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Pourquoi dit-on toujours que l'on est toujours mieux servi que par soi-même alors qu'on demande toujours de l'aide aux autres ? Et qu'on ose montrer une once de mécontentement quand le travail est mal fait ?

Cette phrase est vicieuse. C'est ce que Minho pensait à longueur de journée quand ses affaires de cours disparaissaient mystérieusement, que des pieds étaient tendus dans le couloir à sa venue ou que de plus en plus de moutons rejoignaient le pré. Minho comprenait bien que les gens ne s'attaquaient pas à lui pour ce qu'il était vraiment mais plutôt à l'image qu'il renvoyait aux autres ; quelqu'un de bizarre, décalé, une manie dérangeante à bouger la tête dans des moments inadaptés. 

Minho les laissait faire. Il n'avait plus l'énergie de se battre. Il ignorait les regards médisants, les langues empoisonnées et les coups bas. Mais tous les matins, il se levait, la boule au ventre, la tête qui tournait et l'envie de rester en boule dans sa couette devenait sa pensée intrusive la plus présente. Heureusement, il n'avait pas de problème pour manger. Il ne se forçait pas. Non, c'était un peu plus complexe que ça. Il détestait la texture de certains aliments, pour ne pas dire la grande majorité, n'éprouvait aucun plaisir à manger du sucre même s'il pouvait vider une poche entière de bonbons en une journée avec pour excuse qu'il voulait déstresser. Une telle ingestion de confiseries lui donnait une poussée d'acné soudaine en quelques jours. 

Minho battit des paupières. Il était tout juste une heure du matin. Les heures passaient. Il avait beau fermer les yeux, penser fort à dormir ou essayer de se détendre, rien n'y faisait. Son cerveau ne se mettait pas en mode OFF. 

- Saloperie d'insomnie, murmura-t-il à lui-même. 

Avant même qu'il ne se retourne dans son lit, Minho sursauta, clignant rapidement des yeux alors que la lumière matinale baignait déjà dans sa chambre. L'adolescent mit quelques secondes à comprendre qu'il s'était peut-être endormi. Une coupure si violente qu'il avait l'impression d'avoir fait une nuit blanche. Minho abandonna l'idée de rester dans son lit à ne rien faire ; il allait se préparer pour aller au lycée, alias l'enfer. 
Minho s'extirpa de son lit, traînant des pieds jusqu'à ses rideaux et les écarta. Le soleil pointait timidement son nez à l'horizon, entre deux nuages cotonneux et plusieurs arbres rachitiques. 

Premier supplice du matin : se regarder dans un miroir.

Minho se forçait à le faire. De toute façon, il n'y avait pas grand-chose à voir. Un visage pâle, des cernes — plutôt des puits —, une morphologie assez maigre, du moins pas assez pour que la mère de Minho le traite d'anorexique ou autre propos dégradant sur les troubles alimentaires, et des cheveux bruns emmêlés. Et en supplément, un pyjama à motifs de lapins blancs. 

Mais dans le miroir de la salle de bain, Minho n'y trouva que du vide. 

Ses mains se fermaient, s'ouvraient, plusieurs fois ; Minho les voyait. Minho voyait son pauvre pyjama, sentait ses clavicules saillantes sous ses doigts, son visage peu doux au toucher, ses lèvres gercées, la paille qui lui servait de cheveux. 

Mais le miroir de la salle de bain ne lui donnait pas d'existence. Il ne renvoyait aucun reflet. Il voyait au travers ; un radiateur accroché au mur, une serviette bleue par-dessus, le mur carrelé ; aucune déformation. Minho n'était pas un caméléon. 

Il se trouvait encore moins dans un rêve — ou un cauchemar. 

- J'ai... disparu ? 

𝗶𝗻𝘃𝗶𝘀𝗶𝗯𝗹𝗲 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ | ˡ•ᵐⁱⁿʰᵒWhere stories live. Discover now