25/ Ce qu'est une amie

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Sylvia touche le bras de Lydia pour lui signifier qu'elle va s'en occuper, mais la mère refuse de partir. Au contraire, elle pousse Sylvia en dehors de la chambre. Parce que Lydia pense qu'elle doit réparer sa fille. C'est à elle de lui ouvrir les yeux. C'est à elle de lui montrer la voie. C'est son rôle de mère. Un rôle qu'elle a peut-être trop souvent mis de côté.

Jusqu'à présent, Lydia a toujours été ravie de cette fille si indépendante et autonome avec qui elle s'entend si bien, qui ne lui crée pas de problèmes. Elle était heureuse de la voir grandir avec autant de qualité. Elle la voyait harmonieuse et solide. S'est-elle trompée ou n'a-t-elle vu que ce qu'elle voulait voir ?

La fragilité de sa fille la renvoie à la sienne propre. Elle se revoit effondrée après la fin de son histoire avec James. Elle a beau savoir qu'elle l'a provoquée, qu'elle a choisi de ne pas poursuivre cette aventure. Elle a beau ne rien regretter aujourd'hui quand elle voit sa magnifique fille, elle ne peut nier qu'elle a souffert et souffre encore de la fin de cette histoire. Parce qu'elle aimait James - Peut-être pas autant que Katerine semble aimer Matthew. Mais, elle n'a pas cherché à le remplacer. Est-ce manque d'attachement qui a rendu sa fille si fragile ? Si réfractaire à l'amour ? Si terrorisée par ses propres sentiments ? Lydia se sent coupable de n'avoir pas pu aider sa fille avant la tragédie en cours.

Katerine s'est assise dos à la fenêtre. Elle se tient les jambes pliées devant elle comme une muraille. Elle fixe le sol devant elle. Lydia s'assoit à côté d'elle et la berce. Il faut que sa fille dorme. Demain, elle lui parlera.


Inutile dans la maison de son amie, Sylvia a pris son courage à deux mains. Elle sait qu'elle joue gros. Elle se gare devant la maison de la plage plongée dans l'obscurité. Si elle n'avait pas vu la voiture de Campbell abandonnée en travers du trottoir juste devant la sienne, elle aurait pu penser s'être trompée. Mais non. Il est bien là. Katerine lui a dit que cette maison avait de l'importance pour lui. Sylvia confirme. S'il vient là quand il est dans un état lamentable, c'est qu'elle lui est effectivement nécessaire.

La jeune femme tente d'entrer mais la porte est fermée. Elle avise le chemin qui descend vers la plage et l'emprunte avec précaution. Il n'y pas beaucoup de lumière ici. Juste un malheureux lampadaire qui distribue chichement ses faibles rayons. Quant à la lune, elle est masquée par un gros front nuageux. Un coup de chance, il ne pleut pas encore.

Campbell est assis sur le sable face à l'océan. Elle s'assoit près de lui. Il ne regarde même pas. Elle n'est pas celle qu'il attend.

— Pourquoi êtes-vous là, Sylvia ?

Pas de Mlle Benford. Mais un vouvoiement quand même. Bon, c'est un début.

— Je viens plaider sa cause ?

— Plaider sa cause ?

— Il le faut, puisque vous vous y êtes si mal pris avec elle, que vous l'avez rendu muette.

Cette fois, il tourne son visage contrarié vers elle.

— Ne me regardez pas comme ça... C'est vrai ce que je dis ! Vouloir à tout prix la présenter à votre famille ! La brusquer ! La prendre de haut ! C'est ridicule... Vous la connaissez si peu ? Vous la connaissez si peu...

Le soupir de Matthew se perd dans la bourrasque de vent qui balaye la plage en faisant frémir Sylvia. La jeune femme serre sa veste contre son torse. Elle va attraper la mort à rester ici.

— Vous ne préféreriez pas discuter dans la maison ?

— Je ne préférerais pas discuter du tout.

— Bien sûr que si... Sinon comment allez-vous rattraper ce fiasco ?

— Je ne vais pas le rattraper, dit-il en se relevant.

— Comment ?

— Rentrez chez vous Mlle Benford. Demain est un autre jour. Contentez-vous de venir travailler. Vous faites de l'excellent travail.

— Mais..

— Pas de mais. Rentrez ! Moi, je vais faire de même ! Demain je serai à mon poste. Tout comme vous. Mlle Bridgewater n'est plus une enfant. Sur ce point-là, nous sommes d'accord. Elle a pris une décision. Ce qu'elle va faire désormais ne me concerne plus. À elle de décider si elle veut poursuivre son contrat ou le rompre. Je ne m'opposerai à rien, si cela vous inquiète. Je suis suffisamment professionnel pour ne pas être vindicatif. Maintenant, rentrez chez vous.

Faire le grand sautWhere stories live. Discover now