Recueil de nouvelles

À la recherche d'un cœur tendre

Je vais vous raconter l'histoire d'une jeune femme magnifique, mais qui ne parlait jamais. De ce fait, tous la qualifiaient de mystérieuse. Les hommes étaient tous épris de sa beauté, mais elle n'en avait que faire. Alors, tous cherchaient à lui offrir mille offrandes et mille savoirs, en espérant qu'elle choisisse l'un d'entre eux.

La légende disait qu'elle n'ouvrirait la bouche uniquement pour celui qu'elle aurait choisi.

À chaque homme qui venait la voir, en lui offrant mille bijoux des plus chers, des plus beaux, des plus brillants, des plus scintillants, puis en lui demandant « accepteriez-vous de me prendre pour époux ? » elle se contentait de le regarder fixement quelques instants sans rien dire ni rien faire, puis de hocher la tête de façon négative.
Ces hommes s'en allaient tous tête baissée, déçus d'avoir obtenu un refus de la part de la plus belle du pays, celle que tous convoitaient.

Mais était-ce réellement par admiration de sa beauté ? Ou était-ce seulement pour la fierté d'obtenir quelque chose que tous convoitaient ?
Je vous laisse deviner la réponse.

Bien évidemment, elle en avait conscience. Et elle n'était pas muette, il s'agissait simplement qu'elle avait cessé de parler à ceux qui la voyaient comme un objet qu'on pouvait obtenir pour quelques malheureuses pièces d'or pour parvenir à leurs fins.

Il fallait dire qu'en plus d'être belle, elle était extrêmement riche.
En effet, elle était la fille du roi. Son unique enfant. Voilà pourquoi tous venaient tenter leur chance. Ils espéraient tous obtenir la main de la plus belle et plus riche femme du pays pour eux-mêmes devenir riches, admirés, et surtout devenir le futur roi.

La princesse avait accepté de son père qu'elle rencontre chaque ses soupirants. Car le monarque se faisait âgé, et attendait qu'on prenne la relève.
Son père lui faisait entièrement confiance quant au choix de son prince, néanmoins il se trouvait agacé du temps qu'elle prenait. À force, lui aussi devenait un soupirant. Car il soupirait beaucoup face à cette longue attente.

Elle restait sur le trône à côté de son père, à regarder avec ennui les hommes passer devant elle, lui offrir une quantité incommensurable d'argent ou de bijoux, afin de lui montrer qu'ils n'en manquaient pas. Mais elle n'en manquait pas non plus ! Elle se fichait donc de savoir si elle allait épouser un riche. Elle cherchait juste à épouser un homme au cœur tendre. Pas un homme imbus de lui-même qui lui montrait ô combien il était riche, ô combien il était cultivé, ô combien il pourrait donc lui être utile et lui apporter.

Un jour, son père lui demanda, lassé d'attendre :
« Qui cherches-tu ? Je t'ai amené les plus riches, les plus cultivés qui étaient prêts à tout t'offrir. Que te faut-il de plus ?»
Elle le regarda et pris un certain temps avant de lui répondre. Il fallait dire qu'elle était à l'aise dans son silence. À force de se taire devant l'ego de ces hommes - le silence étant la meilleure réponse face aux égos trop imposants - elle avait fini par prendre goût à ses pensées. Ses pensées étaient devenues son monde à elle, elle répondait à la majorité des personnes par la pensée sans jamais dire un mot, au mieux elle faisait un geste de la tête pour faire comprendre son opinion.

Mais son père faisait partie des exceptions. Alors elle ouvrit la bouche pour lui répondre après un temps de réflexion : « Mais ça père, j'en ai déjà. Tu m'as donné durant toute mon enfance les meilleurs enseignants. Ils ne m'ont rien appris que je ne sache point. De plus, tu es l'homme le plus riche du pays, et par conséquent je suis la femme la plus riche de ce pays étant donné que mère n'est plus. Je n'ai pas besoin de ça. » À cela il lui répondit, horrifié : « Tu es entrain de me dire que tu serais d'accord pour épouser un roturier ? »

Encore une fois, elle prit le temps de froncer les sourcils et de réfléchir quelque peu avant de lui répondre : « En effet. Je ne cherche pas un homme cultivé, riche, ou intelligent particulièrement. Quoique je ne serai pas contre bien sûr. Mais ce n'est pas ma priorité. Ce que je cherche en priorité, c'est un homme au cœur tendre. Et s'il n'y en a pas parmi les riches, alors oui, je n'ai aucun problème à l'idée de rencontrer des roturiers. Peut-être qu'eux n'ont pas encore oublié les valeurs essentielles que sont la bonté, l'amour, l'humilité et j'en omets sûrement d'autres. »
Le roi, qui habituellement avait toujours son mot à dire, à l'inverse de sa fille, perdit de sa répartie. Il comprenait sa fille. Alors à son tour, pour une fois, il pris le temps de réfléchir et de penser. En le voyant faire, la princesse sourit. Elle savait combien les pensées pouvaient être réconfortantes. Et surtout, les pensées permettaient d'éviter de prononcer des paroles que l'on pût regretter. C'était pour cette raison que la magnifique jeune femme prenait toujours son temps avant de parler.