- PLAIES ET PANSEMENTS -

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A l'extérieur, Gabriel été couché sur le dos, observant les étoiles, ses mains tremblantes le long de ses cuisses. Le tic-tac de sa montre accompagnait le chant des criquets sous la lune ronde et pâle.

La paume des mains rongée, il ne pouvait plus rentrer à vélo ; de plus, Oliver était toujours à l'intérieur ; impensable pour lui de laisser son ami aux mains de ces immondes militaires sans cœur.

Prit entre deux feux mais tirailler par le douleur atroce de ses blessures, il se releva doucement sans l'aide de ses mains. Il se mit à marcher vers la ville comme un corps sans âme. Ses mains pendantes devant lui comme un mort-vivant, il avançait à une faible allure, totalement extenué.

Il traversait les grandes rues de Phoenix aux alentours de deux heures du matin. Tout était désert, il semblait bien seul entre ces buildings de plusieurs dizaines de mètre de haut et ses rues très larges. Les quelques voitures qu'il croisait l'ignoraient complètement.

Pourrait-il retourner chez Carrie après la dispute de cet après-midi ? D'un autre côté, il n'avait pas d'autre endroit où aller, totalement perdu, il se résigna à retourner chez les Stanhope.

Une fois arrivé au coin de la rue, il apercevait une silhouette sous le porche du 1975. Il avançait dans la rue, découvrant progressivement l'identité de cette silhouette mince quelque peu éclairée par le réverbère d'en face.

Caroline était assise, presque toute recroquevillée et appuyé contre le mur. Emmitouflé dans une petite couverture rose, son regard fuyant lui parvenait.

A bout de souffle, Gabe s'effondra au beau milieu de la rue. Caroline accourut vers lui et l'enroula dans son plaid en velours. Il grelotait, ses mains tremblaient toujours comme des feuilles mortes un jour d'automne.

Elle essaya de lui parler, de le garder éveillé alors qu'il semblait s'endormir, assommé par la fatigue ; ou par la douleur frémissante qui rognait ses nerfs.

Elle observa ses mains, la profondeur de lacérations, la façon avec laquelle la chair était creusé. Elle essaya de le soulever : impossible.

Sans un minuscule effort de sa part, Gabe passerait la nuit à la fraiche ; avec pour seul matelas : le macadam craquelé de la rue. Elle ne pouvait pas le laisser là, prisonnier des ombres. Elle décida t'attraper ses bras et de le tirer jusqu'à la porte d'entrée. Sa tête frappa vigoureusement chacune des quatre marches du perron, Caroline arbora une expression de désolément.

Elle le tira encore jusque dans le vestibule, elle le tira dans les escaliers, dans le couloir et jusque dans la chambre. Il étendu enfin étendu sur la moquette rouge de la chambre de Caroline. Cette dernière transpirait de cet effort. Elle apporta du désinfectant des bandages et soigna les plaies béantes qu'il portait aux paumes.

Quand elle le vit couché, les mains à sang, elle ne put s'empêcher de pleuré :

Caroline – Qu'est-ce qui vous a pris... ? Je savais que c'était une mauvaise idée. Maintenant regarde toi, regarde tes mains. Et Oliver, où est-il ? Est-ce qu'il va bien ? demanda-t-elle tour serrant vigoureusement les bandages.

Caroline savait sûrement qu'elle parlait seul, mais cela la libérait d'une peur, cela la réconfortait. Elle tourna la tête et aperçu la lune à travers le carreau. Elle se laissa tomber sur le lit et s'endormit avec un nœud dans le ventre.

8h. Le chant des oiseaux semblait indiquer le jour. Caroline ouvrit les yeux sur son plafond blanc. Elle jeta un œil au sol, Gabriel était toujours allongé, ses mains durement enroulées dans de large bande de tissu blanc. La couverture rose recouvrait la moitié de son visage.

Elle resta quelques minutes de plus allongé, observant autour d'elle la lumière se faufiler dans la pièce par de petites ouvertures.

