Sam : ce n'est pas elle que je voulais loin de moi

23 5 0
                                    

_ Du repos, c'est tout ce que je peux vous dire.
_ Mmm...
_ Comme beaucoup de mes patients je sais que ça ne vous enchante pas mais c'est comme ça. Allez, à plus tard.

Je continue à grogner pendant un moment, la fatigue et la douleur commencent à sérieusement me peser. Il faut que je me lève, que je sorte prendre l'air pour enfin respirer et sortir de cette interminable apnée.

Seulement après quelques escaliers, je me fige, hésitant à faire demi-tour. Pourtant c'est plus fort que moi, comme si j'aimais m'infliger ce genre de réalité là, je regarde ce qui se se déroule à quelques mètres de moi.

_ Hey Prune, je suis content de te voir.  La crème que je t'ai conseillé fait effet ?

Il s'approche d'elle, desserre son foulard, déclenche son sourire et tout se contracte en moi.
La rampe sous mes doigts crispés est gelée, comme ce que j'essaye de réfréner.

Elle le laisse jeter un coup d'œil et je me dis que je n'aurai jamais le droit de savoir, de savoir pourquoi elle cache cette partie là. Je devrais m'en douter, je devrais recoller les pièces du puzzle.

_ Tu sais que mon invitation à dîner tiens toujours. Je sais que ces derniers temps ont pas été évident mais justement....je me disais que pour te changer les idées on pourrait peut-être...

J'arrête de respirer, alors que je n'ai rien ni personne à supplier de refuser quelque chose qui ne me concerne même pas.

Elle sourit encore une fois :
_ T'as raison, peut-être que je devrais essayer de reprendre une vie plus... Mouvementée. Enfin dans le bon sens du terme cette fois.

Il sourit lui aussi, une main posée sur son bras :
_ Tu as mon numéro, appelle-moi quand tu voudras qu'on se fasse ça. Tiens, j'ai trouvé ça aussi, tu m'as dit que tu voulais essayer autre chose. Fait le infuser et ça devrait calmer les douleurs le soir qui voudraient venir t'embêter.

Sa main cherche celle qu'il lui tend et ses doigts y restent un peu trop longtemps.
Un bruit étouffé, celui de mon atelle qui vient de glisser sur l'escalier. Je me retiens de justesse mais elle a déjà tourné la tête.

Avancer, me remplir un verre d'eau, et les supplier mentalement de parler comme pour me convaincre que ce silence que je viens de créer n'est pas signe que j'interrompe quelque chose entre eux qui puisse exister.

Laisser l'eau glacée colorer mes doigts pendant qu'il s'en va en nous souhaitant une bonne soirée, avec un dernier regard appuyé de lui sur elle sans qu'elle puisse le voir.

Ne plus rien sentir dans ma main, plus rien pour circuler, comme si tout s'arrêtait y compris ce bruit, bien trop fort qui se met à cogner dans ma cage thoracique, que je voudrais ignorer.

Sa main tourne le robinet et elle murmure  :
_ Tu crois pas que la jambe ça suffit...

On ne s'est pas reparlé depuis cette fois où je lui ai adressé ces mots que j'ai immédiatement regretté.

Ses doigts cette fois sont posés sur les miens, bien trop chaud sur ma peau glacée.

_ Arrête de te faire du mal Sam, ça ne changera pas ce qui s'est passé.

Encore faudrait-il que je me souvienne justement.

_ Pour l'autre jour... Je n'aurai jamais dû te parler comme ça... Je...
_ Tiens, fait chauffer de l'eau et mets-y ça  à infuser s'il te plaît.

Bien trop coupable de mon attitude avec elle, je ne peux rien lui refuser. Alors je lui sors une tasse et alors que je la pose sur le plan de travail, elle parle toujours doucement :

_ Mets-en une deuxième, je pense que ça pourra t'être utile à toi aussi d'en prendre un peu.

_ J'ai pas besoin de truc bizard pour...
_ Ce sont simplement des plantes Sam !

Le ton a changé, et nos boucliers de nouveau prêts à empêcher ce qui pourrait nous atteindre de nous blesser.

_ Elles ont un simple effet anti-inflammatoire ! Bon sang t'es têtu quand tu t'y met ! Quel caractère de cochon !
_ Eh ben pour une phrase j'en espérais pas autant...

Sauf que je m'aperçois immédiatement qu'il ne s'agit pas juste de cette phrase. Ces autres mots étaient bien pire, j'ai pris la solution de facilité et visé là où j'étais persuadé qu'elle ne pourrait pas l'éviter.

_ Je suis fatigué ça te va ?
_ Parce que moi non peut-être ? Laisse tomber, fait comme tu veux...

Je m'écarte, regardant le vent encore soufflé et le soleil se coucher.
Quand l'eau boue, elle s'empare de la casserole, et verse l'eau dans les deux tasses qu'elle amène sur la table basse.

_ Bon, prend le miel et viens ici. À moins qu'encore une fois, tu ai besoin que je sois loin de toi.

Celle-là je ne l'ai pas volé, mais ce qu'elle ne sait pas, c'est que ce n'est pas elle que je voulais loin de moi mais ce qui résonnait bien trop dans cette maison ce jour là.

La Fille du train Where stories live. Discover now