vingt-deux

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Au bout du douzième jour, les flics arrivèrent enfin. Une opération coup de poing, on entendait hurler dans tous les bâtiments aux alentours. Je ne savais pas quelle heure il était lorsque la porte de l'appartement s'ouvrît à la volée sous les cris de ces hommes costumés. Je m'étais immédiatement relevé du canapé, là où je passais mes nuits. Je comprenais rien à ce qu'ils me disaient, s'infiltrant dans tout l'appartement comme si les lieux leur appartenaient.

« Qui êtes vous ? Un homme me gueulait dessus

Perdue sur ce que je devais dire ou ne pas dire, je cherchais du regard mon frère mais j'étais seule dans ce salon.

Veuillez décliner votre identité. Je veux voir vos papiers.

J'avais préféré garder le silence, simulant une incompréhension. Puis, mon frère déboula, les mains dans le dos maintenu par deux flics.

Finissez de fouiller l'appart, on l'embarque. C'est qui elle ?
Elle n'a rien à faire là-dedans, protesta mon frère

L'un des flics plaqua mon frère contre le mur pour l'inciter à parler, le menaçant de m'embarquer aussi, et il finit par dire que j'étais sa sœur. C'est là que je pris conscience que mon frère allait partir avec les flics. Je me mis à paniquer, les larmes au bord des yeux. Tenerife se mit à gueuler comme un fou furieux et suite à ces cris, le calme apparu brutalement.

Moi, je me terrai dans le silence, traumatisée par mon frère embarqué par les flics. Je n'avais jamais été confrontée à cette vision, et pourtant j'avais vu les flics descendre un milliard de fois à Bellevue, dans mon ancien quartier, mais voir un membre de ma famille menotté ? Jamais.

Je m'étais agrippée au rebord de la fenêtre de la cuisine pour regarder l'extérieur. Plusieurs voitures de flics étaient stationnées sur le parking et mon frère n'était pas le seul gars menotté qui rentrait dans un de ces véhicules.

Je ne me reconnaissais pas dans ma manière d'agir, j'étais comme une enfant à qui on avait retiré son parent. Je n'avais pas entendu les flics partir, trop concentré sur ce parking où j'avais aperçu mon frère avant qu'ils l'embarquent.

La notion d'impuissance qui en découlait me rendait malade, et malheureusement ce n'était pas la première fois que je ressentais cela. J'avais une grande peur de l'abandon mais il fallait croire que la vie aimait se jouer de moi. La première fois que j'ai dû faire face à ce sentiment fut quand ma mère a décidé de partir vers de nouveaux horizons sans nous concerter et sans se dire qu'on allait avoir besoin d'elle. La seconde fois : lorsque mon grand-frère a dû quitter Nantes précipitamment. Putain, ça faisait flipper de voir les gens qu'on aime se barrer sans pouvoir rien dire ou faire. Une nouvelle fois, je subissais ça et c'était en train de me faire disjoncter.

Je ne me rappelais plus du moment où j'étais allée m'enfermer dans la chambre de mon frère mais je sortis de ma transe lorsque j'entendis du bruit dans le salon et des personnes qui m'appelaient. Instinctivement peu rassurée, je me planquais sous la couverture en entendant les pas se rapprocher de moi. N'importe qui pouvait entrer dans l'appartement puisque la serrure avait été défoncée par la police, cela voulait dire que même si c'était des gens qui connaissaient mon prénom, ils pouvaient être mal intentionnés.

Je retins ma respiration lorsque je sentis leur présence sur le pas de la porte.

« Désolé gros, mais elle n'est pas là.

J'avais l'impression de connaître cette voix qui semblait parler au téléphone puisque je n'entendais pas la deuxième personne à qui il s'adressait.

Vas-y calme-toi Polak, je vais aller voir à ton studio.

Je me relevai d'un coup en virant la couverture de mon visage. Je découvris Younès, un ami de Mathieu que j'avais déjà eu l'occasion de croiser.

KAIROS | PLKWhere stories live. Discover now