Elle se décida enfin à sauter hors du lit et descendre les escaliers, elle croisa sa mère, pas un mot en rapport avec Gabe, elle avait peur que ses parents se doutent de quelque chose. Bien qu'elle se tuait à leur cacher la vérité, les pansements et les bandages de Gabe révéleraient de sombre démons.

Elle remonta en emportant une bouteille de lait frais. Gabe était réveillé, il s'était adossé au lit, le regard vide, ses mains tendues devant lui avec les paumes vers le ciel. Sa lèvre inferieur gigotait légèrement, des murmures imperceptibles s'échappaient surement dans le sillon minuscule qui se formait entre ses deux grosses incisives.

Caroline entra dans la pièce en le trouvant dans cette position pour le moins étrange. Une posture presque écroulée accompagnait un tic à la paupière.

Il était aussi pâle que l'édredon qui bordait le lit, les yeux vitreux et rougis par la fatigue. Caroline posa une main froide sur sa joue, il frissonna sans détourner le regard du mur qui semblait reculer progressivement. Elle servit un verre de lait et le posa à côté de lui en ajoutant :

Caroline – Il faut que tu te décides à parler Gabriel...

Gabriel - ..., il ne dit rien, pas un regard, pas un geste. Un étrange sentiment semblait enliser son cerveau et figer sa face. Caroline perdait patience, Gabriel se refusait à parler alors qu'Oliver n'avait toujours pas donné de nouvelles ; le croyait-il mort ?

Son immense fatigue tiraillait ses traits et asséchait ses lèvres jusqu'à la gerçure. Elle attrapa son ami par les épaules et le secoua vigoureusement jusqu'à ce que ce dernier fonde en larmes. Il perdait ses moyens, crispé par le douleur intense de ses blessures et l'angoisse d'avoir perdu son meilleur ami.

Gabriel resserra encore d'avantage ses longs doigts osseux sur les larges bandes de tissues imprégnées d'un sang sec et noirâtre. Repliant ses genoux jusqu'à son visage pour dissimuler son visage effondrée et son teint gris. Caroline insista pour savoir ce qu'il s'était passé :

Caroline – Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce que tu as vu ?

Gabriel – Rien...

Caroline – Tu as forcément vu quelque chose.

Gabriel – Je n'y suis pas entré.

Caroline – Quoi ?

Gabriel – Oliver voulait descendre...Il n'a rien trouvé de mieux qu'une racine sèche en guise de corde. La racine s'est rompue sous son poids et j'ai simplement essayé de la retenir.

Caroline – Et après, il est allé là-bas ?

Gabriel – Je ne l'ai plus vu à partir de là, j'ignore même comment il a fait pour entrer.

Caroline – J'ai peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose...

Gabriel – J'ai surtout peur qu'on ne puisse rien y faire...

Caroline – Réfléchissons deux minutes

Gabriel – Le seul moyen d'en avoir le cœur net, ça serait d'y aller

Caroline – Il n'y a vraiment rien d'autre que l'on puisse faire ?

Gabriel – C'est vrai que ca ne m'enchante pas non plus mais s'ils avaient attrapés Olie ?

Caroline – Tu es sérieux ?

Gabriel – Je ne veux pas avoir sa mort sur la conscience.

Caroline – Evidement que non, mais crois-tu qu'on est la moindre chance de rentrer la dedans ?

Gabriel – Dis-moi, tu as bien regardé Olie ? dit-il en toussotant

Caroline – Ecoute Gabriel, je ne suis pas sûr de vouloir vraiment y aller...

Gabriel – Si tu ne le fais pas pour lui, essaye de le faire pour moi, rassura-t-il en posant sa main bandée sur la joue légèrement rosée de Carrie.

Gabriel engloutit le verre de lait, et s'extirpa difficilement de l'emprise de la moquette dans laquelle il s'emblait s'être enraciné. 

GABRIEL : L'OMBRE DU MIROIRWhere stories live. Discover now