10- "C'est quoi cette machine délirante ?" 2/2

53 11 19
                                    


Le trajet de retour fut bien silencieux par rapport à l'explosion à laquelle s'attendait Razilda. Mais maintenant que la rivenz avait accepté l'idée de cette traversée téméraire, elle préférait réfléchir à l'organisation du voyage. Lorsqu'elles arrivèrent dans le quartier de l'auberge, Razilda prit enfin la parole.

– J'en suis désolée, mais je dois vous laisser là. J'ai encore une affaire à régler aujourd'hui. Je vous laisse annoncer la nouvelle à vos compagnons. Je passerai demain et nous pourrons commencer à planifier le départ.

Eliz en resta bouche-bée. C'était pourtant bien à elle d'amener les arguments rassurants et raisonnables auxquels elle-même avait encore du mal à adhérer !

– Attendez un peu, vous plaisantez... commença-t-elle alors que la jultèque s'éloignait déjà.

L'espionne se retourna, sentant la fureur à peine contenue dans sa voix.

– Je ne peux vraiment pas faire autrement, croyez-le bien, s'excusa-t-elle encore. Je suis sûre que vous êtes la mieux placée pour expliquer à vos compagnons tout ce que nous avons décidé aujourd'hui. A demain !

– Que Soltan embroche cette femme... grommela la rivenz entre ses dents.

Arrivée à l'auberge, elle fut accueillie par l'habituelle extravagance de Saï, très déçue de n'avoir pas pu l'accompagner. Eliz réunit tout le monde dans la plus grande des chambres et se lança aussitôt, sans préambule :

– Razilda nous a trouvé un moyen de rejoindre Riven'th, et je l'ai accepté.

Elle fit une brève pause, redoutant un peu ce en quoi les regards interrogateurs braqués sur elle allaient se changer.

– Un inventeur de ses amis met à notre disposition une de ses machines, pour traverser la mer. Une machine... volante.

Les sourcils de Yerón s'élevèrent d'incrédulité tandis que la pauvre Saï sembla soudain manquer d'air. Quant à Kaolan, c'était difficile à dire, mais Eliz aurait juré qu'il avait pâli.

– Les jultèques sont-ils vraiment capables de construire ce genre de machine ? s'étonna Yerón.

Eliz n'eut pas le temps de répondre, car Saï ayant retrouvé sa voix, une pluie de questions s'abattit.

– Une machine volante ? Pour de vrai ? Qui vole comme un oiseau ? Tu l'as vu ? A quoi elle ressemble ? Ce n'est pas dangereux ? Elle va vite ?

Eliz expliqua sa visite du mieux qu'elle put. La jeune derujin semblait à la fois effrayée et ravie. Voler comme les Cavaliers Célestes, c'était une aventure qu'elle n'aurait jamais imaginé avoir l'occasion de vivre un jour. Yerón souhaita voir la machine avant le départ. Par sécurité, dit-il. Il ne faisait pas entièrement confiance à la technologie jultèque et si d'aventure ses pouvoirs devaient suppléer à une éventuelle avarie, il voulait pouvoir comprendre le fonctionnement du mécanisme.

– Quoi qu'il en soit, nous devons nous organiser pour rassembler des provisions et de l'équipement, expliqua Eliz avec les dernières paroles avisées de la journée, puisque toutes les discussions qui s'ensuivirent ce jour-là tinrent plus du fantasme et de la divagation.

                            ***

Pendant ce temps, Razilda descendait vers les Bas-Quartiers accompagnée d'une poignée de soldats. La tension des hommes était palpable. Mais celle-ci n'avait rien à voir avec l'importance de leur mission, ou l'éventuel danger qui pouvait les attendre. Leur nervosité venait directement de l'inhabituelle présence de l'occupante de la chaise à porteurs qui les suivait. En effet, la comtesse d'Oragrain avait jugé le rapport de Razilda suffisamment préoccupant pour se déplacer en personne. Même s'il s'agissait du troisième complot visant à renverser l'Empereur dont elle avait actuellement connaissance, le mode opératoire de celui-ci la troublait.

Poussières de TerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant