Prologue

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— Maman, chouinait l’enfant. Maman ?

Autour de la petite fille, tout n’était que chaos. Une quinte de toux s’échappa de sa gorge où un arrière-goût désagréable persistait. Serrant contre elle son ours en peluche noirci par son refus de le laver, elle descendit la première marche. Ses yeux étaient plissés, cherchant à distinguer l’ombre de sa mère malgré l’épaisse fumée grisâtre.

Son père était parti depuis quelques années, ses copains de classe avaient l’habitude de se moquer d’elle à cause de ça. Elle n’avait plus de papa, elle ne se souvenait même plus de son visage. Aujourd’hui pourtant, elle aurait adoré le voir grimper les escaliers pour la sortir d’ici.

Ses petits pieds frôlèrent la seconde marche tandis qu’elle cajolait son ours comme elle aurait aimé qu’on la cajole, elle. Une nouvelle fois, la petite fille toussa dans la manche de son pyjama, le nez enfoncé dans son coude, elle ne fit pratiquement aucun bruit.

— Maman ?

Elle accéléra le pas, malgré ses sept ans et demi, précision qu’elle ne cessait de donner, elle était consciente que l’atmosphère de la maison n’était pas normale. Arrivée en bas des escaliers, elle se dirigea naturellement vers le salon. Sa mère avait pris l’habitude de s’endormir sur le divan, n’ayant pas la force de monter à l’étage. Elle était malade, répétait sans cesse Guilaine, la voisine qui venait la chercher le matin pour l’emmener à l’école et la ramener le soir. Dans sa tête, avait-elle affirmé une fois. La petite fille, elle, savait seulement que sa mère était toujours très triste.

Ses yeux s'écarquillèrent lorsque son regard inquiet s’illumina d’orange. Les flammes léchaient les rideaux, caressaient le tapis, coloraient le divan. Elle recula doucement, ne voyant sa mère nulle part. Son dos rencontra une surface dure. Surprise, la petite fille se retourna d’un bond, serrant l’ours dans ses bras frêles.

Un cri lui échappa lorsqu’elle leva ses prunelles claires embuées de larmes vers l’inconnu lui faisant face. L’homme aux traits relativement jeunes, du moins ceux étant visibles, sembla aussi surpris qu’elle en la découvrant. La petite toussa une nouvelle fois, ne prenant pas la peine de mettre sa main devant sa bouche, paralysée par le géant en face d’elle. Les yeux plissés, elle essayait de découvrir son identité, mais son visage camouflé par une longue capuche l’empêchait de distinguer le sommet de son crâne ainsi que son regard. Les flammes derrière elle se reflétaient sur la bouche et le nez visible de l’homme. Elles dansaient, créant un jeu de lumière sur sa fine barbe brune.

— T’es qui, toi ? avait demandé l’homme d’une voix grave.

Paniquée, la petite fille n’avait pas été en mesure de bouger, pas même pour entrouvrir les lèvres. Son regard passait de l’homme à la porte juste derrière lui. Elle avait envie de partir, chercher Guilaine pour qu’elle l’aide à retrouver sa maman. L’idée lui traversa l’esprit, elle se demandait si elle pourrait passer sous les jambes de l’inconnu, bien assez grand pour qu’elle puisse se frayer un chemin. Néanmoins, ses espoirs disparurent lorsqu'un second individu sortit de la cuisine, essuyant ses mains sur un bout de tissu fin.

— C’est bon, elle est cannée, avait affirmé le nouveau venu, on peut se tirer.

La petite ne comprenait pas ce qu’il disait. La chaleur dans son dos se fit plus présente alors que le premier homme, face à elle, détourna le regard du corps tétanisé de l’enfant. Il s’adressa à son complice d’un ton calme mais surpris :

— Il y a une enfant.

La petite retrouva l’usage de ses jambes et recula d’un pas. Elle s’arrêta toutefois en se rappelant du feu derrière elle. Elle toussa de nouveau, encore une fois, elle ne couvrit pas sa bouche, préférant mille fois serrer l’ours contre elle.

— Quoi ? balança celui sortant de la cuisine.

Il s’avança dans leur direction et à son tour détailla le corps de la petite fille.

— Je veux ma maman, déclara-t-elle finalement en essuyant un sanglot.

Elle toussa encore alors que les deux hommes échangèrent un long regard silencieux entrecoupé par leur crise de toux respective. Comme s’ils avaient parlé à travers un lien spécifique nullement connu du reste du monde, ils hochèrent la tête en même temps.

Le premier homme se saisit violemment du bras de la petite fille et la traîna vers la porte d’entrée. Elle se débattit comme elle pouvait, donnant des coups de poing dans le vide et hurlant de toutes ses forces malgré la douleur dans sa gorge. En passant devant la cuisine, la petite eut le malheur de regarder dans cette direction.

Allongée sur le sol, recouvert de rouge, le corps de sa mère était dans une position étrange. Le plus choquant pour la petite fut de voir la tête de sa mère posée sur sa poitrine.

— Maman, avait-elle crié en se débattant avec plus de hargne. Maman, maman !

L’homme n'eut aucun mal à traîner la fillette en dehors de la maison. Toutefois, il était inquiet. La demeure en feu se trouvait dans un quartier résidentiel, autour d’eux, plusieurs maisons inanimées, pourtant bel et bien habitées. Les cris de la petite seraient en mesure d’alerter le voisinage bien avant que l’odeur du feu ne le fasse.

Ce fut donc avec un naturel déconcertant qu’il abattit la crosse de son arme sur la tempe de la petite, espérant qu’elle n’en mourrait pas. Il ne voulait pas être la cause de la mort d’une enfant. Il rattrapa le corps avant qu’il ne touche le sol et la souleva avec délicatesse pour l’installer sur la banquette arrière de leur véhicule.

Son complice et lui n’attendirent guère plus longtemps et à leur tour, s’engouffrèrent dans la voiture. Ils démarrèrent et il s'écoula plusieurs minutes avant qu’enfin, l’un d’eux décide de rompre le silence tendu instauré par la présence de l'intruse dans la voiture.

— Qu’allons-nous faire d’elle ?

— Elle a vu nos visages, affirma celui qui l’avait porté.

Le second hocha gravement la tête. Aucun d’eux ne savait à quoi s’en tenir. Serait-elle capable de les décrire à un flic ? Au point d’en faire un portrait-robot ? Le premier portait une capuche, ce qui devait l’aider, mais ce n’était pas le cas du second.

— On la garde avec nous le temps de décider, avait tranché celui qui l’avait assommé.

L’autre acquiesça. Il acquiesçait toujours.
Cette fois, il aurait voulu que son ami se révolte et lui ordonne de la tuer. Garder cette enfant en captivité était une grossière erreur, ils en étaient tous les deux conscients. Pourtant, ils prirent le chemin de leur maison.

The children of Fareden Tome 1 Broken Fate [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Where stories live. Discover now