Chapitre 17 : Parents

143 48 58
                                    


Non, ce n'est pas possible ! Pas aujourd'hui, pas maintenant ...

— Ne t'inquiète pas, tente vainement de me rassurer Anaïs. La remise des bulletins c'est une affaire d'une dizaine de minutes pour le peu de parents qui viennent...

Tout de même, oublier une telle réunion ne me ressemblait guère... Sauf que j'avais toutes les raisons du monde d'oblitérer des éléments aussi peu primordiaux, pour ma santé mentale, s'entend.

— Les bulletins ? Mais l'année vient tout juste de commencer !

À moins que trois mois se soient écoulés sans que j'en aie conscience, avalés inexorablement dans le brouillard qui plane autour de moi...

— Les bulletins de début d'année, m'explique Anaïs. Les relevés des quelques notes que les collègues ont mises quoi.

— Je n'ai mis aucune note.

— Moi non plus, mais c'est surtout pour rencontrer les parents et parler de leurs enfants.

— Je ne les connais même pas.

— Parle—leur du brevet.

— Je ne suis pas sûr d'avoir vraiment compris comment il fonctionne.

Lorsque je l'avais passé, les modalités étaient autrement plus simples. À présent, il s'agit d'un calcul improbable basé sur des critères sibyllins.

— Écoute, si tu le souhaites, je peux venir dans la salle à côté de la tienne. Je recevrai mes parents, et toi les tiens.

"Mes parents". À croire que ma mère et mon père allaient venir s'entretenir avec moi. À ce propos, je réalise avec effroi que je ne les ai pas contactés depuis... Bah, je m'en occuperai plus tard. Chaque problème en son temps.

— Non merci, je réponds.

Immédiatement, je crains de ne l'avoir blessée, mais j'abhorre l'idée d'être aidé. J'ai déjà entrepris des efforts considérables en acceptant de voir un spécialiste.

— Je veux dire, ne te donne pas cette peine, j'ajoute pour ne pas paraître plus odieux que je ne le suis en réalité.

— Pas de souci, ça ne me dérange pas, m'assure-t-elle bienveillante.

Bon au moins, si je tombe dans les pommes, elle sera là pour me ramasser.

*

C'était comme revivre la journée de la pré-rentrée avec mes 3ème.

Tout d'abord, M. Arbousset entame un discours rasoir à l'ensemble des parents présents dans la cour de recréation. Comme à l'accoutumée, Viviane n'en écoute pas un mot et m'empêche de me concentrer. J'observe Céleste en pleine conversation avec certains d'entre eux, minaudant à qui mieux mieux avec ces derniers. Un éperon de colère vient m'assaillir soudainement lorsque nos regards se croisent et je tente de m'intéresser davantage à ce que me raconte Viviane, sans succès.

— Pour la 3e1, je vous invite désormais à suivre M. Teissier jusqu'à sa salle où il vous présentera la classe de 3ème dans un premier temps, puis il vous recevra individuellement si vous le souhaitez.

— Quoi ? je chuchote à mi-voix, outré de devoir prononcer un semblant de discours que je n'ai pas préparé.

— Je te jure, répond Viviane en pensant que je m'adresse à elle, 3 euros le kilo de cerises !

Voyant que je ne suis pas suffisamment scandalisé, elle m'énumère le prix des fruits dans toutes les enseignes de la région, indifférente au fait que je m'éloigne d'elle, suivi de près par mon public. Dorénavant, je ne suis plus simplement un berger suivi par des agneaux mais par un troupeau de moutons d'un âge bien avancé.

Adam aime Julien [MxM]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora