Chapitre 10

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La bataille est intense parce qu'elle implique à la fois mes propres forces mentales et physiques ainsi que l'épée qui ne cesse d'être incandescente depuis que je m'en sers tel un bouclier. Au moment de toucher la porte, je sens que le vent qui semblait souffler contre moi s'atténue.

A ma grande surprise, je ne suis pas repoussé, pas même attiré. L'épée perd donc logiquement en intensité et je continue de toucher cette porte en bois des plus classiques. Ma main entière est désormais déposée sur le matériau humide. L'épée à la main, je me méfie de tout piège.

Mon poids repose désormais entièrement sur le bois et je sens la porte basculer. Elle s'ouvre petit à petit, comme si mon corps n'exerçait qu'une force modeste sur les fondations de l'édifice. J'ai pourtant l'impression au contraire qu'avec moi l'épée appuie sur le bois pour me laisser passer.

Une fois arrivé devant le bénitier, l'église semble tout à fait calme et rassurante. Comme si, dehors, rien n'existait et rien n'arrivait. Cette sérénité apparente m'inquiète bien plus qu'elle ne me rassure. Un tel champ de force ne peut pas être simplement émis à l'extérieur sans que l'intérieur ne soit lui-même concerné.

L'épée fermement tenue devient le prolongement de mon bras. Je me méfie de chaque bruit, de chaque mouvement suspect. Il n'y en a aucun. Pour l'instant. Je n'entends que quelques notes d'orgue. Elles viennent du fond de l'église. Je suis contraint d'avancer dans la nef sans être rassuré.

Mes pas sont légers et, en permanence, je tente d'adopter une vision périphérique qui me permettrait d'éviter toute mauvaise surprise. Mon cheminement se déroule sans problème et, arrivé devant l'autel, je ne constate qu'une enceinte. Elle émet effectivement quelques notes d'orgue, faiblardes.

J'hésite à m'approcher de l'appareil électronique mais je suis arrêté par une chaleur intense à ma droite. Je tourne la tête et découvre une flamme immense sur un des chandeliers. Ce ne sont pas de bougies qui seraient allumées, non, c'est un véritable feu qui prend à mes côtés.

« Tu pensais que venir ici suffirait ? ».

Ces quelques mots sont un écho. Je n'entends rien d'autre, et ne vois surtout personne.

« Cette église ne devrait pas être anglicane ».

L'orgue joue. Ou, plutôt, on joue à l'orgue. Les notes transpercent mes oreilles. La personne assise en phase de l'orgue le maîtrise à la perfection. Les notes graves font quasiment trembler l'édifice. Les notes aiguës, elles...

« Alors, mon orgue te plaît ? J'espère que tu apprécieras ces dernières notes avant de rôtir en enfer ».

Difficile de répondre à un fantôme qui ne se montre pas. Je ne peux que faire face à cette boule de feu dorée qui arrive. Elle se dirige vers moi et, par extension, vers l'autel. Elle serait destructrice, pour le lieu comme pour moi. Je suis pétrifié. Face à une telle menace, je n'ai que l'épée.

Elle est encore enduite de mon sang et elle rayonne comme jamais. La peur que je ressens semble la nourrir. Je la brandis devant moi et la boule de feu paraît s'éteindre petit à petit. Arrivée devant moi, elle n'est plus qu'un modeste caillou.

« Quoi ? Comment oses-tu ? Je t'interdis ! ».

Les notes d'orgue se font de plus en plus pressantes. De multiples petites boules de feu se déversent dans l'église. L'épée, que je brandis vers le ciel, elle, résiste et, de ses éclats, participe à l'extinction des principales flammes dorées. Si je n'étais face à un fou furieux pyromane, je devrais reconnaître la beauté de cet or liquide.

L'orgue s'arrête, et des pas se font entendre. Il descend les escaliers qui mènent habituellement à l'orgue. Se présente à l'autre bout de l'église un homme d'une soixantaine d'années, vêtu d'un manteau marron qui recouvre également sa tête.

L'Éclatante revanche du Protecteur (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant