Chapitre 10 - La fiancée du Duc

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Je me précipite près de lui.
« - Je n'aurais pas dû vous laisser seul, j'ai été bête.
Avec entrain, je me dépêche d'aller ouvrir les volets afin de mieux y voir. Puis je reviens aussitôt près du jeune homme.
- Surgere »
Grâce à ce mot magique, le blessé est soulevé dans les airs. Mes mains incertaines le poussent jusqu'à son lit. Les yeux à demi-ouverts, Atlas tente de murmurer quelque chose d'inaudible. Sans trop y prêter attention, je monte sur le lit et lui retire sa chemise. À cet instant, je ne réfléchis même pas à ce que je suis en train de faire. Tout ce que je vois, c'est un homme en train de mourir. Les bandages sur son torse sont imbibés de sang. La tâche sur son épaule n'était rien comparée au désastre que je trouve en dessous. Et pourtant, il voudrait soutenir cette douleur tout seul ? Quelques mots me reviennent à l'esprit. Ceux que j'avais inventé pour guérir par le souhait divin. Mais est-ce que cela marchera si c'est moi la divinité ? De toute manière, il fallait essayer. J'étais en train de poser mes mains sur son torse avant de réciter l'incantation. Quand la porte s'ouvrît dans un grand fracas. Une jolie blonde aux grandes boucles se tenait là, les jambes écartées dans une position de victoire.
    « - Je suis là mon chère Atlas ! Je vais te sauver !
Son sourire radieux se dessèche lorsqu'elle se rend compte de ma présence sur le lit de son « chère Atlas ».
    « - Servante, sors d'ici immédiatement ! hurle-t-elle en me pointant du doigt.
Je n'ai aucune idée de qui elle est et je me fiche bien de comment elle me traite, mais le moment est vraiment mal choisi pour faire des caprices. Ses petits yeux agacés me fixent tandis que je descends du lit et m'incline respectueusement.
- Avec tout le respect que je suppose vous devoir, Mademoiselle... ?
- Éléonora.
- Le moment n'est pas opportun pour des retrouvailles avec le Duc. Celui-ci est en mauvaise posture.
Ses yeux se mettent à luire.
- Est-il en train de mourir ?
Elle ne me laisse pas le temps de réagir qu'elle galope déjà jusqu'à l'autre côté du lit.
- Atlas, c'est moi.
En entendant sa voix, les yeux du jeune homme papillonnent avec difficulté. Dans le flou qu'est sa vision, il finit par distinguer son joli visage.
- Eleonora, tu m'as tellement manqué.
L'ambiance qui s'installe me chuchote que je ne devrais pas être là. En silence, je recule petit à petit pour me mettre dans le fond de la pièce. La jeune fille sort d'une jolie pochette, une fiole transparente décorée d'un lilas d'or. À l'intérieur, un liquide violet tangue contre les parois de verre.
- C'est une potion de guérison. Elle te sauvera la vie, laisse moi te la donner.
Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, la tête du jeune homme est levée par la petite main de la jolie blonde. De son pouce, elle décapuchonne le récipient et lui verse le contenu entre les lèvres.
- Avale. Lui ordonne-t-elle avec un sourire à faire froid dans le dos.
Le duc déglutit pour faire passer le produit. Quelques secondes passent avant que celui-ci ne fasse effet. À cet instant, les blessures du jeune noble se mettent à luire d'une douce lumière divine. La demoiselle, à côté de lui, est excitée comme une puce. Ne pouvant contenir sa joie, elle se jette sur lui dans une étreinte passionnée. Retrouvant sa force vitale, le jeune homme la lui rend avec un baisé. Je crois que c'est le moment pour moi de quitter cette pièce. J'aurais même dû saisir ma chance plus tôt.
    - Ça y est, Atlas, je t'ai sauvé la vie ! Tu m'appartiens ! Dis les mots maintenant, dis les mots !
Ses paroles me glacent le sang. Choquée, mon corps se stop net dans son mouvement. Elle n'est même pas heureuse qu'Atlas soit guérit ni même qu'il ne souffre plus. Tout ce qui importe à cette femme c'est que le duc lui appartienne. Je reste là, sur le pas de la porte, à les observer avec dédain. Dans quel type de relation toxique ce jeune homme s'est-il fourré ? Celui-ci est tout aussi décontenancé par les paroles de sa bien-aimée. Il reste là à contempler ses grands yeux verts sans savoir quoi dire.
- Je... Je suis désolé. Je ne peux pas.
Elle le mire sans comprendre.
