Chapitre 1

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Six mois plus tard

- Tu sais que c'est très impoli de dormir à table Kayla Green !

Je reçus une michette de pain dans l'œil.

- Tu sais que c'est très impoli de gaspiller la nourriture Emma Clouds !

Emma me tira la langue et rigola.

Emma et moi nous connaissions depuis le jardin d'enfance. Elle était la sœur que je n'avais jamais eu et la confidente en or qu'on pouvait espérer. Nous étions pourtant les opposés. Selon Emma, j'étais une éternelle célibataire, trop calme et réservée. J'accordais aux études une importance capitale dans ma vie. Je ne voulais pas finir sur les trottoirs à demander quelques sous qui finalement ne serviront même pas à acheter une simple cannette de Coca Cola. Ces quelques remarques étaient dîtes pathétiques pour ma meilleure amie qui elle accordait plutôt une importance vitale au seul verbe dont la conjugaison ne lui échappait pas « s'amuser ». Son unique objectif dans la vie n'avait pas changé depuis le collège- c'est-à-dire le jour où j'avais en public décliné les avances de Matt Schosh-me dévergonder.

Emma avait les cheveux de boucle d'or -hormis les boucles- qui descendaient en cascade jusqu'au milieu de son dos. Nombre de personnes lui jalousaient cette couleur y compris moi. Chose étant que j'avais toujours trouvé Emma indéniablement belle. Elle avait une silhouette magnifique comme celles qu'on retrouvent dans les magazines de mode qui font de la pub pour de la lingerie féminine. On ne pouvait pas dire que je faisais le poids à côté d'elle. J'étais petite et mince, ce qui était à la fois une qualité et un défaut. Mon physique amenait parfois certaines personnes à me comparer à un lutin. (Hélas, je ne savais désespérément pas si c'était un compliment ou une raillerie. A dire vrai, je ne désirais pas le savoir.) Mes yeux bleus océans, un des seuls atouts dont j'étais plutôt fière, étaient mis en valeur par mes nombreuses bouclettes cuivrées tirant vers le brun.

Emma Clouds avait toujours été la pour moi, dans les bons comme dans les pires moments. C'était d'ailleurs pour cela qu'après le lycée nous décidâmes de poursuivre nos études ensemble. On considérait cette étape qu'est l'université comme les plus belles années de notre vie... jusqu'à ce que tout se brise. J'avais perdu à la fois mon pilier et ma force, ma mère. Une partie de mon cœur était partie avec elle quand le sien avait cessé de battre. Six mois s'étaient écoulés pendant lesquels Emma m'avait offert son épaule pour pleurer, son silence pour m'écouter et son réconfort pour m'apaiser. En tout point j'avais besoin d'elle.

Après la mort de ma mère, javais longtemps réfléchi quant à mes futures projets. Ma vie entière se retrouvait bouleversée et j'étais déchirée entre l'envie de poursuivre mes études en Floride ou retourner vivre au Minnesota. Bien que mes parents aient divorcés, mon père était autant affecté que je l'étais moi même, comme si le temps s'était arrêté à un instant de sa vie où ils étaient encore éperdument amoureux.

Heureusement, Emma m'avait vivement ramenée à la raison, me rappelant combien ma mère serait fière que je poursuive ce en quoi je croyais, et ce pour quoi je m'étais battue pour parvenir jusqu'à l'Université Internationale de Floride.

La vie en Floride était bien différente que celle que j'avais toujours connu, ne serait-ce que le climat. Il y faisait incontestablement chaud, une chaleur étouffante qui durait toute l'année. Je n'étais certes pas préparée à ce changement climatique et les premiers jours furent «collants ». Emma et moi nous étions découvertes une passion nouvelle pour l'air conditionné. Par rapport à notre petite ville natale, le changement était radical. Nous venions d'une petite bourgade nommée Adrian, dans l'état du Minnesota, méconnue du reste du monde du fait de son ennui profond. Il y régnait une atmosphère ancienne lugubre et constamment déprimante. C'était cette ville, ces hivers rudes et ces quelques milliers d'habitants qu'Emma et moi avions fuie, emportant dans notre sillage aucune once de regrets. Du moins, c'était ce que je me disais jusqu'à la mort de ma mère. Dans ce genre de situation on se rend compte à quel point chaque endroit, aussi insignifiant soit-il, marque notre vie. Je ne me souvenais de ma mère que dans cette petite ville que j'avais désespérément abandonné ce qui la rendait désormais essentielle à ma vie. Elle constituait ma seule richesse: mes souvenirs.

HEAVEN [en pause]Место, где живут истории. Откройте их для себя