6. Nathan

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Point de vue de Nathan

Ce week-end, mon grand frère Dylan nous a fait l'honneur de venir nous voir. Celui ci a 20 ans et loge dans un campus universitaire. C'est le genre de grand frère qui est tellement parfait qu'il vous vole la vedette dès qu'il arrive. C'est le plus intelligent de la famille, le plus studieux, le plus talentueux, le plus travailleur... et le plus chiant aussi.

J'aime mon frère, là n'est pas la question. Ce que je n'aime pas, c'est la réputation du mec parfait qu'il a laissé derrière lui. A cause de ses bonnes notes à toutes épreuves, les miennes paraissent "médiocres". Avant j'essayais de le rattraper, je voulais que papa et maman me regardent comme il le regardait lui : avec admiration. Mais j'ai abandonné cette idée au même moment où mon père nous a abandonné. Mais inutile de remuer le couteau dans la plaie.

Donc Dylan a débarqué vendredi soir et est reparti dimanche matin. Il n'a pas arrêté de parler de sa superbe école de médecine et du stage qu'il a fait cet été, et bizarrement, j'ai écouté. Je me suis même intéressé. Il nous affirmait être pressé de reprendre les cours.

Dimanche après-midi, ma mère et moi avons eu une discussion sur mon père. Très rapide. Je lui ai expliqué pour le message, elle a haussé les épaules en affirmant que c'était un message peu enthousiaste et qu'il aurait pu faire un effort. Elle a aussi dit qu'il aurait pu faire un effort dans leur relation. Elle a donc conclu que mon père n'était pas doué pour faire des efforts.

***

Mon réveil sonne et je me lève à contre cœur. Je m'habille en vitesse et descends avaler mon bol céréales.

Je monte réveiller ma mère pour qu'elle ne se retrouve pas en retard à son travail. Un retard qui pourrait lui coûter sa place.

-Bonjour mon chérie, marmonne-t-elle.

-Tu devrais aller prendre une douche, je lui conseil.

Lorsque mon frère revient, et qu'il doit ensuite repartir, des souvenirs refont surface pour ma mère. Le départ de mon père l'a profondément touché. Tout comme à moi.
Ma façon de l'oublier ? Faire du sport, dépenser.
Sa façon d'oublier ? Boire.

La première année a été la pire. Mais elle s'est repris, elle savait que ce qu'elle faisait était mauvais. Mais depuis l'année dernière, depuis que mon frère est parti pour l'université, ma mère essaye de prendre sur elle. Chose compliqué quand Dylan revient et repart. Et alors elle se retrouve avec une bouteille de vodka dans le lit.

Heureusement pour moi, elle sait se remettre vite, aller au travail vite, oublier vite. Enfin jusqu'au week-end prochain, jusqu'à ce que Dylan revienne et que le dimanche elle se retrouve à m'ignorer inconsciemment.

Elle se relève, embarrassée et m'embrasse.
Je sais que ma mère m'aime. Elle a juste mal. J'ai mal aussi. Mais pour elle, j'essaye de ne rien montrer.

-Désolée, chuchote-t-elle.

-T'inquiète pas maman, t'inquiète pas, je lui réponds en la prenant dans mes bras. Je dois aller au lycée, je te laisse. Bonne journée maman.

Elle me remercie et je file rejoindre l'arrêt de bus avant d'arriver en retard.

***


Lorsque le bus s'arrête enfin devant mon lycée, la scène que je vois au loin me cloue sur place. Tobias tient la brunette fermement contre lui. Comme je sais que c'est son ex-copain et qu'elle ne le supporte plus, je me doute que cette situation doit lui déplaire. J'aimerai intervenir, je ne sais pas pourquoi, c'est comme si instinctivement je me devais de l'aider. Surtout de ce gros con.
Mais à la place TJ apparaît avec Mathéo et je les accompagne jusqu'à nos casiers, bien qu'on n'y dépose jamais rien.

Notre premier cours est Mathématique avec monsieur George. Je ne le connais pas, et TJ non plus apparemment.

Quand nous arrivons devant la salle, le prof est en train d'appeler les élèves pour les placer. Génial, un plan de classe. Je soupire.

La brunette rentre dans la classe suivit par une fille que je ne connais pas. Etant arrivé deux secondes trop tard, je ne connais toujours pas le prénom de la brune à l'ex-copain détestable.

-Tient, monsieur Carpentier, allez donc vous installer avec monsieur Gornier, lance le prof à ma vue.

Monsieur Gornier ? C'est qui ça encore ? Et comment le prof connaît-il mon nom de famille ?

Je lève les yeux au ciel, fais des adieux théâtrales à TJ et entre en classe.

Surprise ! TJ est juste derrière moi, ce qui nous fais bien rire devant la tête désespéré du professeur.

Le certain "Gornier", met son temps à apparaître. On est d'ailleurs tenté d'inverser les places avec TJ pour qu'on se retrouve côte-à-côte.

-C'est "Garnier" monsieur, pas "Gornier", se plaint un gars dans le couloir.

Garnier ? Comme Tobias Garnier ? Pitié non...

Quand son regard se pose sur son nouveau camarade de classe, il rigole comme un imbécile. Un rictus mauvais sur le visage.

-TJ vient à côté de moi, je réclame presque au supplice.

Tobias doit croire que j'ai peur de lui, car son rire s'accentue.

-Ta gueule connard, t'as pas autre chose à faire ? Tu es sans doute trop occupé à faire chier ton ex, je rétorque.

Son regard se noircit, sourcils froncés. Je n'ai jamais vu quelqu'un changer aussu rapidement d'humeur. Sans rien controler, il fonce sur moi une nouvelle fois. Je devrais y être habitué maintenant.
Mais au lieu de le chercher comme vendredi, je prends les devant. Je fais un demi tour et le colle contre le mur, dans un bruit sourd.

Le prof débarque, ahuri, il braille tellement fort que les murs résonnent. Il tente de nous séparer et y arrive seulement parce que Tobias a lâché sa prise après le coup qu'il s'est pris.

-VOUS POUVEZ M'EXPLIQUER CE QUE VOUS FAITES LE PREMIER JOUR DE COURS ?! hurle-t-il.

Tobias est fulminant. Moi je rigole discrètement devant sa tête.

-Dans le bureau de la direction ! IMMÉDIATEMENT ! enchaîne monsieur George.

Je souffle. Faudrai pas que ma mère apprenne ça.

S'ignorer ou s'aimerWhere stories live. Discover now