Chapitre 8

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Harry n'avait pas redit qu'il aimait Louis. Et Louis s'était demandé s'il regrettait son aveu. Si les mots avaient glisser furtivement sur sa langue juste parce que le moment était beau et qu'Harry aurait bien aimé, être amoureux. Louis n'en saurait sans doute jamais rien, c'est pourquoi il essayait tant bien que mal de ne pas se torturer avec ces interrogations.

Louis commençait toutefois à mal supporter l'incertitude. Le doute constant, la menace éternelle du départ d'Harry qui planait au dessus de sa tête. Louis voulait lui demander, lui demander quand et où et s'il reviendrait un jour, juste pour pouvoir observer le défilement du temps sur son visage. Et il était prêt à le faire, prêt à poser à Harry toutes les questions qui le taraudaient. Seulement, ce soir-là, lorsque Louis termina son service, il sentit que quelque chose était différent. En effet, lorsqu'il rejoignit Harry, le front de ce dernier était barré d'une épaisse ride contrariée alors qu'il tapait à toute allure sur son téléphone en mordillant parfois la pulpe de son pouce. Il ne pouvait en être sûr, mais Louis aurait également juré que son pied tressautait contre la barre en métal du tabouret sur lequel il était assis. C'est alors que Louis prit conscience du fait qu'il n'avait jamais vu Harry stressé et que l'image face à lui ressemblait drôlement à un Harry stressé.

Louis avait connu Harry agacé et contrarié et fatigué et grognon, mais jamais stressé. Il passa alors avec réserve son bras autour de la taille du bouclé. « Hey », souffla-t-il en plantant un baiser sur le dessus du crâne d'Harry. Dans la seconde, le plus jeune éteignit son téléphone et se retourna vers Louis. Il portait un sourire enjôleur, comme toujours, mais cette fois, il n'atteignait pas ses yeux. Louis passa rapidement une main sur sa joue, qui était étrangement rouge, et demanda « ça va ? »

« Tout va bien et toi ? ». Il était clair dans la façon précipitée dont les mots avaient quitté sa gorge, que tout n'allait pas bien. Pourtant, Louis ne pressa pas. Il savait pertinemment que ça ne le mènerait nulle part. « Ça va ».

Harry se leva du tabouret et commença à se diriger vers la sortie, tapant à nouveau à la vitesse de l'éclair sur son téléphone. Louis le rattrapa en deux enjambées rapides et ils marchèrent en silence jusqu'à l'appartement de Louis. Harry ne lâcha pas son téléphone de tout le trajet, ce qui le rendit dingue.

Ils mangèrent des raviolis en conserve — dégoûtants — dans un silence de plomb, et Louis aurait juré qu'Harry évitait même son regard. Ce qui était curieux, c'était la façon dont il se sentait incapable de briser ce silence. C'était curieux, parce que Louis semblait alors incapable de se souvenir de ce qu'ils se disaient d'ordinaire. Tout était si simple d'habitude, leurs répliques fusaient, ils se coupaient même parfois la parole tant ils avaient de choses à se dire. Et maintenant, il ne restait plus que le silence, le vide qui tuait les mots dans la gorge de Louis avant qu'il n'ait l'opportunité de les énoncer. Comme un trou noir.

Dans ce silence assourdissant, Louis débarrassa son assiette et ses couverts qu'il déposa dans l'évier avant d'aller prendre sa douche. Il se glissa sous le rideau d'eau brûlante et attendit que les vapeurs emportent son esprit avec elles. Qu'elles le déposent en buée sur les murs et les parois de verres, Louis s'en fichait bien. Il demeura un moment ainsi, seul et pensif, sous le jet faiblard qui arrosait son corps, tentant d'ignorer le montant de sa facture d'eau à la fin du mois. Puis, il entendit la porte de la salle d'eau claquer, une excuse murmurée, le bruissement de vêtements qui percutent le sol et quelques instants plus tard, les bras d'Harry s'enroulaient autour de sa taille.

« Je suis pas d'humeur », annonça-t-il en sentant les doigts du bouclé vagabonder sur la ligne de poils fins en dessous de son nombril. « Pas d'humeur à prendre une douche ? », questionna Harry, feignant l'innocence et retirant prestement ses doigts du corps de Louis. Le plus âgé leva les yeux au ciel face au mur avant de se retourner pour regarder Harry. Il portait le même sourire que tout à l'heure, celui qui n'atteignait pas ses yeux. Mais cette fois, Louis s'en contenta. Il le lui rendit, même.

Far Away.Where stories live. Discover now