XVI - Mrs Jean

255 30 9
                                    

Média : aadine (Média qui n'a pas grand chose avoir avec le chapitre mais qui est cute :)

L'affaire sur les filtres d'amour avance malgré ma totale inexpérience et mon manque de sérieux. Pas de volonté, mais de sérieux. De la volonté, j'en ai. Mais je sais d'expérience que je ne sais pas construire un plan et que si je le savais, je ne pourrai pas le suivre. Pansy -car maintenant elle s'appelle Pansy pour moi- est le contrôle et la rigidité, moi la fougue. Il parait que nous nous complétons, mais j'ai encore du mal à saisir mon rôle dans cette histoire. Pour le moment Pansy fait tout et je regarde... ou plutôt je fais autre chose, observer non plus c'est pas mon truc. Je préfère bouger et agir sans réfléchir. Ce matin je suis assise sur la table et j'essaye de me concentrer sur le texte de loi que j'ai dans les mains. Les avocat∙es ne répondent à aucune de mes demandes téléphoniques et les commis-d'office ne sont selon Pansy pas assez compétent∙es pour une affaire si importante. J'étudie la lois en quête de quelque chose qui pourrait les convaincre sans rien trouver... Mes yeux lisent mais mon esprit est ailleurs si bien que je dois sans cesse recommencer. J'ai déjà du mal à me concentrer sur un livre d'habitude, il est très difficile de lire ce texte pas le moins du monde captivant auxquels je ne comprends en plus pas la moitié des mots. Le vocabulaire est très recherché, je devine que c'est pour le rendre le plus précis possible mais je commence à penser qu'il faut une formation de juge du Magenmagot pour comprendre ce qui est dit dans ce texte. Il faudrait que j'interroge Pansy. Peut-être que c'est seulement moi qui suis stupide, après tout ? 

Nous avons annoncé faire passer la nouvelle loi dans un petit coin de Sorcière Hebdo, en espérant qu'un∙e avocat∙e en quête d'affaires non répondrait. J'ai été la première à bondir sur l'occasion et à choisir ce journal, dont l'audience est majoritairement féminine, en pensant que des femmes seraient plus sensibles et tolérantes à la question du consentement et du féminisme... mais c'était sans prendre en compte les vieilles femmes à la mentalité conservatrice qui se sont empressé de faire de l'affaire un petit scandal. Nous croulons sous les lettres colériques, d'hommes qui se plaignent qu'une atteinte à leurs droit, de femmes qui soutiennent qu'elles ont rencontrées leurs compagne∙ons par filtres d'amour et que ça ne leurs a jamais posé le moindre problème dans leurs relation... j'ose espérer qu'il y avait des personnes enthousiastes noyées dans le lot qui ont envoyé des lettres encourageantes... mais j'ai fini par arrêter de les lire. Avec tout ça, nous recevons sans cesse des hiboux, des beuglantes outrées de notre loi à peine en gestation et nous n'avons toujours pas d'avocat∙es. 

Le soir tombe et nous en sommes au même point avec seulement une migraine en plus. Je n'ose pas faire autre chose que mon métier mais je n'ai rien à faire. J'ai chargé Rajan des affaires habituels de magie amoureuse pour me consacrer uniquement aux filtres d'amour... Je le regrette. Pansy n'a pas levé la tête et griffonne sans cesse, elle doit avoir une crampe à force d'écrire autant, et le bout des doigts noirs d'encre. Pourtant elle ne semble songer à rien d'autre qu'à l'affaire, oubliant bien facilement les limites de son corps. Au bout d'un moment je crois qu'elle va capituler contre sa main engourdie mais elle replonge la pointe en fer du porte-plume dans le liquide profond comme la nuit et change simplement de main pour écrire la suite, avec la même aisance qu'elle maintient depuis le début. Elle n'as pas parlé, elle a mangé en se relisant, je suis même certaine qu'elle n'a pas vue la nuit tomber. Moi non plus, remarquez. Je ne crois pas que qui que ce soit puisse voir le ciel perdre ses couleurs. Il est blanc l'après-midi, puis quand on a le dos tourné il devient noir, sans qu'on ne s'en rende compte. Pourtant ce n'est pas comme si j'avais été occupée ses dernières heures, je crois bien ne pas avoir fait grand chose d'autre que faire dériver mes pensées sur Luna, puis sur Pansy. Je détourne le regard, horrifiée, en me rendant compte que je la regarde depuis des dizaines de minutes et que j'ai pensé à elle une bonne partie de la journée. Je connais bien ce que mon esprit est en train de faire et ça ne me plait pas du tout, il ne faut surtout pas que je laisse une tension pareil se mettre en place avec elle. 

AurorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant