Chapitre 2

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Chapitre 2


C'est bien beau de mettre des barrières, ça protège de tout et en même temps de rien, oui, car il y a toujours quelqu'un qui passe par là avec un sourire de dieu vivant et qui les fait fondre en un clin d'œil. C'est au moment où tout semble perdu, au moment où je m'imaginais vieille fille à m'occuper de mes parents grabataires tandis que Mathieu, mon petit frère, vivait une vie épanouie avec sa femme et ses enfants, son chien et sa tortue... Pardon, je divague, mais je m'imaginais vraiment le futur comme ça, car plus je gagnais de l'âge, plus il était normal d'avoir déjà eu des relations sexuelles. Je m'enfonçais donc dans un cercle vicieux qui ne ferait qu'augmenter mon stress encore et toujours.


J'avais donc cessé d'espérer un prince charmant capable de m'ouvrir les portes d'une sexualité tout en douceur, double sens bonjour. L'ironie du sort c'est que c'est juste à ce moment-là que je suis tombée sur Gabin. Ce n'est ni un nouvel élève totalement canon ni un élève étranger venu pour un trimestre avec un accent à tomber. Non, Gabin, c'est juste Gabin. Je ne l'ai jamais eu dans ma classe, pourtant je l'avais repéré dès les premières semaines en seconde. Il a des cheveux d'un noir de jais qu'il ajuste la plupart du temps en style décoiffé. Ils sont juste la bonne taille pour glisser sa main dedans. Ses yeux sont à croquer, verts comme la plus alléchante des pommes, et pour compléter ce visage fabuleux, des lèvres pleines et charnues qui me font rougir à chaque fois que je le vois pendant les pauses ou au réfectoire. Il n'est pas très grand, mais plus que moi, ce qui n'est en même temps pas difficile, et plutôt svelte. Mes amies le trouvent banal, moi je le trouve à tomber. Bien évidemment, je ne lui ai jamais parlé et je ne comptais pas le faire s'il ne m'avait pas accosté un matin sur le trajet de l'école.


- Hey, Alicia, m'appela une voix derrière moi.

Un frisson me parcourut, c'était Gabin. Il venait me parler, et en plus il connaissait mon nom. Mon premier réflexe était de fuir, mais je ne pouvais pas. Je n'avais pas la moindre envie de devenir une folle à ses yeux. Et puis, avec ses trois années, j'étais devenue assez forte pour cacher mes émotions, alors d'une voix que je voulais tranquille, je lui répondis :

- Salut Gabin.

Simple comme réponse, pourtant mon cœur tambourinait comme un fou dans ma cage thoracique.

- Ouah, je suis impressionné, tu connais mon nom, s'exclama-t-il, réellement surpris.

- Tu connais bien le mien, répliquai-je alors.

Je ne sais pas vous, mais j'ai l'impression que quand je suis en situation de stress comme ça, je prends un ton de voix assez défensive qui peut me faire passer comme une fille hautaine et pas vraiment agréable. Par chance, Gabin qui est le garçon le plus adorable que j'ai eu l'occasion d'admirer en douce, ne prit pas ombrage de ma réponse quelque peu mordante.

- C'est marrant, on se connait de vue sans jamais s'être parlé auparavant. Je viens de déménager dans la rue, là derrière.

- J'habite un peu plus loin, en remontant vers le cinéma, expliquai-je en marchant à ses côtés, perdue entre stress intense et allégresse.

- J'ai l'impression qu'on va souvent se voir sur le trajet alors.


Comment définir avec précision ce que j'ai ressenti à ce moment-là ? C'est assez difficile. Dans un premier temps, j'ai failli lui dire que c'était uniquement parce que j'avais oublié l'argent du bus que je me retrouvais à marcher jusqu'au lycée. Je me suis bien vite mordu la langue. Je fus alors submergée par un doute intense : si je faisais chaque jour ce trajet, je pourrai le voir le matin et peut-être même le soir. Cette relation pouvait être totalement amicale, bien sûr, j'avais des amis masculins, mais aucun d'eux ne me faisait fondre comme Gabin. Le fréquenter ainsi, c'était mettre à mal mes barrières. C'est alors que je l'ai regardé, et j'ai compris. Mes barrières avaient disparu au moment même où il avait prononcé mon nom.

- Sinon, dans la vie, à part les révisions du bac, tu fais quoi de beau ? me demanda-t-il avec un sourire craquant.

Ces 15 minutes de marche furent simplement magiques. J'avais l'impression de planer, en retrouvant des sentiments tendres qui papillonnaient dans mon ventre. Je ne réussis pas à garder un visage neutre en arrivant devant ma classe, et en un rien de temps mes copines se jetèrent sur moi. Elles avaient flairé le changement et en bonnes lycéennes elles voulaient des ragots ! Je ne me suis pas fait prier pour raconter ce qui venait de se passer. Si j'avais été un peu plus maligne, j'aurais gardé ça pour moi, car en peu de temps ma poitrine se serra violemment.


- Génial ! s'écria Sophie, en remettant ses longs cheveux blonds en arrière. Il te draguait, genre, au moment où tu passes vers chez lui, il arrive, il t'accoste, connait ton prénom et en plus il te fait la conversation.

- Et surtout, il te dit implicitement que vous allez faire les prochains trajets ensemble, ajouta Marina sans quitter des yeux son nouveau jeu.

- Tu vas perdre ta virginité avant ton entrée en fac, s'esclaffa alors Thérèse. Ton cas n'est pas si désespéré que ça au final.


Elle n'avait pas dit ça méchamment, non, mais ses mots tombèrent comme des pierres dans mon estomac. Une fois de plus, le mot « coucher » arrivait en premier plan. On ne pouvait pas parler d'un premier baiser d'abord ? C'est déjà assez compliqué comme ça, il existe même des modes d'emploi d'une vingtaine de pages. Il faut gérer son haleine, ses yeux, la position, l'ouverture de la bouche, la pression, le mouvement, la rotation, la vitesse, la profondeur, la durée et je suis sûr que j'en oublie encore. Si un acte aussi banal qu'un baiser peut avoir des codes aussi complexes, alors un rapport sexuel... je n'ose imaginer. Le trajet avec Gabin était donc une mauvaise idée.


Forte de cette résolution, la journée de cours se passa sans encombre si ce n'est quelques taquineries de la part du groupe. Après un cours de philo bien ennuyant, la sonnerie nous délivra enfin. Et là, dans le couloir, se trouvaient Gabin et ses potes qui sortaient de la salle en face.


- Vous venez de finir ? demanda-t-il alors, le sourire aux lèvres.

- Oui ! On rentre toutes chez nous, ne put s'empêcher de dire Sophie en m'adressant un clin d'œil des plus discrets.

- C'est parti alors, déclara-t-il en amorçant la marche.

- Oui, c'est parti, me murmurai-je à moi-même, hésitant entre une menace et une promesse...


J'avais peut-être oublié de le préciser au début de mon histoire, mais ma volonté n'est pas très... poussée. Oui, je suis faible, eh oui, les trajets chaque jour avec Gabin commençaient.

Performance, ma pire ennemie ! (En pause)Where stories live. Discover now