𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

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MEYLINE


22 septembre 2023 

— Tu ne sortiras pas d'ici tant que tu n'auras pas mangé. Ça suffit, Meyline. T'es aussi fine qu'un coton-tige et tu refuses de t'alimenter, ça commence à bien faire. Tu veux finir dans la tombe plus vite que prévu ?

Mes larmes silencieuses coulent silencieusement sur mes joues. Ma cage thoracique se compresse. Plus ma mère parle, plus mon cœur saigne. Elle ne comprend pas.

— Maman... je ne peux pas. J'y... j'y arrive pas, s'il te plait, laisse-moi sortir de table. Je vais être en retard à la fac.

— Ok, dit-elle.

OK ?

— Comme tu ne veux pas manger, d'accord, mais écoute-moi bien, jeune fille. Il n'y a pas de malade chez moi. Alors, je le redis une dernière fois. Soit, tu manges, soit je te laisse tomber une bonne fois pour toutes. Après tout, je ne vois pas pourquoi je me casse la tête avec toi. Moi, je mange, je suis en bonne santé, ça m'évite de faire chier le monde. Non, mais regarde-toi sérieusement. Tu te trouves belle là ? Les joues creusées comme un squelette et encore, je suis gentille, les jambes qui ressemblent à des baguettes et le visage complètement terne ?

Mes larmes redoublent d'intensité quand ma mère prononce ces mots. Je ne pensais pas... qu'elle me voyait comme ça. Après tout, elle a peut-être raison. Je ne suis pas jolie. Je suis beaucoup trop maigre.

Je quitte la table en courant et me réfugie vers mon havre de paix. Ma chambre. Je ne saurai dire combien de fois je suis revenue inondée mon coussin de larmes. Une centaine, probablement des milliers de fois, mais je ne m'en plains pas. J'ai l'habitude.

Je me sens tellement mal que je ressens le besoin de me faire mal immédiatement. Je me rue sur ma table de chevet située à droite de mon lit et ouvre mon tiroir afin d'y trouver le petit couteau que j'avais caché.

« Tu te trouves belle là ? »

Non.

La douleur presque libératrice que je m'inflige me fait du bien. Pour chaque phrase que ma mère a prononcée, je m'entaille le bras.

« Coton tige »

Une entaille

« jambe de baguette »

Une autre entaille

Bientôt, mon bras fut recouvert de nouvelles traces indélébiles. Les anciennes, pas toutes, se sont rouvertes. En saignant, elle aussi, elle me ramène instantanément dans le passé. Ces cicatrices sont comme un disque rayé. Elle me ramène sans cesse dans le passé et m'empêche d'avancer.

Est-ce que j'en ai vraiment envie ? D'avancer ?

À la vue de mon sang, je souris. Elle aura peut-être ce qu'elle veut finalement. Quant à moi, je serais sans doute délivrée. Alors, je continue de m'entailler. Encore et encore, jusqu'à ce que je ne ressente plus aucune douleur. Après tout, je ne suis sûrement pas née dans le bon monde ?

Mon drap est maintenant recouvert de sang. Je repose le couteau sur ma commode et je replie mes genoux sous mon menton, laissant mes larmes et le sang de mes bras couler sur mes cuisses dénudées.

Pourquoi moi ?

Pourquoi maman est comme ça ?

Pourquoi elle ne comprend pas que je ne fais pas exprès. Ce n'est pas que je ne veux pas. Mais je ne peux pas.

Pourquoi...

AMNÉSIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant