Chapitre 14

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Mon réveil si soudain et rapide est un calvaire. Ayant presque oublié que je n'étais pas chez moi, après un sommeil rempli de sueurs nocturnes, j'ai failli réveiller Tristan qui dort paisiblement sur moi. A croire que sa position n'a pas changé depuis hier soir, toujours au plus proche de ma peau.

J'imagine que j'ai multiplié les cauchemars pour avoir eu si chaud et, maintenant, pour avoir si froid. Quelques tremblements s'ajoutent à un état que je qualifierais de médiocre. Ce matin, définitivement, le réveil est difficile. Il n'est que six heures, et mon seul réconfort est cette tête sur moi.

J'ai reçu un message du cardinal cette nuit, me présentant au nom du pape lui-même des excuses. Visiblement, au moment de rendre des comptes au Saint-Père, ce dernier n'aurait pas apprécié que j'aie été envoyé aider l'Église anglicane alors que je venais de subir une attaque étrange.

Je commence à croire qu'il est plus humain que je ne le pensais. Seules Sœurs Raphaëlle et Miriam semblent se préoccuper sincèrement de mon état mental. Je crains néanmoins que leur action mystique n'ait qu'un effet ponctuel, telle une drogue consommée à l'instant et dont la portée est limitée.

Toujours est-il qu'en signe d'excuses, je devrais être peu sollicité dans les temps à venir par le Vatican. Bien sûr, un évènement imprévu pourrait toujours contrarier cette volonté que j'apprécie. Néanmoins, mentalement, je peux donc me consacrer à des lectures, des traductions et tant d'autres activités plus personnelles.

Accuser le Vatican est en réalité un peu facile. Je ne suis pas convaincu que mes derniers cauchemars soient fondamentalement liés au sataniste croisé au musée ou bien aux anglais. Non, malheureusement, j'ai bien conscience que le malaise qu'ils ont créé n'est rien face à la profondeur d'autres émotions.

Ma vie sans attaches en est l'illustration parfaite. Non, Tristan, je n'avais personne à prévenir ce soir. Même si Raiden s'étonnera peut-être de ne pas m'avoir vu rentrer, sait-il réellement si je suis à Rome ou même en Europe ? Bien sûr que non, je ne l'informe pas. Mes quelques amis de la faculté sont des relations de circonstance.

Je le sais, j'en ai conscience, je l'assume. Parfois, néanmoins, la suspension de cette humanité me pèse. Elle me semble pourtant naturelle. S'il m'arrivait quelque chose lors d'une des missions du Vatican, ils seraient ainsi peu à souffrir. J'en suis rassuré. J'ai bien plus peur de la souffrance sur Terre que de celle céleste.

De telles pensées me mènent quand même à frémir. Je connais mes paradoxes, mes incertitudes, mes inconsistances. Je n'ai pas peur de me regarder, seul, devant un miroir. J'aime au contraire errer tranquillement. Dans le même temps, parfois, je pourrais hurler à la mort tel un loup à la recherche désespérée d'une meute.

Je ne sais pas. Je n'ai toujours vu que la fin, que le pire, que les problèmes. Comment ne pas être obsédé par le côté sombre de la pièce quand toute sa vie a été basée sur de telles obscurités. La lueur est arrivée avec le cardinal, je dois l'avouer. Ils ont été là quand la nuée terrifiante allait s'abattre.

Le solitaire que je suis se bat avec sa solitude. Quel enfer. Raiden la comble parfois, au détour d'une nuit charnelle. Lui et quelques autres. Et cette nuit, rien de tout cela. Simplement un sommeil chaotique accroché à un petit blond. A cet instant, à sept heures du matin, je regrette d'être là.

Je ne veux pas profiter de l'affection de Tristan au prétexte du mal-être que j'ai des difficultés à maîtriser. Je ne veux pas le contaminer de mes mauvaises ondes ou, pire, profiter de sa bonne humeur naturelle pour combler mes propres failles émotionnelles. Les relations humaines sont définitivement un calvaire.

Au moins, avec le Vatican, nous avons un accord simple : l'épée est mon arme ultime de protection, que j'utilise aussi souvent que nécessaire ; dès lors qu'ils maintiennent le sceau qu'ils ont posé il y a désormais quelques années. Aux petits soins pour moi, les Sœurs ne font en réalité qu'agir en fonction de leur bonne conscience chrétienne.

L'Éclatante revanche du Protecteur (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant