2 Octobre

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Quand les choses ont-elles dérapées?

Est-ce que c'était quand il avait lancé le verre sur Eddie dans la maison de sa soeur, ou était ce quand il avait envoyé son poing dans le visage du type au bar, qui avait été irrespectueux avec la passante? Il n'en savait rien, et ça le tuait.

Il n'y avait que des doutes profonds en lui, et il ne trouvait pas la moindre réponse à ses problèmes.

Pourquoi? Pourquoi est-ce que c'était sur lui que tout s'acharnait? Qu'est-ce qu'il avait fait pour qu'on le haïsse à ce point et pour qu'on décide qu'il méritait tout ce malheur?

S'il s'en plaignait, on viendrait dire qu'il y a pire, plus malheureux et qu'il devrait être heureux de ce qu'il avait plutôt que de venir pleurer sur son sort. Mais s'il ne disait rien, on viendrait lui dire qu'il est renfermé, hostile et froid, et qu'il ne se confie jamais.

Alors il jonglait entre les deux, prenait des pincettes pour parler, et le peu de fois où il essayait, on ne l'écoutait pas, on le prenait pour un rigolo. Alors Evan avait arrêté. Il n'avait plus rien dit, avait décidé qu'il ne se plaindrait plus, qu'il ne répondrait plus, et qu'il n'essaierait plus. Si personne ne voulait l'aider à comprendre pourquoi la vie s'acharnait sur lui, alors il n'essaierait pas non plus.

Mais c'était comme si elle voulait l'y forcer, parce qu'à vrai dire, il ne s'était jamais autant demandé qu'à cet instant, ce qui avait pu le mener ici aujourd'hui.

Ses genoux lui faisaient mal à cause du carrelage froid et dur. Il sentait déjà que dès qu'il se relèverait, une colonie de fourmis envahirait ses membres endoloris et ankylosés. Mais il ne bougeait pas, contraint à rester dans cette position plus qu'inconfortable, en attendant qu'il se passe quelque chose.

L'horloge, cloutée sur l'un des piliers en béton morose et triste, annonçait quinze heures passées, ça faisait déjà plus de quatre heures qu'ils étaient coincés là, et ça faisait plus d'une heure et demie qu'Evan n'avait plus aucune nouvelle de ses collègues. Il espérait que Chimney avait pris la décision de s'enfuir et de le laisser là pour aller chercher de l'aide, mais en son for intérieur, une petite voix craintive et en manque d'attention, espérait qu'il se trouvait non loin de lui, se débattant avec lui-même pour trouver une solution.

Parce qu'il en fallait une, et vite.

A peine une dizaine de minutes après qu'il se soit fait interpeller par l'adolescent, il l'avait entendu discuter avec quelqu'un à travers la radio, et cinq minutes plus tard, la porte de la cantine était poussée, par un autre gamin, plus petit mais aussi plus costaud, qui portait une arme beaucoup plus puissante. Evan le savait, parce que généralement, plus elle est grosse et paraît lourde, plus elle fait de dégâts, et Evan avait peur de ce qu'elle avait pu faire. Il s'était avancé vers lui, le pas pressé et avait pointé son arme vers son visage. Evan n'avait pas bronché, seulement levé les yeux pour essayer de croiser son regard, mais il n'avait pas osé. Dans son dos, il sentait encore la présence des étudiants et des employés, qui se cachaient toujours derrière les chariots.

« Qu'est-ce qu'il fait là? S'enquit le plus petit en prenant à part son camarade et en lui serrant le coude. Je croyais t'avoir dit d'éliminer tout le monde! »

Evan n'arrivait pas à garder ses yeux immobiles. Il survolait les joints des carreaux de carrelage de long en large, sans vraiment en fixer un, tandis que ses méninges se remuaient à toute vitesse. Il n'arrivait pas à réfléchir, et la colère, brouillait son esprit.

« Je n'ai plus de balles, l'entendit-il susurrer. Je ne savais pas quoi faire alors j'ai préféré t'appeler. »

Il s'attendait à ce qu'il y ai un hurlement de colère, qu'il se fasse frapper, ou qu'il lui tire dessus, pour le faire taire et pour lui faire payer de ne pas avoir su calculer ses munitions, mais à la place, le pompier les vit tous les deux, le front collé, les yeux fermés, reprenant une grande inspiration.

War of MemoriesWhere stories live. Discover now