Captive du désert

Chapitre 30 : J'aurai dû t'affranchir sur ce bateau...

J'ouvris les yeux sans comprendre où je me trouvais. L'air qui m'entourait était frais, presque glacé. Mon corps frisonnait sous cette toge trop fine pour cette ambiance que je ne connaissais plus.

Je me redressai en portant ma main à ma tête. Devant mes yeux, se balançait une flamme de bougie frappé par une faible brise.

Je regardais autour de moi. J'étais enfermée dans l'un de ces cachots où j'avais été enfermée il n'y avait pas si longtemps. Phédor ne m'avait pas livré à la justice du pays.

Où du moins, pas encore.

Je baissais mes yeux sur mes manches, là où se trouvait une protubérance dissimulant une capsule de poison. Elle était toujours là.

J'avais toujours mon échappatoire.

Je tâtai mon ventre.

— Peut-être cherches-tu ceci ?

Je sursautai. Phédor s'arrêta en face de moi, juste de l'autre côté des barreaux. Il s'adossa contre une paroi de pierre, un parchemin à la main. Il s'agissait de ma fausse lettre d'affranchissement.

Je levais les yeux vers lui. Une bougie éclairait à peine ce coin là. Son visage était en partie dans l'ombre.

— Surpris ? lui répondis-je sur le ton du badinage.

— Tu ne t'en cache pas...

— A quoi bon ? Je suppose que tu as déjà recollé toutes les pièces

— Quelle est ta mission ?

Je ne fit que lui sourire.

— Qui t'a embauché ?

— La Guild..

— Sous le compte de qui ? me coupa-t-il.

Je haussai les épaules.

— Et quand comptais-tu me tuer ? Ta fuite n'était qu'un autre mensonge de ta part ?

— Je ne t'aurais jamais fait de mal, avouai-je en baissant la tête.

Il y eut un silence que seul le vent dans les couloirs vint briser.

En relevant les yeux, je le vis observer la bougie pensivement. Je soupirai, pourquoi m'imposai-je ce secret ? La Guilde m'avait lâché, je n'avais pas à les protéger et de toute façon, je ne comptais pas survivre longtemps à ce jour.

— Je devais tuer Pacôme...

Il parut surpris. Je débitais lentement mon histoire, à savoir qu'il m'avait acheté par erreur et fait rater mes plans. Je lui expliquai que je n'attendais qu'une chose : qu'il me vende à Pacôme pour que je remplisse ma mission, mais que ce que j'avais vu là-bas avait tout changé.

J'arrêtai mon histoire à mon réveil, au beau milieu de la nuit, à bord de ce bateau, omettant le passage où j'avais sincèrement imaginé ma vie ici.

— Je te promet que je ne t'aurai rien fait, lui répétai-je tristement, car je lisais aisément la méfiance dans son regard.

— Quelle importance ? Penses-tu que cela va adoucir ton châtiment ?

— Non... Mais c'est important pour moi.

Je baissai la tête. Mon cœur palpitait. Je respirais doucement.

Je fermais les yeux. J'allais attendre qu'il parte. Inutile qu'il assiste à ça.

— Tu n'aurais jamais réussi à t'enfuir... Pensais-tu vraiment qu'il te suffisait de présenter ce papier pour que les portes te soient ouvertes ?

— Je devais essayer.

— Tu aurais dû fuir à bord de ce bateau... Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

Je gardai le silence.

— C'est à cause de ce que je t'ai proposé... devina-t-il.

Je me détournai de lui. Il visait juste, à chaque fois. J'avais été si stupide de croire à cet avenir. Cette erreur allait me coûter la vie.

— J'aurais dû t'affranchir sur ce bateau au lieu de te faire cette proposition...

— Tu peux toujours le faire maintenant.

— Et laissez un assassin se promener librement dans ce pays ? Aller tuer Pacôme ? Je ne le porte pas dans mon cœur, mais je ne souhaite pas être associé à son meurtre.

J'allais objecter, mais il ne m'en laissa pas le temps.

— J'ai prévenu la justice du pays. Elle vient te chercher demain. L'intendante est déjà dans mon domaine.

— Une superbe rencontre en perspective.

— Tu n'as pas l'air inquiète...

Il fronça les sourcils.

— J'ai vécu pire, répliquai-je en détournant le regard.

Ils ne m'avaient pas assez fouillé pour trouver ma capsule. Si Phédor leur ordonnait de le faire maintenant...

Je serrai les poings. Mon geste ne lui échappa pas.

Je frémis. Il y avait de l'horreur dans son regard.

Il avait compris.

— Ne dit rien... commençai-je. Laisse-moi au moins ça.