Chapitre 7

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PDV du Sultan Abdelkader El Khaldi

Il ne me reste plus qu'une seule option : surveiller discrètement Bakhta. Je veux découvrir ce que sa famille manigance concernant son mariage arrangé. Rani mdammar !!! (Je suis énervé !). Elle ne mérite pas ça !!! Soudain, je repère ma muse. Elle discutait avec Hafida, sa maman, au pied du minaret de Sidi El Houari. Je me cache derrière les arbres du jardin pour écouter cette discussion entre mère et fille, qui s'annonce tendue.

Aussi discret qu'un rat, je porte des lunettes de soleil et une veste en dain pour passer inaperçu. Je ne réagis plus en tant que roi, mais c'est au tour d'Abdelkader de partir en mission secrète.

Je regarde le film qui se déroule sous mes yeux. Hafida frappe sa fille avec la ceinture, vociférant pour que tous les Algériens entendent sa voix :

---- Matehchemch ? (Tu n'as pas honte ?)

---- Mais qu'est-ce que j'ai encore fait pour que tu me frappes ainsi, m'man ?

---- Tu parlais avec un inconnu. Je t'ai vu avec cet homme !!! Chkoun Hada (Qui est cet homme ?)

---- C'était Sa Majesté. Il voulait me féliciter. Et il m'a tout raconté sur ses débuts de règne. Savais-tu qu'il était vizir avant de gouverner ?

---- Un roi a une descendance. Devenir cheikh, c'est de famille.

---- Ah non !!! Quand un souverain n'a pas d'héritiers. Il lègue son statut à son conseiller royal.

---- Ah oui ?! Kedaba ! (Menteuse !). Être cheikh, c'est de père en fils. C'est dans le sang, dans les veines !!! Comme nous, avec notre drapeau !!!! C'est son ADN. Sa Majesté ne sera jamais habillée comme les Oranais. Il porte des costumes traditionnels. C'est un homme de droiture, différent des autres !!! Il a pour objectif de rehausser le blason de Wahran ainsi que toute l'Algérie !!!

On ne va pas aller jusqu'à m'idolâtrer, tout de même, future belle-maman !!! Vous vous trompez !!!! Ça se voit que vous me connaissez mal. Normal, cela ne fait qu'une semaine que vous vivez dans mon royaume. Je suis heureux que ma promise ait eu l'honneur d'écouter mon histoire. J'attendais cette discussion depuis tellement d'années.

Je ne suis pas un sultan comme les autres. Je suis loin d'être un homme parfait. La politique exigeante n'est pas dans mes valeurs. Avant d'être cheikh, je suis un humain, un Algérien comme les autres. Mais qui est-t-elle pour juger ? La nouvelle sultane ? Je ris. Cette vieille femme a pris la grosse tête depuis que je lui ai offert cette maison et ce commerce. L'argent peut changer tout être humain. Il devient vaniteux, belliqueux. C'est triste !!!

Cette femme continuait à sermonner sa fille de manière sévère :

---- Cet homme voulait te demander en mariage, cherchant à obtenir ton plus grand trésor. Ana rani nchouf koulchi (Moi, je vois tout).

Avant de demander la main d'une femme, il faut d'abord la respecter comme une reine. Ce n'est pas encore le moment de parler de mariage, il y a d'abord une relation à construire entre nous. Si Bakhta découvrait que j'ai écrit ces poèmes, je soupirerais. Que c'est difficile !!! J'ai besoin de cet éclat !!! Je suis contrarié de voir cette scène.

Sa mère poursuivit son reproche :

---- Il y a encore du travail à faire à la boutique, ma fille. Quelques clients réclament des gâteaux au citron. Je suis partie d'Es Senia en tramway pour venir te chercher. La pause est terminée !!!

---- Comment as-tu su que j'étais à Sidi El Houari ? Demanda Bakhta, surprise.

---- Ton père m'a tout raconté. En plus, il a l'habitude de ne rien faire au foyer. Ah ! Les hommes !!! Je fais TOUT !!!! TOUT !!! Heureusement que je suis là.

Je commençai à observer le visage soucieux de la femme de ma vie. Inquiète, elle se mordait les lèvres. Le stress et la colère la rongeaient. Cette situation sentait le danger. Je redoute ce qui va arriver. Hafida lui annonça la nouvelle :

---- Demain est un autre jour. Il est temps de rencontrer ton futur mari. Il t'attend avec impatience. Il viendra nous rendre visite à la pâtisserie. Roh (File !!! ). Yallah !!!! (Vite)

Et le jardin verdoyant de Sidi El Houari se vida rapidement. Le soleil se coucha derrière le minaret. La nature semblait sombre. Quelques roses rouges se fanèrent. Bakhta et sa mère rentrèrent précipitamment pour accueillir le prétendant. Cette situation avait alerté mon cœur et mon esprit. Le vent soufflait avec force.

Soudain, j'entendis des pas franchir la porte du jardin. Akli et mes gardes finirent par me retrouver dans le quartier. Ils me virent silencieux. J'étais complètement abattu par ce que je venais de voir. Je me demandais si je pourrais aider Bakhta à sortir de ce malheur. Le chef de ma garde royale me secoua doucement :

---- Ya sidi, tout va bien ?

---- Hemdoullilah, tout va bien.

Tout va mal !!! Très mal !!!! Je n'ai plus de mots. Abdelkader !!!! Mais bon sang !!! Réveille-toi. Ne te laisse pas aller !!! Laisse les choses suivre leur cours naturel !!! Aie confiance en ta bien-aimée. Tu as entendu ce que Bakhta a dit ? "Je ne veux pas me marier avec mon cousin par alliance". Reprends-toi. Il y a toujours des solutions pour résoudre les problèmes de la vie. Aie confiance en toi. Allah t'aidera.

Soudain, un muezzin appela à la prière avec sa voix mélodieuse. Plus un bruit ne se fit entendre. Dans les pays comme le mien, l'appel à la prière se faisait cinq fois par jour depuis le haut du minaret. Dehors, au-dessus des murs dépouillés, je vis l'homme invoquer Dieu de sa voix pure. Il récitait quelques versets du Livre. Dans mon esprit, se gravaient les débuts de cette belle institution et son histoire.

 Dans mon esprit, se gravaient les débuts de cette belle institution et son histoire

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L'heure du Salat Maghreb (Prière du couché de soleil) arrivait. Il était l'heure de rentrer au palais. Sur mon tapis de prière, je sollicite Allah d'écouter mon souhait : je veux qu'il protège ma future femme du Mal. Je citais trois fois la prière Ayat-El Kursi (le verset du Trône). À chaque fois que je prie, toutes mes invocations se réalisaient. Avec de la patience, j'ai, toujours eu le droit à de belles journées : bonne actions... Mes douâas (invocations) sont pour toi, Bakhta. Je fermais les yeux en espérant que l'orage soit vite terminée.

Musique du Chapitre 7 : Houari Benchenet - Rani Mdamar

Musique du Chapitre 7 : Houari Benchenet - Rani Mdamar

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Bakhta ou la muse de Wahran Où les histoires vivent. Découvrez maintenant