Chapitre 21

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 Cela faisait à présent plus de deux mois que Mélandrie et ses compagnons arpentaient les terres noires à bord de leur charrette tirée par les deux bêtes imposantes. Au départ, ils n'étaient que peu rassurés à cause de plusieurs facteurs qui leur donnaient l'impression que ce type de véhicule allait bien plus les retarder qu'autre chose.

Tout d'abord, ils ne voyaient pas comment ils allaient pouvoir traverser les étendues recouvertes d'une épaisse couche de neige alors que la charrette devait normalement s'enfoncer dedans. Cette crainte fut cependant vite dissipée lorsqu'ils virent que leurs bêtes de trait écrasaient la neige ou la repoussaient sur leur passage, créant ainsi une route praticable à mesure qu'ils avançaient.

La seconde inquiétude était celle de la rapidité. Ces bêtes, bien que pratiques pour la neige, étaient bien moins rapides que des chevaux. Ils allaient certes plus vite qu'à pied, mais ça n'était malgré tout pas transcendant. Ce manque de vitesse était cependant compensé par l'endurance hors du commun de ces bêtes. Les oroumanes, espèce dont ils étaient issus, ne se reposaient presque pas. Il ne leur fallait qu'une nuit tous les cinq jours de voyages pour recouvrer toute leur énergie.

Bien que massifs, ils n'avaient pas non plus besoin de s'arrêter pour brouter. Ils saisissaient parfois une touffe d'herbes qu'ils trouvaient sur leur chemin et continuaient comme si de rien était tout en la mastiquant pendant plusieurs dizaines de minutes.

Grâce à cette caractéristique particulière, il suffisait alors de changer de cocher pour continuer le voyage. Ce qui les ralentissait était finalement leurs propres limites physiques. Malacine pouvait leur éviter d'avoir à s'arrêter pour faire un feu, mais dormir dans ces conditions et rester assis tout au long de la journée n'était pas des plus agréables. Ils faisaient donc plusieurs poses de quelques minutes chaque jour, au moins pour se dégourdir les jambes.

Les oroumanes intriguaient tout le monde et Scyllia et ses amis étaient tous d'accord sur le fait que Zoé et Zack aurait adoré les étudier. Ils s'étaient étonnés aussi qu'avec une telle masse pour si peu de nourriture à fournir ces bêtes ne soient pas élevées pour être mangées. Après tout, en faire l'élevage pouvait déjà régler une grande partie de la faim sur les terres enneigées.

Savoir qu'ils avaient eu une telle pensée avait horrifié la jeune prêtresse. Pour son peuple, ces bêtes étaient sacrées. Ils n'avaient pas le droit d'y toucher faute de quoi la terre-mère cesserait de leur venir en aide. Il s'agissait aussi de bêtes pourvues d'une grande intelligence et qui devinaient les intentions de ceux qui l'approchaient. Vu qu'ils aimaient parcourir de longues distances et que les charges ne les dérangeaient pas, ils acceptaient de jouer ce rôle.

Cependant, en tuer un, ce qui représentait déjà un risque en soit, revenait à faire fuir le reste du troupeau et de telles bêtes ne pouvaient plus être rattrapées. Sans eux, ils ne pouvaient alors plus se déplacer et se sédentariser dans un tel lieu pauvre en ressources ne pouvait mener qu'à la mort du clan.

Enfin, Kahina ne savait pas s'il s'agissait de la réalité ou d'une rumeur pour décourager les plus désespérés, mais il était dit que certains clans qui avaient perdu les faveurs de la terre-mère et ne trouvaient plus de nourriture avaient tenté de manger leur viande. Le goût était horrible et les conséquences dramatiques à tel point que la plupart étaient morts dans la nuit et le reste n'avaient pas survécus non plus, trop affaiblis pour quitter leur tente.

Aux explications de la jeune prêtresse s'ajouta celles du dieu noir. Tout d'abord, se nourrir de cette viande était une grossière idée. En plus de leurs cornes et de leur masse qui pouvait décourager les prédateurs, une toxine circulait dans leur sang, imprégnait tous les muscles à leur mort et persistait même si la viande était cuite.

Mélandrie tome 3 : Les terres noiresNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