13 | Dernier souffle

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Les sifflets résonnent, les gens se pressent, la vapeur et l'odeur de brulé envahit la gare. C'est étourdissant, enivrant...

Certains sortent en courant des wagons à quai, d'autres prennent leur temps, une valise à bout de bras. Je remarque alors un petit groupe d'infirmiers qui accourent vers la cabine la plus à l'avant du train. Quelques personnes en sortent, les mains rougies et cloquées. L'équipe médicale n'hésite pas un instant à sortir un pot de verre rempli de ce qui semble être un onguent guérissant pour leur en tartiner les mains. Une autre équipe de quatre personnes, portant les mêmes tenues que ceux qui ont eues besoin d'aide médicale, prennent place dans la cabine à l'opposé de celle dont viennent de sortir les blessés.

Que leur est-il arrivé ?

Je n'avais vu des mains aussi abimées. Ni des personnes aussi enjouées prendre place en sachant pertinemment leur sort futur.

« Bienvenu dans la plus grande gare du royaume. Dans la journée, en direction du refuge, seulement un train part et un seul revient. La plupart sont des familles qui vont rendre visitent aux soldats, le reste sont des soldats en permission ou des habitats de la baie qui viennent faire du commerce dans la capitale. »

Voyant la plupart de nos regards dirigés, sans discrétion, sur les Hommes blessés, Azabel continue ses explications.

« Ils vont bien, c'est un procédé normal ici. Le train marchant à la vapeur d'eau, il faut la chauffer. Le métier de conducteur se transmet de père en fils. C'est un honneur pour eux.

-Et le bois, interroge Draidh.

- Impensable, le peuple d'ici voue un véritable culte à la forêt.

-Et les potions de feu ?

-Les ingrédients sont trop rares pour en fabriquer assez. Soutenir les rythme de passage déjà minime des trains serait impossible et le diminuer serait inimaginable... »

Notre groupe avance, et c'est naturellement que Arhyel se dirige vers le guichet, Yundee sur ses talons. Il demande 8 places et paye avec quelques pièces d'or. Nos maigres bagages se fondent dans la masse des voyageurs, peu chargés eux aussi. Et nous ne tardons pas à nous retrouver assis, deux par banquette de velours rouges, quatre par table de table, sur deux rangées. De nombreux enfants crient, rigolent, chahutent, jouent, babillent, courts dans l'allée principale. Mais aucun adulte ne parle, comme une compromis silencieux entre chacun, pour respecter le bruit des plus jeunes. La seule parole construite et calme résonne par les haut-parleurs annonçant le départ imminent. Le paysage ne tarde pas à se mettre en marche au bruit du sifflet et du lâcher de vapeur.

Nous quittons ainsi Eren pour un nouvel endroit. La capitale où nous avons passé 48 heures s'éloigne à grande vitesse de nous, tout comme Fahim, Haakon et ma jument.

Les enfants, restés calmes pendant le départ, se remettent à s'activer pour dépenser un maximum de leur énergie.

***

De grands arbres m'entourent, aucun bruit ne résonne, la lune n'éclaire pas, le vent ne souffle pas, les grillons ne chantent pas... La nuit est affreusement sombre et silencieuse. Les animaux semblent avoir fui, comme lors de l'approche d'une catastrophe inévitable.

Je me sens mal à l'aise, indésirable dans cet endroit sombre et dénué de bruit, de vie. Une peur inexplicable s'empare de moi. Mon souffle s'accélère, mes yeux regardent frénétiquement autour de moi et je ne peux m'empêcher de tourner sur moi-même à la recherche du moindre détail sortant de l'ordinaire, du moindre mouvement anormal.

Je suis dans un état d'alerte, effrayée. Et figée... Il m'est impossible de faire le moindre geste, seule ma poitrine se soulève à un rythme effréné, m'étouffant presque avec mon propre souffle.

La Cité des Ombres - 1| EclipseWhere stories live. Discover now