Chapitre 34

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Lorsque je rentre à la maison, j'ai une boule au ventre. Le fait de me dire que je ne verrais plus Aoi me rend nostalgique et triste. Alors que je passe le portail je vois maman, elle a détaché ses longs cheveux, elle porte sa robe de chambre chic, ses petits mocassins argentés. Elle fredonne une chanson. Ce qui est bizarre puisqu'elle ne fredonne jamais. Elle ramasse des œufs.

Elle lève la tête, me voit et me sourit gentiment comme-ci elle ne m'avait pas vu depuis des années. Dans un sens, si on oublie la nuit dernière, c'est un peu le cas.

- Hope, ton père a appelé pour me dire que la petite a passé une bonne nuit. Les médecins ont pu lui retirer le respirateur. Super nouvelle, pas vrai?

- Elle n'est plus en couveuse?

- Ils vont la garder en observation pour quelques jours encore, mais elle est hors de danger! Pauvre Alice, et pauvre Alex... On ira leur rendre visite après le petit-déjeuner et une fois la couverture finie. D'accord? Tu vas réveiller Eva, je vous fais le petit-déjeuner.

Je me précipite dans la chambre d'Eva, toute heureuse. Je la secoue, elle se frotte les yeux en grognant légèrement. Une fois réveillée, elle me regarde avec ses petits yeux endormis.

- Eva, notre petite sœur est sauvée. Elle n'est plus en danger!

Elle se lève et se jette immédiatement dans mes bras, je la fais voler dans les airs. Nous rions toutes les deux. Elle porte encore sa petite chemise blanche à frou-frou de la veille, ses cheveux sont décoiffés et elle a des poches sous les yeux.

Maman met la table, elle a fait des œufs à la coque, des tomates sautées, des champignons grillés, de la salade avec des graines et des pommes de terres rôtis. Un vrai petit-déjeuner végétarien anglais!

Maman a l'air de jouer le rôle de la femme au foyer parfaite, qui s'occupe bien de ses filles et tout. Elle prend un morceau du pain au céréale qu'Alice fait, lorsqu'elle le met dans sa bouche, avec du beurre et de la confiture de prune son visage se crispe.

- Hieurck! Qu'est-ce que ça? Une brique de chantier? Par pitié les filles, apportez-moi une baguette!

Au moment où elle allait se transformer en la femme de foyer high-tech, avec formation en moins de vingt-quatre-heures, elle redevient la Londonienne snobe et riche. Au fond, je l'aime comme-ça.

Maman décide de rester encore un mois, elle a appelé son patron pour dire qu'elle a une urgence familiale. Elle pose enfin ses jours de congés qu'elle a gardés depuis des années. Elle nous aide, Eva et moi, sans se plaindre. Nous décorons la chambre juste à côté de la mienne, avec des étoiles, des arcs-en-ciels, des nuages, des poneys, des animaux, des peluches mignonnes et affreuses pour que le bébé puisse faire de beaux rêves. 

Nous terminons également toutes les trois la couvertures, avec les robes, du fil multicolore et des dessins fantastiques. J'y mets tout mon cœur et tous mes espoirs pour que ma petite sœur se sente heureuse autant que moi ici.

J'ai également refait la pancarte qu'Eva a fabriquée et qui a été mouillée par la pluie. J'ai rajouté nos prénoms et je compte bien écrire celui de ma petite sœur.

Nous apportons la couverture à Alice, avec un bouquet de fleur fraîche du jardin et quelques feuilles de menthe et de cerises. Elle est très contente et nous serre, Eva, moi et même maman dans ses bras. Elle ne cesse de nous remercier et de nous dire à quel point elle est reconnaissante envers nous. Je donne mon doigt à ma petite sœur, à travers son berceau. Elle le saisit avec ses petits doigts un peu potelés et ne le lâche plus. Eva me tient mon autre main et donne son doigt également au bébé. Et je comprends que nous nous aimons déjà toutes les trois comme des vraies sœurs.

Bleu amerWhere stories live. Discover now