19/ Panique et rupture

1K 127 2
                                    

— Kat ? Tu en fais une tête ! Ça ne va pas ? s'exclame Sylvia en voyant arriver Kat dans le bureau qu'elle occupe avec Charles.

Le responsable financier lève le nez et abandonne son dossier pour observer Sylvia enlacer Kat comme si une catastrophe venait d'arriver.

— Vous voulez que je vous laisse ?

— Non, Charles. Pas du tout. Il n'y a rien. Je venais juste dire que Violette Beautemps ne sera pas là tout le mois à venir ! C'est une bonne nouvelle, ça ! Non ?

Katerine se force à sourire. Son ton enjoué peut tromper Charles qui se remet au travail, mais pas Sylvia. Sylvia, elle, fixe son amie.

— Pas maintenant, murmure Kat. Pas maintenant, Sil.

Puis, elle quitte la pièce, laissant la jeune femme préoccupée. Depuis quand Sil est-elle devenue celle qui protège ? Depuis quand Kat n'est-elle plus la forte et dynamique ! Depuis quand a-t-elle abandonné son credo d'aventurière qui n'a peur de rien ? Depuis Campbell ! Depuis Campbell, beaucoup de choses ont changé. Trop.

Avant d'arriver aux vestiaires de son service, Kat s'est convaincue qu'elle doit le quitter. Il la rend molle et faible. Même si Sylvia n'a plus autant besoin d'elle depuis qu'elle forme un vrai couple avec Charles, depuis que leur relation s'est officialisée auprès de M. Benford qui apprécie beaucoup Charles, Katerine ne doit pas oublier qu'elles sont liées et qu'un malheur est vite arrivé. Si vite parfois. Katerine doit être prête à protéger et aider son amie. Kat a besoin d'être combative.

Et puis à quoi rime cette aventure avec le bras droit du patron ? Il est plus âgé, installé, alors qu'elle est encore étudiante et ne sait pas encore avec certitude ce qu'elle va faire de sa vie ! Katerine a besoin d'être libre ! La bulle éclate.

Elle prétexte une indisposition pour fuir l'hôtel. Elle rentre directement chez elle en bus. Elle se réfugie dans sa chambre de lycéenne. Elle se réfugie dans son cocon. Puis elle écrit un message à Campbell. Un message impersonnel et froid.

Ensuite, elle ne sait plus. Elle pense avoir fait le bon choix et se déteste de l'avoir fait. Confusion et perplexité. Elle est totalement désorientée. Incapable de reprendre le fil de ses pensées, ni de reconstituer ce qui l'a amenée jusque-là.

Sa mère l'a entendue rentrer tôt. Elle s'en étonne et vient la voir. Elle la trouve prostrée sur son lit.

— Kat ? Que... que s'est-il passé ?

Depuis quelques temps, elle soupçonne sa fille d'entretenir une relation avec un homme plus âgé ou marié, d'où le secret dont elle s'entoure. Lydia Bridgewater pense aux erreurs commises dans le passé et la répétition d'une génération sur l'autre.

Puis lui vient la pensée d'une rupture. Mais d'habitude sa fille ne se laisse pas abattre. Elle rebondit toujours. Heureuse de vivre. Il s'est passé autre chose. Travailler comme femme de ménage dans un hôtel ouvre des perspectives que Lydia frémit d'imaginer. Elle craint le pire.

— On t'a fait du mal, ma puce ? Qui t'a fait du mal ? Tu peux tout me dire... mais s'il faut t'emmener à l'hôpital, il faut y aller rapidement...

L'inquiétude de sa mère remet Kat sur les rails. Pas ceux sur lesquels elle a déraillé, mais d'autre, plus facile à arpenter. Un mouchoir sur l'abîme ?

— Maman... Je n'ai pas été violée, ni frappée, ni rien de ce que ton esprit torturé imagine en ce moment !! Il faut que tu arrêtes de lire tous ces bouquins horribles où des psychopathes trucident de faibles et innocentes victimes ! Je ne suis ni faible, ni innocente !

— Ma puce, parfois il arrive des choses qu'il nous est impossible d'éviter.

Katerine sait que sa mère parle en connaissance de cause. Elle ne fait pas que lire des livres où des psychopathes œuvrent, dans l'obscurité de préférence, elle fait partie d'une unité qui s'occupe de victimes de violences conjugales ou autres. C'est aussi pour cette raison qu'elle tremble pour sa fille depuis qu'elle est en âge de marcher. C'est aussi pour cette raison qu'elle l'a toujours encouragée à apprendre à se défendre. Les arts martiaux, c'était son idée au départ.

— C'est juste que... Je crois que je viens de faire une erreur, mais je suis incapable de ne pas la faire... C'est plus fort que moi. Je ne peux pas faire autrement.

— Et si tu m'en disais plus, parce que là, c'est un peu flou...

Katerine fixe alors sa mère avec intensité. La jeune femme a besoin de réponses pour tenter de se comprendre. Pour tenter de lutter contre elle-même. Elle a besoin d'une diversion aussi.

— Je t'en parle si tu me dis qui était vraiment mon père...

Faire le grand sautDonde viven las historias. Descúbrelo ahora