- Pourquoi ? Tu n'as pourtant pas perdu l'usage de la parole. S'agace-t-elle.
Les yeux d'améthyste d'Atlas se posent sur moi. Je suis d'abord contente de voir qu'ils ont repris de l'éclat puis me souviens de la folle qu'il a sur son lit et que je vais me mettre à dos si il lui dit ce qui s'est passé. Je détourne aussitôt les yeux en lui faisant un signe, me passant la main sous la gorge d'un côté à l'autre. « Ne dis rien sur moi. ». Quand ses yeux reviennent sur sa compagne, celle-ci le gratifie d'un regard de tueuse. De colère, elle se met à le frapper de ses poings sur ses pectoraux endoloris. Loin de dire quoi que ce soit, Atlas la laisse faire en fermant les yeux et serrant les dents.
- Prononce ton serment ! Prononce le. Prononce le. Pronon-...!
Ses coups à répétition font tomber les bandages recouvrant le torse du jeune homme. Découvrant la marque de l'esclave. Le visage de la jeune femme se décompose sous nos yeux. Passant de la stupéfaction à la tristesse pour finir par la rage.
Comment as-tu pu laisser arriver une chose pareille ?!
- Eleonora, je...!
- Ça aurait dû être moi qui te sauve ! Tu devais m'appartenir !
Atlas n'a pas le temps de lui expliquer qu'il se fait frapper au visage. La jeune femme s'enfuit sur ses talons hauts, emportant toute la poussière de la chambre dans son sillage. Le calme revient enfin.
- Cette jeune femme est votre... Compagne ?
- Ma fiancée.
Je hoche la tête avec acceptation sans trop savoir que dire. Après avoir refermé les portes, je me rapproche de lui.
- On dirait que toutes vos blessures se sont refermées. Bien que cela devrait laisser quelques cicatrices pendant un certain temps.
- Oui, je me sens mieux. Cette potion s'est révélée très efficace.
Le silence revient. Plutôt pesant.
- Navré pour tout ce chamboulement causé par ma fiancée. C'est toujours ainsi lorsqu'elle est là.
- Elle m'a l'air d'être... Atypique.
Il sourit en tournant timidement la tête.
- Oui, on peut dire ça.
Mes yeux se posent sur le spectacle qui se passe derrière les fenêtres de la chambre. J'ai du mal à croire ce que m'offre cette vision.  Des centaines de soldats impériaux sont là, dehors, en formation de combat. Une infime partie est entrée dans l'enceinte de la forteresse, laissant derrière les murs tout le reste de la garnison. À trop observer leurs armures bleues rutilantes, je me brûle la rétine. À se demander si cela n'est pas fait pour éblouir leurs ennemis. Les généraux se démarquent surtout par leurs montures impressionnantes. Il semble que plus leur rang est important, plus grosse est leur bête. Le commandant chevauche ainsi une vouivre quand ses soldats ne montent que des drakes. Des dragons sans ailes à la morphologie équine.
- Dites moi, mon prince, est-ce normal que nous ayons une armée à nos portes ?
Atlas s'est lui aussi perdu dans la contemplation de cet étonnant tableau.
- Ce sont les soldats impériaux. Ils doivent venir pour sauver mon duché de l'envahisseur. Mais ils arrivent trop tard.
- Ces troupes auraient dû être là avant même que vous ne partiez.
Le duc me regarde avec agacement. Je me retourne vers lui, un sourcil levé.
- Ne dis-je pas la vérité ?
Sa mâchoire se tend alors qu'il détourne les yeux.
- La princesse Eleonora m'avait promis qu'elle les enverrait le plus vite possible.
Un pouffement ironique passe entre mes lèvres.
- Et bien, soit elle n'a aucun pouvoir, soit elle vous a menti.
Je tourne les talons et dépasse le lit dans l'idée de sortir.
- Excusez-moi, dame Lein.
Je me retourne vers Atlas. Penaud, les mains serrées sur sa couverture, il me regarde avec des yeux de chien battu.
- Concernant ma relation avec la princesse Eleonora. Est-ce que...
- Vos amours ne me concernent en rien. Vous êtes libres de faire ce que bon vous semble de votre vie.
Ses yeux choqués me font comprendre qu'il ne s'attendait pas à une telle réponse.
- Ai-je le droit de l'épouser ?
Je lève les yeux au ciel.
- Combien de fois devrais-je le répéter ? Vous ne m'appartenez pas, votre grandeur. »
Sur ces derniers mots, je quitte la pièce.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 03, 2022 ⏰

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