Retrouvailles au clair de lune

88 5 3
                                    


Il ouvrait les yeux depuis combien de temps, au fait? Il ne le savait pas. Après tout la notion du temps n'était plus importante pour lui. Était-il seulement en vie ou était-ce son âme qui voguait dans les airs des Enfers, là où était sa place désormais?

Pourtant, il ne se sentait pas mort. Car justement, il n'y avait que dans les écrits que l'on décrivait ce froid soi disant glacial du monde des morts. À moins de s'y être rendu pour mener la guerre Sainte face à Hadès en tant qu'humain, mais c'était du passé. Deux fois qu'il l'avait faite, la première il en fut un des survivants, la seconde, il n'eut pas le temps de la diriger et y apparut dans un trop mauvais rôle au mauvais moment.

Là, il frissonnait non pas d'effroi mais de pure fraicheur. Comme s'il avait besoin de rabattre cette étoffe blanche sur sa peau dénudée. Son linceul? Mais il n'avait pas cette impression d'être mort, il arrivait à décrire la douceur du tissu sur et sous lui, il voyait le plafond en marbre sombre au dessus de lui, sa bouche était pâteuse comme une envie de boire de l'eau ou même mordre dans un morceau de pain. Et il entendait des voix au loin, celle d'un enfant surtout, ainsi que des sons de chocs réguliers sur du métal. Et cette odeur, comme un mélange de poussière et de fer qui lui était familière. Ses cinq sens fonctionnaient à priori sans problème. Il avait envie de se lever, mais en avait-il la force?

La seule manière de le savoir était de tenter. Cette phrase, il l'avait dite tant de fois aux jeunes apprentis qui arrivaient au Sanctuaire et qui doutaient de leurs capacités. C'était le bon temps ça... Quand on écoutait ses paroles comme si elles étaient la vérité, quand on le respectait et que beaucoup l'adoraient. Lui, affectueusement surnommé 'Pépé Shion' par les petits, et même les plus grands. Même Saga. Qu'était-il devenu?

Il soupira, fixant toujours le plafond.

Et lui même, l'ancien chevalier d'Ordu Bélier, le Grand Pope. Qu'allait-il devenir là? On lui avait rendu la vie, apparemment. Cela devenait de plus en plus sur: ses muscles et le reste de son corps redécouvraient des sensations qu'il avait oubliées depuis longtemps et ce nœud qui se formait dans l'estomac mêlé d'un creux. Un son peu glorieux confirma ses doutes: il avait faim. Du pain. Il voulait manger du pain. Sentir sous ses dents la croute craquer et savourer la douceur de la mie. Son plaisir coupable de longues années durant, et même à la fin de son règne de patriarche quand il se rendait chez le boulanger du Sanctuaire pour chercher sa miche toute cuite et chaude sous ce torchon qu'il serrait contre lui tel un trésor, le temps de gravir les escaliers. Quelle heure il était? Il n'en avait aucune idée mais s'il faisait nuit, le lendemain il irait chercher son pain et le mangerait tout seul.

En un effort, il se leva, faisant glisser le drap sur son corps à demi nu et couvert de bandages. Des douleurs qui se réveillaient. Jamais agréable, même l'ayant vécu250 ans plus tôt.

Il se dirigea vers le son métallique dans l'autre pièce et détaillant les murs, malgré les fissures apparentes, il reconnaissait cette Maison du Bélier qu'il avait défendue lui aussi. Un sourire nostalgique se dessina sur ses lèvres alors.

En passant la porte, il découvrit son disciple affairé à la réparation d'armures, ses longs cheveux lavande tombant sur ses épaules nues. On voyait les efforts et la concentration sur son visage et son désir de bien faire. Mu était devenu un bel homme et le meilleur guerrier du Bélier de cette génération. À ses côtés un petit garçon roux qui l'observait attentivement: son disciple à lui.

Tous les deux avaient du sentir la nouvelle présence et levèrent la tête, leurs yeux s'agrandissant d'un coup.

« Maitre Shion!! s'écria Mu en lâchant ses outils qui tombèrent lourdement au sol.

Tous les Saints, les OSWhere stories live. Discover now