Chapitre 43

1.8K 79 0
                                    

Manon

    Je suis couchée dans mon lit depuis plusieurs minutes quand la porte s'ouvre. 

- Bonjour, Manon. Comment te sens-tu ?

     Estelle me lance un sourire doux.

- Bien. Mieux. Je crois. Tu sais quand est-ce que je dois voir le docteur Barle ?

- Tu fais bien d'en parler. D'ici une dizaine de minutes, il t'attendra.

    Je hoche la tête et me relève afin de m'habiller. Quelques minutes plus tard, je suis devant la porte de son cabinet, un livre à la main. Je suis devant la même page depuis que je l'ai ouvert car je n'arrive pas à me concentrer. Je repense à tout ce qui s'est passé sur les deux derniers jours, et les souvenirs affluent en masse. 

    Liam m'a appelé ce matin depuis le téléphone d'Evan et nous avons discuté ainsi une bonne heure avant que la conversation ne se coupe faute de batterie. J'entends de nouveau sa voix. Parce que je t'aime. Il l'a dit. En me regardant droit dans les yeux. Mais j'ai encore du mal à y croire. 

     Nous n'avons pas reparlé de tout ce que je traversais ces derniers mois et que je lui ai caché, volontairement. Je crois que c'était le sujet de leur conversation à lui et Clémentine. Mais elle n'a rien voulu me dire. Elle a l'air de l'apprécier. Et j'en suis rassurée. 

    Il m'arrive de relire la lettre de Jasper. C'est comme une bouée de sauvetage à laquelle je me raccroche pour tenter de ne pas couler sous le flot d'émotions qui menace de déborder. Lui non plus ne l'évoque pas. Mais je reconnais à son petit sourire qu'il sait que je l'ai lu.

    La porte s'ouvre, Alexandre Barle a le regard perdu, des cernes sous les yeux, et sa barbe de trois jours poivre-sel le vieillit. Il est plutôt bel homme avec sa mâchoire carrée et ses yeux sombres. Il fait partie de ceux à qui la cinquantaine va à ravir. Même ses cheveux qui tendent vers le gris rajoutent à son charme. 

- Bonjour, Manon.

- Bonjour.

    Il me serre la main et entre dans son cabinet à ma suite. Mon regard accroche de nouveau le tableau pastel. Voilà quelque chose qui ne change pas. Je n'ai pas le temps de réfléchir à sa signification du jour avant de m'asseoir. 

    Il tape rapidement sur son clavier, et relève son regard vers moi après deux clics de souris. 

- Comment te sens-tu, aujourd'hui ?

- Un peu fatiguée, je crois.

     Il hoche la tête, et parcourt de nouveau son écran des yeux. 

- Le résultat de tes analyses indique que les cellules cancéreuses continuent leur propagation. Elles affaiblissent ton système immunitaire. Pourtant, tu t'en sors vraiment bien après ton plongeon en mer, d'il y a deux jours. 

     Je suis rassurée dans le fond. Attraper froid maintenant était la dernière chose à faire, je ne suis pas sûre que mon corps aurait pu lutter. 

- Ta mère m'a confié tes doutes sur la prochaine chimio.

- Je ne vous apprends rien en vous disant que c'est difficile, parfois.

- C'est vrai. Mais, Manon, je crois que tu pourrais encore essayer. Je pense même que tu devrais encore essayer.

- Je sais. J'ai pu y réfléchir ces derniers mois. Et je vais le faire. 

     Ses épaules se relâchent. Il ne montre rien, mais je crois apercevoir une trace de soulagement dans ses yeux. 

- Bien. En attendant, tu continues le traitement. Et fais attention à toi, c'est possible que tes vertiges deviennent de plus en plus fréquents.

PétrichorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant