans aucun doute . Je suis même prête à faire un micro effort, en souvenir de notre été partagé, pour éventuellement lui dire un truc aussi bateau que ... je ne sais pas ... « Bonjour » ?

     Mais, alors que je m'approche de lui, semblable à un paresseux qui esquisse un pas en avant pour trois en arrière, le voilà qui passe un bras autour des épaules de Potiche. Celle-ci rit aux éclats au même moment, à je ne sais quelle plaisanterie qu'elle vient de lui lancer, avec cette bouche en cœur et ses yeux indécemment emplis d'intérêt pour lui. Ils semblent alors si proches ... Toujours plus à chaque jour qui passe. Se peut-il qu'ils soient devenus plus que de simples voisins de classe en si peu de temps ? No way. Je ne sais pas ce qui m'a pris de croire qu'il pouvait être différent, ou même qu'il puisse réellement avoir le moindre intérêt pour moi. Je suis juste un visage familier au milieu d'une trentaine d'inconnus, une bouée de sauvetage en attendant qu'il trouve une place dans cette classe, là où je suis bien incapable d'en faire autant. Et de toute évidence, lui y est parvenu en un rien de temps, et a gagné au passage le cœur sacré de notre si peu vénérable Dame Potiche Ière du Nom. Rien d'étonnant venant de quelqu'un de son acabit. Bordel, voilà que je recommence à médire de l'intérieur ! Je vais finir par me prendre un retour de karma un de ces jours ! Je secoue la tête pour effacer ces indignes pensées de mon esprit impur, et je reprends finalement la direction inverse, réinstaurant cette belle et inévitable distance de sécurité entre ce groupe d'élite et moi.


𝌀 Lui


     Je l'ai aperçue, du coin de l'œil, à chercher une manière de m'aborder, dans ce bien étrange manège. C'est vraiment ... Aussi bizarre qu'adorable. Un peu comme une souris avide devant un bout de fromage qu'elle ne pourrait atteindre sans se voir piégée. Un pas en avant, la tête sur le côté, trois pas en arrière, la bouche entrouverte pour dire quelque chose, avant de finalement la refermer. C'est si divertissant que j'en oublie d'écouter Anna, ce que je ne tarde pourtant pas à me rendre compte, à la vue de sa mine renfrognée. Je l'entoure bien vite d'un bras, et la secoue doucement pour la taquiner, dans l'espoir de lui faire ainsi oublier cet instant d'égarement. Mais j'oublie qu'elle n'est pas comme elle, et elle n'apprécie a priori pas ce genre de familiarités. J'abat alors ma dernière carte, et j'espère la meilleure, riant aussi franchement que possible, sans oublier de prier que ses derniers mots étaient toujours bien destinés à m'amuser, puisque c'est ce qu'elle s'évertue à faire depuis une bonne demi-heure déjà pour je ne sais quelle raison. Et, magie ! Voilà que son sourire réapparaît, à mon grand soulagement. Satisfait de m'être sorti de ce pétrin en répondant visiblement à ses attentes, je m'autorise un nouveau coup d'œil vers ma Souris, convaincu de la voir bien plus proche de nous maintenant.

     Mais elle n'est de toute évidence pas parvenue à aller jusqu'au bout. J'ignore ce qui l'a retenue, mais elle a déjà filé, avant même que qui que ce soit d'autre ne remarque sa présence dans les parages. La sonnerie met fin à la conversation du petit groupe que nous formons avec d'autres camarades, et je lâche enfin Anna, ayant oublié cette accolade improvisée après qu'elle se soit mise à me raconter une anecdote sur sa vie si compliquée avant le lycée. Bien sûr, je l'ai écoutée avec le plus grand des sérieux, elle qui a alors ressenti l'intime besoin de se confier. S'il y a bien un sujet avec lequel je ne plaisante pas, c'est le bien-être de mes pairs, et, j'imagine que comme tout le monde, j'ai particulièrement en exècre tout ce qui a trait au harcèlement. C'est donc tout naturellement que mon oreille est toujours prête à se tendre à ce genre de confessions, bien que je ne sache jamais vraiment comment je peux aider pour améliorer ces situations bien trop répandues à mon goût. L'atmosphère s'est ensuite détendue après une plaisanterie d'Antoine, qui, sans masquer son mécontentement lié à notre proximité physique avec sa précieuse Anna, s'est senti obligé de se faire remarquer. Je ne manque pas de me faire une note mentale de ce détail pour ne pas commettre un nouvel impair à ce sujet à l'avenir. Puis, suite à cela, nous nous sommes montrés aussi soudés que possible pour ne pas que la jolie blonde s'inquiète d'avoir à traverser à nouveau une telle histoire, et l'avons assurée de notre soutien et notre amitié inconditionnels. Personnellement cette promesse ne me met pas très à l'aise, je la connais à peine, après tout. Mais nos paroles ont au moins eu le mérite de la soulager.

[FR] Dans tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant