05 | 𝐄𝐌𝐄𝐑𝐀𝐋𝐃 𝐆𝐑𝐄𝐄𝐍

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𝐄𝐌𝐄𝐑𝐀𝐋𝐃 𝐆𝐑𝐄𝐄𝐍
▷ Vert Émeraude.

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CHRIS MEDINA ‑ What are words

02:51 ⎯⎯⎯⎯⎯⎯〇⎯⎯⎯ 03:13

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Je fais tout pour garder mon calme, je le jure.

Depuis que je suis assis sur cette chaise en bois dont l'assise est rembourrée de chiffon, je lutte contre mon être pour ne pas craquer et m'énerver sur tout ce que je trouve. Dans l'enceinte de ce bureau banal et pourtant tout ce qu'il y a de plus luxueux, mon corps bout. Le rire incessant de mon père me faisant face me tiraille l'esprit, me tape sur les nerfs. Je garde la tête baissée contre la table en bois massif vernie de marron foncé. Il me sort par les oreilles.

Mais ce qui me met par-dessus-tout hors de moi, c'est d'être là, en face de lui, dans ce bureau.

Oui, j'ai perdu.

— Tu veux bien arrêter ? rouspété-je.

— Non.

Je pousse un grognement et cela a le don d'accentuer son fou-rire. L'exaspération s'empare de moi, et ma chemise blanche boutonnée jusqu'au bout ne m'aide pas.

Je n'arrive toujours pas à croire qu'il ait pu gagner. Je suis sûr que c'était juste sous le coup de la chance, mais n'empêche que j'en reste frustré. En réalité, le sommeil commençait à me gagner, sinon il n'aurait eu aucune chance. Néanmoins, les dés sont jetés, et je tiens toujours ma parole alors jusqu'à la fin de la journée, je serai son assistant. La honte.

Je suis habillé comme un quinquagénaire, fourré de haut en bas et les cheveux plaqués en arrière comme si j'avais réellement un travail. Le pire, c'est que tout ça faisait partie des clauses du marché avec mon père. Je ne le savais même pas, ce n'est que ce matin qu'il m'en a informé. J'ai donc été dans l'obligation de troquer mon jean délavé et mon tee-shirt bleu contre ces vieux vêtements moches.

Quand je pense que j'aurais eu cent cinquante balles en poche, là. Il n'y a pas plus frustré que moi en ce moment.

— Allez arrête de faire la tête, avance enfin mon père après d'interminables minutes passées à rire.

— Je ne fais pas la tête.

— OK, je te crois. En attendant, on a du travail.

Je soupire.

— Je suis vraiment obligé de faire ça ? essayé-je de plaider.

— Tu as juré.

Il exagère, je ne suis pas allé jusque là. Mais je comprends où il veut en venir alors je laisse tomber ma tête en avant et pousse un très long soupir. Un digne de ceux que ma mère pousserait dans les moments les plus fâcheux.

Travailler avec mon père, c'est comme le faire tout seul. Il se décharge immédiatement de toutes les tâches et il me revient, à moi qui ne suis même pas censé travailler, de les exécuter. Je sais pertinemment comment va se dérouler cette journée : je serai en train de courir dans tous les sens, les bras bourrés de papiers, pendant que mon père restera assis dans son fauteuil, les pieds croisés sur la table et riant aux éclats en regardant des vidéos de chat sur son téléphone portable. Ce n'est pas difficile de le prévoir.

Je quitte nonchalamment mon siège, m'étire brièvement les bras et le fixe, en attente d'une quelconque consigne. Ses pupilles aux reflets écarlates me scrutent avant qu'il ne décolle ses lèvres pour en laisser s'échapper ces mots.

ACTES MANQUÉSWhere stories live. Discover now