Chapitre VIII

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— Que savez-vous des Dragons qui vous poursuivent, demanda Dalir en terminant un sac de vêtements qu’il tendit à Denzal. 

Seelay, qui s’était redressé depuis que le Mage avait soigné sa blessure et palpait avec admiration sa peau bleutée où il ne subsistait qu’une légère cicatrice et quelques écailles manquantes qui ne repousseraient sans doute jamais, leva la tête avec un air béat qui tranchait avec le sérieux de la situation. Zale poussa d’ailleurs un profond soupir, comme si elle savait d’avance ce qui allait arriver, et Merrigan se boucha les oreilles en couinant de détresse. Denzal haussa un sourcil devant leur comportement pour le moins étrange, qu’il comprit bien vite quand l’Aegirien commença à parler : 

— Ah, ce très cher Lieutenant Bian… il est d’une beauté à couper le souffle. Je regrette de ne plus être dans l’armée de l’Empire parce que le regarder aux entraînements était un régal pour les yeux… 

— Capitaine, je pense que nos hôtes veulent savoir comment il va nous attaquer, pas à quel point tu apprécies de le regarder. Excusez-le, il est obsédé par ce Dragon, soupira Zale. 

Seelay gonfla les joues, comme un enfant pris en faute, avant de reprendre beaucoup plus sérieusement : 

— Même si Bian est puissant, je peux le gérer seul. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il est sûrement avec un équipage qui ne lui fait pas confiance. Il n’est pas vraiment dans les bonnes grâces de l’Empereur à cause de moi. 

La tristesse traversa ses yeux à cette pensée et Merrigan posa une main sur son épaule en guise de soutien. L’Aegirien le remercia d’un sourire. Il n’avait pas le temps de s’attarder sur ses états d’âmes de toute façon, des gens étaient en train de payer le prix de ses erreurs et il devait tout faire pour leur éviter de finir entre les mains des Dragons. 

— Si son équipage l’accompagne, il risque de nous attaquer de nouveau. S’il est seul… j’aurais une faveur à vous demander.  

— Je t’écoute, annonça Dalir en terminant un dernier sac. 

— Emmenez-le avec nous. Peu importe où on va. Il faut l’éloigner des autres Dragons. Je m’occuperai de lui ensuite, je vous le jure. 

— Tu es certain de pouvoir le gérer ? 

Seelay hocha la tête, déterminé. Dalir lança un regard vers Denzal. Si quelqu’un s’ajoutait à l'équation… Non, il avait la puissance nécessaire pour le mettre en sécurité quand même. Le sacrifice serait juste plus important. Il fit signe au pirate qu’il accèderait à sa requête si le Dragon était seul avant de tendre la main vers son fils : 

— Denzal. Je sais que je t’ai déçu mais j’ai besoin que tu me fasses confiance. 

— Papa ? Qu’est-ce que tu penses faire ? 

— Donne-moi ton bras. 

— Mais… dis-moi ton plan…  je t’en prie… 

— Je vais nous emmener en sécurité. Mais j’ai besoin que tu me donnes ton bras. S’il-te-plaît…

Le Mage sourit doucement à son fils pour l’amadouer. Denzal fit la moue mais se contenta de ses explications et s’empressa de placer son bras dans sa paume. De son autre main, Dalir saisit un pinceau qu’il plongea dans un pot où se trouvait une pommade noire que le jeune sang-mêlé n’avait jamais vue. Il passa le pinceau sur le poignet de son fils, qui grimaça légèrement. C’était comme si l’onguent pénétrait la peau fine de son poignet, la faisant chauffer. Ce n’était pas douloureux, mais c’était une sensation assez étrange. Quelques secondes plus tard, son père lui avait dessiné un bracelet sur le poignet surmonté par des caractères qui lui étaient étrangement familiers. Ce fut ce moment que choisit Alessia pour sortir de son étrange transe, légèrement haletante : 

— Les villageois approchent. Vous êtes prêts ? 

— Oui. Nous pouvons y aller. Merci de nous avoir prévenu Alessia. 

— Vous ne partez pas sans moi, hein, s’exclama la jeune elfe en posant les mains sur ses hanches, Denzal va avoir besoin d’une amie. 

— Mais… Alessia, le village… C’est chez toi, protesta Denzal. 

— Je ne serais jamais assez bien pour eux de toute façon. Encore plus s’ils découvrent que je les ai trahis.  Je t’accompagne, Den’. On est amis et je ne t’abandonnerai pas. Jamais. 

— Sans vouloir vous presser, intervint Seelay qui avait mis un pied hors de la chaumière, ils sont vraiment très rapides.

La petite troupe ne se le fit pas dire deux fois et, Dalir en tête, ils quittèrent la petite maison. Alors qu’ils commençaient à s’enfoncer dans la forêt, Denzal se retourna une dernière fois pour observer l’endroit où il avait grandi. La nostalgie l’envahit soudainement et il se força à se détourner. Ils marchèrent jusqu’à une clairière non loin où son père s’arrêta en leur demandant de se regrouper. Puis, il s’approcha de son fils, attrapa ses épaules fermement, et posa son front contre le sien. 

— Je t’aime, Denzal. 

— Moi aussi, papa… 

Le Mage sourit et embrassa le front de son fils avant de s’éloigner de lui de quelques pas. Son sourire ne s’effrita pas un seul instant alors qu’il lançait un regard vers Denzal. Il bénit les Mages de toujours lui avoir dit de faire attention à sa magie. Sans ça, il n’aurait jamais pu faire ce qu’il s'apprêtait à faire, même s’il était obligé de sacrifier beaucoup pour ça. Il s’ébroua à cette idée. Il n’avait plus de temps à perdre. Il releva les manches de sa tunique, toucha les tatouages sur ses bras et annonça :

— Je vais lancer le sort de téléportation. Ne vous inquiétez pas, c’est sans danger. 

Denzal siffla d’admiration. Le tatouage que son père avait touché flottait maintenant dans les airs, en un cercle lumineux impressionnant. Il admira les moindre détail de l’anneau, qui étaient entouré par un autre plus fin et de multiples gouttes qui partaient dans toutes les directions. C’était magnifique. 

Ce fut l’instant que Bian choisit pour arriver à l’entrée de la carrière en courant. La première personne qu’il aperçut fut Seelay, placé en cercle avec d’autres individus qui lui étaient inconnus. Quand il le vit, l'Aegirien cria son prénom et tendit la main vers lui. Son cœur manqua un battement. Seelay. Seelay. Cette pensée tournait en boucle. Il était incapable de la contenir et il sentit les Dragons de son équipage s’agiter dans sa tête. Il ne ralentit pourtant pas sa course. Sa raison l’avait quitté et son coeur avait pris la décision pour lui au moment où il avait vu la main tendue. Il accéléra, tendit la main, effleura les doigts et… 

Denzal lança un regard paniqué à son père quand il vit le Dragon approcher de Seelay alors que le sort prenait place au-dessus d’eux. Sauf que Dalir n’était pas sous le cercle. Il avait profité que l’attention de son fils soit détournée pour s’éloigner. Il lui sourit avec tendresse. Et lança le sort. 

— PAPA !! 

L'Espoir de Nounaïa : Denzal (T1)Where stories live. Discover now